La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2024 | FRANCE | N°449049

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 juin 2024, 449049


Vu la procédure suivante :



Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête du syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2020-1437 du 24 novembre 2020 relatif aux modalités de fixation du prix maximal de vente aux établissements de santé d'un produit de santé, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question de savoir si l'article 4 de la directive 89/105/CEE du Conseil, du 21 déce

mbre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des p...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête du syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2020-1437 du 24 novembre 2020 relatif aux modalités de fixation du prix maximal de vente aux établissements de santé d'un produit de santé, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question de savoir si l'article 4 de la directive 89/105/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie, doit être interprété en ce sens que la notion de " blocage des prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments " s'applique à une mesure dont la finalité est de contrôler les prix des médicaments mais qui concerne uniquement certains médicaments pris individuellement et n'a pas vocation à s'appliquer à tous les médicaments, ni même à certaines catégories d'entre eux et alors que les garanties que cet article attache à l'existence d'une mesure de blocage telle qu'il la définit apparaissent, pour une telle mesure, dépourvues de portée ou d'objet.

Par un arrêt n° C-20/22 du 22 décembre 2022, enregistré le 9 février 2024 au Conseil d'Etat, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur cette question.

Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2021 ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;

- la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 162-16-4-3 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 42 de loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, permet aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale de fixer par arrêté un prix maximal de vente aux établissements de santé de certains médicaments inscrits sur la liste des spécialités agréées à l'usage des collectivités publiques prévue à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique et de certains produits de santé autres que des médicaments, financés au titre des prestations d'hospitalisation définies à l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. Selon le I de cet article, un tel prix peut être fixé " en cas de risque de dépenses injustifiées, notamment au regard d'une augmentation significative des prix de vente constatés ou au regard des prix de produits de santé comparables " ou " dans le cas de produits de santé qui, à titre unitaire ou compte tenu de leur volume global, ont, de manière prévisible ou constatée, un caractère particulièrement coûteux pour certains établissements ". Aux termes du II, préalablement à la fixation du prix maximal, l'entreprise doit avoir été mise en mesure de présenter ses observations, pour les médicaments " au regard d'au moins l'un des critères mentionnés à la seconde phrase du premier alinéa du I de l'article L. 162-16-4 ", c'est-à-dire des critères dont il est tenu compte pour la fixation du prix de vente au public des médicaments inscrits sur la liste des spécialités remboursables et, pour les produits de santé autres que les médicaments, " au regard d'au moins l'un des critères mentionnés au dernier alinéa du I de l'article L. 165-2 ", c'est-à-dire des critères selon lesquels sont fixés les tarifs de responsabilité des produits ou prestations inscrits sur la liste prévue pour ces produits. Le III renvoie la définition des modalités d'application de l'article à un décret en Conseil d'Etat.

2. En application de ces dispositions, le décret du 24 novembre 2020 relatif aux modalités de fixation du prix maximal de vente aux établissements de santé d'un produit de santé a inséré au code de la sécurité sociale un article R. 163-11-2 fixant la procédure à suivre dans le cas où les ministres compétents envisagent de fixer, pour une spécialité pharmaceutique ou un autre produit de santé, un prix maximal de vente aux établissements de santé. Le syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) en demande l'annulation pour excès de pouvoir.

3. Dans l'arrêt du 22 décembre 2022 par lequel elle s'est prononcée sur la question dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel après avoir écarté les moyens tirés de la méconnaissance du droit interne, de l'article 34 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, du principe de non-discrimination et des articles 1, 2, 3 et 11 de la directive 89/105/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des système nationaux d'assurance maladie, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 1, de cette directive doit être interprété en ce sens que la notion de " blocage du prix de tous les médicaments ou de certaines catégories de médicaments " ne s'applique pas à une mesure dont la finalité est de contrôler les prix de certains médicaments pris individuellement.

4. Ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat, statuant au contentieux par sa décision du 30 décembre 2021 dans la présente instance, il résulte des dispositions citées au point 1 que le dispositif de plafonnement du prix de vente aux établissements de santé que met en place l'article L. 162-16-4-3, s'il vise à contrôler le prix des médicaments auxquels il est appliqué, porte uniquement sur certains médicaments, pris individuellement, dans le cas où l'une au moins des conditions qu'il pose est remplie. Il n'a donc pas vocation à s'appliquer à tous les médicaments, ni même à certaines catégories d'entre eux. Par suite, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que l'article L. 162-16-4-3 du code de la sécurité sociale ou le décret attaqué pris pour son application méconnaîtraient les dispositions de l'article 4 de la directive 89/105/CEE citée au point précédent.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat Les Entreprises du médicament n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué.

6. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat Les Entreprises du médicament est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Les Entreprises du médicament et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 27 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Redondo

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 449049
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2024, n° 449049
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Redondo
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:449049.20240627
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award