Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis du 6 juin 2023 par laquelle la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature a déclaré irrecevable sa candidature à l'intégration directe aux fonctions de magistrat du second grade, présentée sur le fondement de l'article 22 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
2°) d'enjoindre à la commission d'avancement de procéder au réexamen de sa candidature à l'intégration directe au second grade.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature que peuvent être nommées directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d'être âgés de trente-cinq ans au moins, les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16, justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. Selon l'article 25-2 de la même ordonnance, les nominations à ce titre interviennent après avis conforme de la commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance. Aux termes du premier alinéa de l'article 34 de cette ordonnance : " Il est institué une commission chargée de dresser et d'arrêter le tableau d'avancement ainsi que les listes d'aptitude aux fonctions. Cette commission est commune aux magistrats du siège et du parquet. "
2. M. A... a déposé une demande d'intégration dans le corps judiciaire sur le fondement de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Par une décision du 6 juin 2023, la commission d'avancement a émis sur cette demande un avis d'irrecevabilité, au motif que l'intéressé ne satisfaisait pas à la condition d'expérience professionnelle prévue par les dispositions de l'ordonnance organique rappelées ci-dessus. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet avis, qui fait obstacle à ce qu'une décision de nomination soit prise par le garde des sceaux, ministre de la justice et fait dès lors grief au candidat.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., titulaire d'un doctorat en droit privé et sciences criminelles, exerce la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs depuis 2011, après avoir notamment occupé les fonctions d'assistant de justice près la cour d'appel de Nancy durant deux ans et celles d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche auprès de la faculté de droit de Nancy. M. A... fait valoir, sans être utilement contredit en défense, qu'il a été conduit, dans le cadre de ses fonctions, à mettre en œuvre devant diverses juridictions des mesures juridiques complexes, notamment en matière de droit de la famille, de droits patrimoniaux, de droit des sociétés et de droit pénal. Dès lors, en estimant que la candidature de M. A..., docteur en droit, faute de précisions quant aux missions confiées au titre de ses fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ne remplissait pas la condition d'expérience professionnelle posée par l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et était par suite irrecevable, alors que son expérience de plus de sept ans en qualité de mandataire judiciaire était, au regard des missions particulières exercées à ce titre, de nature à le qualifier particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires, la commission d'avancement a entaché son avis d'une erreur manifeste d'appréciation M. A... est, par suite, fondé à en demander l'annulation pour excès de pouvoir.
4. L'annulation de l'avis attaqué implique nécessairement qu'il soit procédé au réexamen de la candidature de M. A.... Il y a lieu, par suite, pour le Conseil d'Etat d'enjoindre à la commission d'avancement de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
D E C I D E :
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Article 1er : L'avis de la commission d'avancement statuant sur la demande de M. A... d'intégration directe dans le corps judiciaire est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la commission d'avancement de procéder au réexamen de la candidature de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Monsieur B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 21 juin 2024.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas