Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire en duplique, enregistrés les 25 avril 2022, 15 mars 2023 et 15 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des consultants et ingénieurs en environnement demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel de la ministre de la transition écologique et du ministre de l'économie, des finances et de la relance du 9 février 2022 fixant les modalités de certification prévues aux articles L. 556-1 et L. 556-2 du code de l'environnement, le référentiel, les modalités d'audit, les conditions d'accréditation des organismes certificateurs et les conditions d'équivalence prévus aux articles R. 512-39-1, R. 512-39-3, R. 512-46-25, R. 512-46-27, R. 512-66-1 et R. 515-106 de ce code, ainsi que les modèles d'attestation prévus aux articles R. 556-3 et R. 512-75-2 du même code ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : Le droit de l'Union européenne, et plus particulièrement les articles 102 et 106 du TFUE, doit-il être interprété comme s'opposant à des dispositions règlementaires nationales, telles que celles attaquées au présent litige (notamment l'arrêt du 9 février 2022), qui créent une inégalité de chances entre des entreprises concurrentes sur un même type de marché en ne définissant pas la notion de " compétences équivalentes " à la certification permettant à des entreprises, notamment lorsqu'elles ne disposent pas des moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour obtenir la certification " sites et sols pollués " de réaliser les prestations requérant ces " compétences équivalentes ", sans nécessairement devoir obtenir la certification réglementaire ou une attestation d'équivalence délivrée par un service de l'Etat-membre dans des conditions de garanties identiques à la certification règlementaire ' ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2014-336 du 24 mars 2014 ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 ;
- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 556-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, et de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : " Sans préjudice des articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1, sur les terrains ayant accueilli une installation classée mise à l'arrêt définitif et régulièrement réhabilitée pour permettre l'usage défini dans les conditions prévues par ces mêmes articles, lorsqu'un usage différent est ultérieurement envisagé, le maître d'ouvrage à l'initiative du changement d'usage doit définir des mesures de gestion de la pollution des sols et les mettre en œuvre afin d'assurer la compatibilité entre l'état des sols et la protection de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques, l'agriculture et l'environnement au regard du nouvel usage projeté. / Ces mesures de gestion de la pollution sont définies en tenant compte de l'efficacité des techniques de réhabilitation dans des conditions économiquement acceptables ainsi que du bilan des coûts, des inconvénients et avantages des mesures envisagées. Le maître d'ouvrage à l'initiative du changement d'usage fait attester de cette prise en compte par un bureau d'études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, conformément à une norme définie par arrêté du ministre chargé de l'environnement, ou équivalent. Le cas échéant, cette attestation est jointe au dossier de demande de permis de construire ou d'aménager (...). Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 556-2 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 précitée : " Les projets de construction ou de lotissement prévus dans un secteur d'information sur les sols tel que prévu à l'article L. 125-6 font l'objet d'une étude des sols afin d'établir les mesures de gestion de la pollution à mettre en œuvre pour assurer la compatibilité entre l'usage futur et l'état des sols. / Pour les projets soumis à permis de construire ou d'aménager, le maître d'ouvrage fournit dans le dossier de demande de permis une attestation garantissant la réalisation de cette étude des sols et de sa prise en compte dans la conception du projet de construction ou de lotissement. Cette attestation doit être établie par un bureau d'études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, conformément à une norme définie par arrêté du ministre chargé de l'environnement, ou équivalent (...). Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article R. 556-3 du même code, pris pour l'application des dispositions précitées : " I. - L'attestation du bureau d'études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, ou équivalent, prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2, garantit : /- la réalisation d'une étude de sols ; /- la prise en compte des préconisations de cette étude pour assurer la compatibilité entre l'état des sols et l'usage futur du site dans la conception du projet de construction ou de lotissement. /II. - Le bureau d'études fournissant l'attestation prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2 peut être le même que celui qui a réalisé l'étude de sols. / III. Le ministre chargé de l'environnement fixe par arrêté le modèle de l'attestation prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2 ".
