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18/06/2024 | FRANCE | N°469204

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 18 juin 2024, 469204


Vu la procédure suivante :



L'EARL Domaine Seilly a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 juillet 2017 de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), par laquelle il a émis un titre exécutoire de 321 861,08 euros à son encontre, puis d'annuler le titre exécutoire du 8 mars 2018 émis à son encontre par FranceAgriMer, qui ramenait le montant de sa créance à 22 306,50 euros, et la décision rejetant son recours gracieux. Par un jugement nos 1800509, 1805681 du 9 janvier 2020, le

tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.



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Vu la procédure suivante :

L'EARL Domaine Seilly a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 juillet 2017 de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), par laquelle il a émis un titre exécutoire de 321 861,08 euros à son encontre, puis d'annuler le titre exécutoire du 8 mars 2018 émis à son encontre par FranceAgriMer, qui ramenait le montant de sa créance à 22 306,50 euros, et la décision rejetant son recours gracieux. Par un jugement nos 1800509, 1805681 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 20NC00571 du 27 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de l'EARL Domaine Seilly, annulé ce jugement ainsi que le titre exécutoire émis à son encontre par FranceAgriMer le 8 mars 2018.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 novembre 2022 et 6 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, FranceAgriMer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'EARL Domaine Seilly ;

3°) de mettre à la charge de l'EARL Domaine Seilly la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la décision n° FranceAgriMer/Direction/2017/09 du 20 décembre 2017 relative aux délégations de signature consenties aux agents constituant la direction générale de FranceAgriMer ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'EARL Domaine de Seilly ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle mené à l'égard de l'EARL Domaine Seilly, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a émis à son encontre, le 25 juillet 2017, un titre de recettes de 321 861,08 euros pour procéder au recouvrement de sommes indument versées au titre d'une aide aux investissements dans le cadre du fonds européen agricole de garantie. Par une décision du 8 mars 2018, FranceAgriMer a émis un nouveau titre de recettes ramenant la dette de l'EARL Domaine Seilly à la somme de 22 306,50 euros. FranceAgriMer se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, sur appel de l'EARL Domaine Seilly, d'une part, le jugement du 9 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 mars 2018 de FranceAgriMer et, d'autre part, cette décision.

2. Aux termes de l'article D. 621-27 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux compétences du directeur général de FranceAgriMer, dans sa version applicable au litige : " Le directeur général de l'établissement est nommé par décret sur proposition du ministre chargé de l'agriculture. / [...] Il peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité. / Les actes de délégation font l'objet d'une publication au Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture. / Il est assisté d'un ou plusieurs directeurs généraux adjoints, qu'il désigne et qui le suppléent en cas d'absence ou d'empêchement dans les conditions qu'il définit ".

3. Par l'article 1er de la décision n° 2017/09 du 20 décembre 2017, publiée au bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture, la directrice générale de FranceAgriMer a donné délégation de signature à Mme A..., directrice générale adjointe, " pour l'ensemble des missions de FranceAgriMer " définies par le code rural et de la pêche maritime. L'article 2 de cette décision a prévu par ailleurs qu'" en cas d'absence de la directrice générale, Madame B... A..., directrice générale adjointe, assure sa suppléance ".

4. Lorsqu'une autorité exerce la suppléance d'une autre autorité, en application d'un texte ou parce qu'elle a vocation, tant par la place qu'elle occupe dans la hiérarchie du service concerné que par le rôle qu'elle y assume, à le faire en cas d'absence ou d'empêchement de l'autorité compétente, les actes administratifs signés par elle et entrant dans le champ de compétence de l'autorité qu'elle supplée ne peuvent être regardés comme entachés d'incompétence lorsqu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions de cette suppléance, et notamment l'absence de l'autorité suppléée, n'étaient pas satisfaites. La seule circonstance que l'acte en cause ne précise pas qu'il est pris au titre de cette suppléance n'est pas de nature à établir que ces conditions n'étaient pas satisfaites. Par suite, dès lors qu'il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 ci-dessus que Mme A..., directrice générale adjointe de FranceAgriMer, assurait la suppléance de la directrice générale en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en se fondant, pour juger que Mme A... n'avait pas compétence pour signer le titre exécutoire litigieux, sur le constat qu'il ne résultait pas de l'instruction, que ce soit notamment au regard des mentions de ce titre ou des écritures de FranceAgriMer, qu'elle aurait signé cet acte au titre d'une suppléance justifiée par l'absence de la directrice générale.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que FranceAgriMer est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de L'EARL Domaine Seilly la somme de 3 000 euros à verser à FranceAgriMer au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 27 septembre 2022 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'EARL Domaine Seilly versera à FranceAgriMer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'EARL Domaine Seilly au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et à l'EARL Domaine Seilly.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 18 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Nicole da Costa

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 469204
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-02-05-03 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE. - DÉLÉGATIONS, SUPPLÉANCE, INTÉRIM. - SUPPLÉANCE. - CONDITIONS [RJ1] – 1) PREUVE DE LEUR RESPECT – 2) ACTE NE PRÉCISANT PAS QU’IL A ÉTÉ PRIS À CE TITRE – CIRCONSTANCE PAR ELLE-MÊME DE NATURE À L’ENTACHER D’INCOMPÉTENCE – ABSENCE.

01-02-05-03 1) Lorsqu’une autorité exerce la suppléance d’une autre autorité, en application d’un texte ou parce qu’elle a vocation, tant par la place qu’elle occupe dans la hiérarchie du service concerné que par le rôle qu’elle y assume, à le faire en cas d’absence ou d’empêchement de l’autorité compétente, les actes administratifs signés par elle et entrant dans le champ de compétence de l’autorité qu’elle supplée ne peuvent être regardés comme entachés d’incompétence lorsqu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions de cette suppléance, et notamment l’absence de l’autorité suppléée, n’étaient pas satisfaites. ...2) La seule circonstance que l’acte en cause ne précise pas qu’il est pris au titre de cette suppléance n’est pas de nature à établir que ces conditions n’étaient pas satisfaites.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2024, n° 469204
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole da Costa
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469204.20240618
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