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25/06/2024 | FRANCE | N°472392

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25 juin 2024, 472392


Vu la procédure suivante :



La société Bouygues Telecom a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 13 avril 2018 par laquelle le chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes lui a infligé une amende administrative d'un montant de 315 000 euros et a ordonné la publication de cette décision sur le site internet de la direction générale pendant une durée de deux mois, ainsi que la décision du 14 août 2018 prise sur son

recours gracieux du 14 juin 2018, qui fixe l'amende administrative à la somm...

Vu la procédure suivante :

La société Bouygues Telecom a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 13 avril 2018 par laquelle le chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes lui a infligé une amende administrative d'un montant de 315 000 euros et a ordonné la publication de cette décision sur le site internet de la direction générale pendant une durée de deux mois, ainsi que la décision du 14 août 2018 prise sur son recours gracieux du 14 juin 2018, qui fixe l'amende administrative à la somme de 300 000 euros et confirme les mesures de publicité précédemment ordonnées et, à titre subsidiaire, de réformer ces décisions. Par un jugement n° 1818297 du 9 février 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA01835 du 24 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Bouygues Telecom contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 mars et 26 juin 2023 et le 11 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bouygues Telecom demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la consommation ;

- l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Bouygues Telecom ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Bouygues Télécom a fait l'objet de contrôles diligentés par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes les 2 et 9 février 2018 dans plusieurs boutiques et sur le site internet de la société, à l'issue desquels l'administration a retenu que vingt-trois supports commerciaux ne permettaient pas au consommateur de prendre connaissance d'emblée du prix dont il devrait s'acquitter pour un abonnement internet ligne fixe. Un procès-verbal a été dressé le 22 février 2018 et communiqué à la société par un courrier en date du 26 février 2018, l'informant des sanctions envisagées. Par une décision du 13 avril 2018, le chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a infligé à la société Bouygues Télécom, à raison de ces faits, une amende d'un montant total de 315 000 euros et a ordonné la publication de cette décision sur le site internet de la direction générale pendant une durée de deux mois. A la suite du recours gracieux de la société, le montant de l'amende a été ramené à 300 000 euros par décision du chef du service, notifiée par un courrier du 14 août 2018. La société Bouygues Télécom se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 janvier 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation ou, à titre subsidiaire, à la réformation de cette décision de sanction.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 131-5 du code de la consommation : " Tout manquement aux dispositions de l'article L. 112-1 définissant les modalités d'information sur le prix et les conditions de vente ainsi qu'aux dispositions des arrêtés pris pour son application est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ". Aux termes de l'article L. 112-1 du même code : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix, pris pour l'application de ces dernières dispositions : " Toute information sur les prix de produits ou de services doit faire apparaître, quel que soit le support utilisé, la somme totale toutes taxes comprises qui devra être effectivement payée par le consommateur, exprimée en euros. / Toutefois, peuvent être ajoutés à la somme annoncée les frais ou rémunérations correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles expressément réclamées par le consommateur et dont le coût a fait l'objet d'un accord préalable ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Lorsque le prix annoncé ne comprend pas un élément ou une prestation de services indispensables à l'emploi ou à la finalité du produit ou du service proposés, cette particularité doit être indiquée explicitement ".

3. Les dispositions des articles 1er et 3 de l'arrêté du 3 décembre 1987, prises sur le fondement de l'article L. 112-1 du code de la consommation, imposent à tout vendeur d'un produit et à tout prestataire d'un service d'informer le consommateur de la somme totale toutes taxes comprises qui devra être effectivement payée par le consommateur pour le produit ou le service qu'il propose, et, lorsqu'un élément ou une prestation de services indispensable à l'emploi ou à la finalité du produit ou du service proposé n'est pas compris dans ce dernier, de l'indiquer explicitement. Par suite, les dispositions de l'article 3 de cet arrêté ne dispensent pas un professionnel proposant une offre d'accès à l'internet par ligne fixe comportant la location payante du modem indispensable à ce service de l'obligation, en vertu de l'article 1er du même arrêté, d'afficher un prix total incluant l'ensemble de ces prestations. En revanche, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de fixer les modalités de cet affichage du prix, dès lors que celles-ci n'équivalent pas à une absence d'information sur le prix total de l'ensemble des prestations.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter l'argumentation de la société Bouygues Télécom tirée de la circonstance que le prix total des prestations offertes, incluant celui de la location du modem indispensable au service d'abonnement à l'internet ligne fixe proposé à titre principal, figurait, en tout état de cause, dans les informations affichées en complément du prix de cet abonnement, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la pratique mise en œuvre, consistant à n'afficher le prix total de la prestation qu'en petits caractères, méconnaissait les dispositions des articles 1er et 3 de l'arrêté du 3 décembre 1987 citées au point 2, en ne permettant pas au consommateur de prendre d'emblée connaissance du prix total de la prestation. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que ces dispositions de l'arrêté n'imposent pas de modalités d'affichage du prix total déterminées, dès lors que celles-ci n'équivalent pas à une absence d'information sur ce prix total, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, la société Bouygues Telecom est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 24 janvier 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société Bouygues Telecom la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Bouygues Telecom et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Matias de Sainte Lorette

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 472392
Date de la décision : 25/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2024, n° 472392
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:472392.20240625
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