2. D'autre part, aux termes des articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 du même code, dans leur rédaction issue de la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, lorsqu'une installation classée pour la protection de l'environnement autorisée avant le 1er février 2004 ou soumise à enregistrement est mise à l'arrêt définitif, " son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation " et " fait attester, par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine, de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité ainsi que de l'adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site, puis de la mise en œuvre de ces dernières ", un décret en Conseil d'Etat définissant les modalités d'application de ce dernier alinéa. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 512-12-1 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " Lorsque l'installation soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation. Il en informe le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ainsi que le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme. / Selon les modalités et dans les cas définis par décret en Conseil d'Etat, l'exploitant fait attester de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité du site par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine ". Enfin, le décret n° 2021-1096 du 19 août 2021 modifiant diverses dispositions relatives aux sols pollués et à la cessation d'activité des installations classées pour la protection de l'environnement a, en application des dispositions précitées, d'une part, modifié les articles R. 512-39-1, R. 512-39-3, R. 512-46-25, R. 512-46-27, R. 512-66-1 et R. 515-106 du code de l'environnement afin d'y insérer une phrase ainsi rédigée : " Le référentiel auquel doit se conformer cette entreprise et les modalités d'audit mises en œuvre par les organismes certificateurs, accrédités à cet effet, pour délivrer cette certification, ainsi que les conditions d'accréditation des organismes certificateurs et notamment les exigences attendues permettant de justifier des compétences requises, sont définis par arrêté du ministre chargé de l'environnement " et, d'autre part, créé un nouvel article R. 512-75-2 ainsi rédigé : " Le ministre chargé de l'environnement fixe par arrêté les modèles des attestations prévues aux III de l'article R. 512-39-1, aux I et III de l'article R. 512-39-3, au III de l'article R. 512-46-25, aux I et III de l'article R. 512-46-27, et au III de l'article R. 512-66-1 ".
3. En application des dispositions citées aux points 1 et 2, la ministre de la transition écologique et le ministre de l'économie, des finances et de la relance ont, le 9 février 2022, pris un arrêté fixant les modalités de certification prévues aux articles L. 556-1 et L. 556-2 du code de l'environnement, le référentiel, les modalités d'audit, les conditions d'accréditation des organismes certificateurs et les conditions d'équivalence prévus aux articles R. 512-39-1, R. 512-39-3, R. 512-46-25, R. 512-46-27, R. 512-66-1 et R. 515-106 de ce code, ainsi que les modèles d'attestation prévus aux articles R. 556-3 et R. 612-75-2 du même code.
4. L'Union des consultants et ingénieurs en environnement sollicite l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué du 9 février 2022 :
S'agissant de la légalité externe de l'arrêté du 9 février 2022 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / (...) / II. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures en ce qui concerne les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, ou au siège de l'autorité en ce qui concerne les décisions des autres autorités. (...) ". Ces dispositions exigent que les projets d'acte réglementaire de l'Etat ayant une incidence sur l'environnement soient mis à disposition du public afin de lui permettre de présenter des observations et propositions.
6. Les articles 2 à 6 de l'arrêté attaqué précisent que le référentiel visé aux dispositions citées aux points 1 et 2 est constitué des exigences mentionnées, selon les attestations concernées, à ses annexes I à VIII, lesquelles font référence à la série des normes NF X31-620 " Qualité du sol - Prestations de services relatives aux sites et sols pollués " dans leur version de décembre 2021. Il n'est pas contesté que, lorsque le projet d'arrêté attaqué a été soumis à la consultation du public entre le 3 et le 23 décembre 2021, les projets de normes NF X31-620 dans leur version de décembre 2021, que cet arrêté avait pour objet de rendre obligatoires, n'ont pas été mis à disposition du public. Il ressort néanmoins des pièces du dossier, d'une part, que ces normes avaient fait l'objet d'une enquête publique entre le 1er octobre et le 1er novembre 2021, en application de l'article 15 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation et, d'autre part, que la note de présentation précisant le contexte et les objectifs du projet d'arrêté faisait état des modifications apportées à ces normes à la suite de l'enquête publique. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de participation du public, au motif que n'était pas jointe au projet d'arrêté soumis au public la série des normes NF X31-620 dans leur version de décembre 2021, ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales. Pour chacune des attestations visées aux articles 74, 83, 88, 97 et 109 de l'arrêté attaqué, les modèles d'attestations prévoient l'usage des mentions " Atteste, sans réserve " ou " Eventuelles observations mineures ", en précisant que seules peuvent être mentionnées des observations mineures dont la prise en compte ne remet pas en cause la délivrance de l'attestation. En outre, les articles 81, 86, 95 et 107 de l'arrêté précisent que ces attestations sont délivrées sans réserve uniquement si les mesures pour assurer la mise en sécurité ont été mises en œuvre, ou si les mesures proposées pour la réhabilitation du site sont en adéquation avec les enjeux identifiés, ou si l'état des milieux est compatible avec les enjeux identifiés dans le mémoire de réhabilitation compte tenu des mesures de surveillance et de restriction d'usage, ou encore en cas de démantèlement de l'installation et de remise en état des parcelles concernées. Ces dispositions n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de remettre en cause les obligations civiles auxquelles sont tenues les entreprises délivrant de telles attestations, pas plus que la répartition des responsabilités encourues par l'exploitant, l'ancien exploitant ou le porteur de projet et l'entreprise délivrant ces attestations, en matière de sites et sols pollués, au regard notamment du principe constitutionnel dit " pollueur-payeur ". Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les auteurs de l'arrêté attaqué n'étaient pas compétents pour imposer la délivrance d'attestations " sans réserve " ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes du I. de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales : " Le Conseil national d'évaluation des normes est consulté par le Gouvernement sur l'impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables. / Il est également consulté par le Gouvernement sur l'impact technique et financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être regardées comme des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics soit les normes qui les concernent spécifiquement ou principalement, soit les normes qui affectent de façon significative leurs compétences, leur organisation, leur fonctionnement ou leurs finances. Tel n'est pas le cas de l'arrêté attaqué. La consultation du Conseil national d'évaluation des normes préalablement à l'adoption de l'arrêté litigieux n'était, dès lors, pas obligatoire, de sorte que le moyen tiré de l'absence d'une telle consultation ne peut qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, si l'association requérante soutient, en se prévalant de la circulaire du Premier ministre du 12 octobre 2015 relative à l'évaluation préalable des normes et à la qualité du droit, qu'une étude d'impact aurait dû être réalisée préalablement à l'adoption de l'arrêté attaqué, cette circulaire, qui se borne à fixer des orientations pour l'organisation du travail gouvernemental, ne peut être en l'espèce utilement invoquée. Dès lors, ce moyen est inopérant.
