Vu la procédure suivante :
La société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard (SEARD) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la région Bretagne à lui verser une indemnité de 1 006 006,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2018 et de leur capitalisation, en réparation des manquements de celle-ci lors de la passation de la convention de délégation de service public portant sur la gestion des aéroports de Rennes-Saint-Jacques et de Dinard-Pleurtuit. Par un jugement n° 1901222 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la SEARD.
Par un arrêt n° 22NT00257 du 24 mars 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la SEARD contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 23 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SEARD demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge la région Bretagne la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Adam, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de la société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard (SEARD) et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la région Bretagne ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2024, présentée par la SEARD ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une convention de délégation de service public, signée le 28 décembre 2009, la société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard (SEARD) a été chargée par la région Bretagne de la gestion et de l'exploitation des aéroports de Rennes-Saint-Jacques et de Dinard-Pleurtuit, jusqu'au 31 décembre 2024. Le 31 août 2010, conformément aux stipulations de cette convention, la SEARD a conclu avec la chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Pays de Saint-Malo, ancienne exploitante de l'aéroport de Dinard-Pleurtuit, une convention de transition de l'exploitation de cet aéroport. Par ailleurs, par un arrêt du 16 mai 2018, la cour d'appel de Rennes a ordonné la réintégration, au sein de la SEARD, de l'ancien chef d'exploitation de l'aéroport de Dinard, licencié pour insuffisance professionnelle en 2008 par le précédent exploitant, et l'a condamnée solidairement avec la CCI à verser à l'intéressé une indemnité pour licenciement nul, correspondant à l'intégralité des rémunérations qu'il aurait dû percevoir entre la notification de son licenciement et la date effective de sa réintégration. La SEARD a demandé à la région Bretagne de l'indemniser des préjudices subis en raison de sa faute à ne pas l'avoir informée du risque contentieux lié au licenciement de ce salarié protégé. En l'absence de réponse de celle-ci, la SEARD a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une requête tendant à la condamnation de la région Bretagne à lui verser, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, une indemnité de 1 006 006,40 euros en réparation de ces préjudices, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Par un jugement du 2 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande. La SEARD se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel de Nantes a jugé qu'à la date de signature de la convention de délégation de service public en cause, le 28 décembre 2009, le chef d'exploitation de l'aéroport de Dinard, licencié l'année précédente, ne faisait plus partie des effectifs du service délégué, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes constatant la nullité de ce licenciement n'étant intervenu que le 16 mai 2018.
3. En deuxième lieu, c'est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et sans contradiction de motifs que la cour a jugé que la région Bretagne n'avait pas connaissance, en 2009, à la date de la passation du contrat de délégation de service public, d'un risque contentieux d'annulation du licenciement de l'ancien chef d'exploitation de l'aéroport de Dinard intervenu en 2008 et de la charge financière qu'il était susceptible de faire peser sur le délégataire et relevé, par ailleurs, que cette même région s'était engagée auprès de l'ancien délégataire à prendre en charge le coût du litige excédant le montant de la provision constituée par ce dernier, dès lors que cet engagement était postérieur à la signature de la convention de délégation de service public en cause. C'est par suite sans erreur de droit qu'elle a écarté la faute qu'aurait commise l'autorité concédante pour n'avoir pas informé les candidats à la délégation de service public de l'existence d'un tel risque.
4. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir relevé que la requête de la SEARD visait à obtenir l'indemnisation, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, du préjudice qu'elle soutenait avoir subi en raison d'une faute commise par la région lors de la passation du contrat, a écarté l'existence de toute faute de cette dernière avant de relever, par des motifs surabondants dès lors que l'action engagée par la société ne tendait pas à contester la validité du contrat et ne constituait pas un litige relatif à son exécution, que le manquement allégué ne pouvait être regardé comme un vice ayant affecté son consentement. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
5. En quatrième lieu, c'est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que la cour a jugé que les stipulations du contrat de délégation de service public n'avaient pas pour effet de mettre à la charge de la région Bretagne une obligation de contrôle des opérations de transition entre délégataires.
6. En cinquième lieu, les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires. Par suite, en jugeant que la société requérante ne pouvait pas se prévaloir des stipulations de la convention de clôture conclue entre le précédent délégataire et la région, par laquelle celle-ci s'était engagée à prendre en charge le coût occasionné par le litige initié par l'ancien chef d'exploitation de l'aéroport, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
7. En dernier lieu, la cour ayant relevé qu'aucun des manquements allégués n'était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la région, ces motifs justifiaient nécessairement, à eux seuls, le dispositif de rejet. Si la cour a également fondé sa décision sur des motifs tirés ce que le préjudice allégué ne présentait pas de lien direct et certain avec le comportement de la région, de tels motifs ne peuvent qu'être regardés comme surabondants. Les moyens critiquant ces motifs sont, par suite, inopérants.
8. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SEARD doit être rejeté, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SEARD une somme de 3 000 euros à verser à la région Bretagne au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard est rejeté.
Article 2 : La société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard versera à la région Bretagne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard et à la région Bretagne.