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28/06/2024 | FRANCE | N°482605

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 28 juin 2024, 482605


Vu la procédure suivante :



La société par actions simplifiée (SAS) Alta Vai Holdco P a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000867 du 6 mai 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n°21PA03938 du 14 juin 2023, la cour administrative d'appel

de Paris a rejeté l'appel formé par la société Alta Vai Holdco P contre ce jugement.



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Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Alta Vai Holdco P a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000867 du 6 mai 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°21PA03938 du 14 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Alta Vai Holdco P contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Alta Vai Holdco P demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 avril, 28 mai et 14 juin 2024, la société Alta Vai Holdco P demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi en cassation, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité des dispositions du 3° du 1 de l'article 39 et du a du I de l'article 212 du code général des impôts au principe d'égalité devant les charges publiques et au droit à un procès équitable, respectivement garantis par les articles 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ;

- la décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Alta Vai Holdco P ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 juin 2024, présentée par la société Alta Vai Holdco P ;

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du I de l'article 212 du code général des impôts : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles : / a) Dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 du même article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ". Le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du même code est défini comme correspondant " à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans ".

3. La société Alta Vai Holdco P soutient, d'une part, que les dispositions du I de l'article 212 du code général des impôts, ainsi que, en tant que ce I renvoie à la définition qui y figure, le 3° du 1 de l'article 39 du même code, sont contraires au principe d'égalité devant les charges publiques et au droit à un procès équitable, respectivement garantis par les articles 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle soutient, d'autre part, que les dispositions de ce même 3°, prises isolément et applicables alors aux entreprises qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés, sont contraires à ces mêmes principes.

4. Toutefois, d'une part, par sa décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du I de l'article 212 du code général des impôts dans leur version issue de l'article 22 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. Or, aucun changement de circonstances de droit ou de fait, affectant la portée de ces dispositions, n'est, depuis lors, intervenu de sorte à en justifier le réexamen. D'autre part, l'article 39 du code général des impôts s'applique à toutes les sociétés soumises à l'impôt sur le revenu, qui se trouvent dans une situation objective différente de celle de la société requérante, assujettie à l'impôt sur les sociétés, de sorte que la disposition critiquée ne porte pas atteinte au principe d'égalité. Par suite, les conditions auxquelles les dispositions de l'ordonnance précitée du 7 novembre 1958 subordonnent le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité ne sont pas satisfaites.

Sur les autres moyens du pourvoi :

5. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

6. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la société Alta Vai Holdco P soutient que la cour administrative d'appel de Paris :

- l'a entaché d'insuffisance de motivation et de contradiction de motifs en écartant les éléments qu'elle avait produits pour justifier du taux de la ligne de crédit que lui avait accordée son actionnaire, la société Predica, notamment la cotation de prêt fournie à l'une de ses filiales par la banque CACIB et les études menées par deux cabinets spécialisés ;

- a méconnu le principe du contradictoire en écartant, au profit des affirmations non étayées de l'administration, les nombreuses justifications qu'elle avait produites ;

- a méconnu les dispositions du a du I de l'article 212 du code général des impôts en jugeant qu'elle n'était pas fondée à bénéficier d'une déduction des intérêts qu'elle avait versés à un taux supérieur à celui prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 du même code, alors que l'avance qui lui avait été consentie n'avait ni pour objet ni pour effet d'opérer un transfert artificiel de base imposable entre elle et sa mère, et en jugeant que les éléments de nature à justifier, par comparaison, le taux appliqué, devaient concerner des prêts de même montant, de même durée, émis à la même date, avec les mêmes garanties, par des sociétés intervenant comme elle dans l'immobilier de bureau parisien ;

- a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve en jugeant qu'elle n'établissait pas que le taux appliqué correspondait à un taux de pleine concurrence alors qu'il lui revenait, après avoir obtenu de sa part de premiers arguments, d'exiger de la part de l'administration qu'elle fournisse des éléments contraires.

7. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la société Alta Vai Holdco P.

Article 2 : Le pourvoi de la société Alta Vai Holdco P n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Alta Vai Holdco P et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 juin 2024 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Jean-Marc Vié, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 28 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Marc Vié

Le secrétaire :

Signé : M. Aurélien Engasser


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 482605
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2024, n° 482605
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:482605.20240628
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