S'agissant de la légalité interne de l'arrêté du 9 février 2022 :
10. En cinquième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 512-6-1, L. 512-7-1 et L. 512-12-1 du code de l'environnement citées au point 2 que les attestations qu'elles prévoient peuvent être délivrées par une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine. Le décret du 19 août 2021 précité, pris pour l'application de ces dispositions, a renvoyé à un arrêté du ministre chargé de l'environnement le soin de définir, notamment, le référentiel auquel doivent se conformer les entreprises pour délivrer ces attestations.
11. D'une part, les articles 3 à 6 de l'arrêté attaqué précisent que ce référentiel est constitué des exigences mentionnées, selon les attestations concernées, à ses annexes I à III et V à VIII, lesquelles font référence aux normes NF X31-620-1, NF X31-620-2 ou NF X31-620-3 dans leur version de décembre 2021. D'autre part, l'article 42 de cet arrêté précise, s'agissant des entreprises délivrant ces attestations, que l'équivalence des compétences " s'appuie sur une reconnaissance professionnelle présentant un niveau de garantie identique, notamment s'agissant des exigences applicables et des contrôles associés à celles-ci (...) ". Enfin, les articles 43 et 44 de l'arrêté attaqué précisent que l'équivalence à la certification peut résulter respectivement " soit d'une certification selon un référentiel équivalent ", soit " d'un agrément ministériel délivré par un Etat concerné par l'accord européen multilatéral établi dans le cadre de la coopération européenne des organismes d'accréditation ", l'entreprise qui souhaite faire reconnaître ce référentiel ou cet agrément devant en faire " la demande auprès du ministre chargé de l'environnement (direction générale de la prévention des risques) qui statue sur cette équivalence dans un délai de deux mois ". Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les auteurs de l'arrêté attaqué, qui ont entendu conférer une certaine souplesse à cette alternative à la certification, ont suffisamment défini la notion de " compétences équivalentes ", la direction générale de la prévention des risques du ministère chargé de l'environnement devant apprécier si le référentiel ou l'agrément ministériel, dont il est demandé qu'il soit reconnu comme équivalent, présente un niveau de garantie identique aux exigences posées par les articles 3 à 6 de l'arrêté attaqué. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les auteurs de l'arrêté attaqué auraient illégalement subdélégué leur compétence pour définir le référentiel conduisant à la reconnaissance de " compétences équivalentes " doit être écarté.
12. En sixième lieu, l'arrêté attaqué, qui est édicté principalement à destination des organismes de certification et des entreprises devant être certifiées, définit de façon claire, cohérente et suffisamment précise, les exigences relatives aux différents référentiels de certification, en renvoyant, pour chacune des attestations concernées, aux exigences précisées aux différentes annexes, qui renvoient elles-mêmes à la série des normes NF X31-620 dans leur version de décembre 2021 en en précisant les conditions d'application. En outre, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'arrêté attaqué définit de façon claire et suffisamment précise les notions de " compétences équivalentes ", d' " équivalence " à la certification, d'attestations " sans réserve " et d' " observations mineures ". Enfin, si l'arrêté attaqué ne comporte aucun lien direct vers le site de l'AFNOR, il n'est pas contesté que la série des normes révisées NF X31-620 est librement et gratuitement accessible sur ce site. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme doit être écarté.
13. En septième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que les conditions dans lesquelles peut être obtenue une équivalence à la certification s'appliquent indistinctement à l'ensemble des entreprises. Si les articles 21 à 28 de l'arrêté attaqué établissent un processus de certification complémentaire relatif aux bureaux d'étude constitués de plusieurs établissements, fondé sur un échantillonnage des établissements pour l'évaluation de la conformité de la certification initiale et de son renouvellement, et sur l'audit de tous les établissements du périmètre de certification sur une période définie, ces dispositions sont applicables aux seuls bureaux d'étude constitués de plusieurs établissements et disposant d'une " organisation unique permettant de répondre aux exigences des référentiels de certification " . Dès lors, cette différence de traitement doit être regardée comme résultant d'une différence de situation entre les bureaux d'études, en rapport avec l'objet de l'arrêté. Elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif d'adaptation du processus à la situation particulière de ces bureaux d'études. Enfin, la circonstance alléguée que le Laboratoire national de métrologie et d'essais, en tant qu'organisme certificateur, inciterait les bureaux d'études à solliciter des certifications volontaires en plus de la certification réglementaire, ou que certains donneurs d'ordre choisiraient nécessairement des bureaux d'étude certifiés pour des prestations en sites et sols pollués même lorsque cette certification ne serait pas réglementairement obligatoire, dès lors qu'elle ne ressort pas des dispositions de l'arrêté attaqué, n'est pas, en tout état de cause, de nature à l'entacher d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaîtrait le principe de libre concurrence doit être écarté.
14. En huitième lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation : " Les normes sont d'application volontaire. / Toutefois, les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés. / Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation. L'Association française de normalisation rend ces normes téléchargeables et imprimables gratuitement, sauf en cas d'opposition dûment justifiée d'un tiers détenteur de droits de propriété intellectuelle sur celles-ci ". Il résulte de ces dispositions que les auteurs de l'arrêté attaqué pouvaient, sans que cela constitue une subdélégation illégale de leur pouvoir réglementaire, rendre d'application obligatoire la série des normes révisées NF X31-620, homologuée par l'AFNOR. Si l'association requérante soutient que l'obligation faite à l'AFNOR, du fait du caractère obligatoire de ces normes, de les rendre gratuitement consultables sur son site internet la conduirait à méconnaître les droits de propriété intellectuelle dont seraient titulaires des organisations internationales de normalisation, elle n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen d'illégalité tiré de ce que l'arrêté attaqué rend d'application obligatoire la série des normes NF X31-620 ne peut qu'être écarté.
15. En dernier lieu, il résulte de ce qui est dit au point 11, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soulevée en l'absence de difficulté sérieuse, que doit également être écarté le moyen tiré de ce que, faute de définir la notion de " compétences équivalentes ", l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions législatives citées au point 2. De même, il résulte de ce qui est dit au point 7 que doit être écarté le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaîtrait le champ d'application de la loi en modifiant le régime de responsabilité des entreprises en matière de sites et sols pollués.
Sur l'exception d'illégalité du décret du 19 août 2021 :
16. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte.
17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'association requérante n'est pas, en tout état de cause, fondée à soutenir que le décret du 19 août 2021 serait illégal en tant qu'il a pour objet de rendre obligatoire un arrêté illégal, en méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.
18. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 512-6-1, L. 512-7-1 et L. 512-12-1 du code de l'environnement citées au point 2 que les attestations qu'elles prévoient peuvent être délivrées par " une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestations de services dans ce domaine ". Le décret du 19 août 2021, pris pour l'application de celles-ci, prévoit, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le référentiel auquel doit se conformer cette entreprise et les modalités d'audit mises en œuvre par les organismes certificateurs, accrédités à cet effet, ainsi que les conditions de leur accréditation, sont définis par arrêté du ministre chargé de l'environnement. Contrairement à ce qui est soutenu, ce décret ne renvoie pas à un arrêté de manière insuffisamment précise le soin de définir les modalités d'application du référentiel de certification et la notion de " compétences équivalentes ".
Sur l'exception d'illégalité de l'arrêté d'homologation du directeur de l'AFNOR du 24 novembre 2021 et de la norme NF X31-620 de décembre 2021 :
19. La circonstance que la série des normes NF X31-620 de décembre 2021, homologuée par un arrêté du directeur de l'AFNOR du 24 novembre 2021, mentionne, en propos liminaires, que certaines parties de ces normes dans leur version de 2018 restent applicables au titre de la réglementation qui les cite, alors que la décision du directeur général de l'AFNOR du 19 décembre 2018 l'homologuant a été annulée par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 21 juillet 2021, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité les décisions contestées.
20. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté attaqué du 9 février 2022. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Union des consultants et ingénieurs en environnement est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des consultants et ingénieurs en environnement, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à l'Association française de normalisation (AFNOR).
Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 17 juin 2024.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
La rapporteure :
Signé : Mme Nathalie Destais
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse