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07/06/2024 | FRANCE | N°474230

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 07 juin 2024, 474230


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a saisi le tribunal administratif de Nice d'une opposition à la contrainte émise à son encontre le 17 août 2020 par la directrice de la caisse d'allocations familiales (CAF) des Alpes-Maritimes pour le recouvrement d'une somme de 1 076 euros indûment versée au titre de l'allocation de logement sociale (ALS). Sa demande tendait également, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 novembre 2019 par laquelle cette autorité a rejeté sa demande de bénéficier de l'ALS pour son nouveau logement et, d'autre part,

à ce que cette CAF lui verse la différence entre l'indu et l'ALS qu'elle ...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a saisi le tribunal administratif de Nice d'une opposition à la contrainte émise à son encontre le 17 août 2020 par la directrice de la caisse d'allocations familiales (CAF) des Alpes-Maritimes pour le recouvrement d'une somme de 1 076 euros indûment versée au titre de l'allocation de logement sociale (ALS). Sa demande tendait également, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 novembre 2019 par laquelle cette autorité a rejeté sa demande de bénéficier de l'ALS pour son nouveau logement et, d'autre part, à ce que cette CAF lui verse la différence entre l'indu et l'ALS qu'elle estime lui être due. Par un jugement n° 2003495 du 5 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mai et 31 juillet 2023 et le 16 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la CAF des Alpes-Maritimes la somme de 2 500 euros, à verser au cabinet Didier Bouthors, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2019-770 du 17 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bouthors, avocat de Mme B... et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, d'une part, la directrice de la caisse d'allocations familiales (CAF) des Alpes-Maritimes a, après deux mises en demeure infructueuses, émis le 17 août 2020 une contrainte à l'encontre de Mme B... pour le recouvrement d'une somme de 1 076 euros qu'elle estimait indument perçue au titre de l'allocation de logement sociale (ALS) et que, d'autre part, par une décision du 6 novembre 2019, le directeur de cette caisse a notifié à l'intéressée son refus de lui verser l'ALS au titre de son nouveau logement. Par un jugement du 5 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté l'opposition de Mme B... à cette contrainte et sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2019 et à ce que lui soit versée la compensation entre l'indu et l'allocation de logement sociale qu'elle estime lui être due. Mme B... demande l'annulation de ce jugement.

2. Il résulte des articles L. 142-1 et L. 142-8 du code de la sécurité sociale que le juge judiciaire connaît des litiges relatifs à l'application des législations et réglementations de sécurité sociale. Jusqu'à l'ordonnance du 17 juillet 2019 relative à la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l'habitation, les différends avec les organismes chargés de statuer sur le droit à l'allocation de logement sociale ou à l'allocation de logement familiale, de les liquider et d'assurer leur versement, étaient en vertu de l'article L. 835-4 du code de la sécurité sociale, réglés conformément aux dispositions concernant le contentieux général de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 du même code. Il en était ainsi, notamment, des litiges relatifs à la répétition d'indus.

3. Toutefois, l'ordonnance du 17 juillet 2019 a créé l'article L. 825-1 du code de la construction et de l'habitation aux termes duquel : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale qui attribuent au tribunal de grande instance désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire la compétence pour connaître des contestations relatives aux pénalités prononcées en cas de fraude, les recours dirigés contre les décisions prises en matière d'aides personnelles au logement et de primes de déménagement par les organismes mentionnés à l'article L. 812-1 sont portés devant la juridiction administrative. " Le II de l'article 23 de cette ordonnance dispose que, par dérogation aux dispositions du I, qui prévoient une entrée en vigueur au 1er septembre 2019 des dispositions de la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l'habitation sous réserve de certaines exceptions : " Entrent en vigueur le 1er janvier 2020 : / 1° Les dispositions du chapitre V du titre II du livre VIII du code de la construction et de l'habitation, annexées à la présente ordonnance ; ces dispositions s'appliquent aux décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation annexé à la présente ordonnance, prises à partir du 1er janvier 2020, ainsi qu'aux décisions prises, à partir de cette même date, par le directeur de l'organisme payeur sur les demandes de remise de dettes mentionnées au 2° de ce même article. Les décisions prises avant le 1er janvier 2020 en matière d'allocation de logement demeurent soumises aux dispositions applicables en matière de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole prévues aux articles L. 142-1 et suivants du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation : " Le directeur de l'organisme payeur statue, dans des conditions fixées par voie réglementaire, sur : / 1° Les contestations des décisions prises par l'organisme payeur au titre des aides personnelles au logement ou des primes de déménagement ; / 2° Les demandes de remise de dettes présentées à titre gracieux par les bénéficiaires des aides personnelles au logement ".

4. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que les recours formés contre les décisions des organismes payeurs mentionnées au 1° de l'article L. 825-3 du code de la construction et de l'habitation prises avant le 1er janvier 2020 relèvent du contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale et ressortissent, dès lors, à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Les oppositions aux contraintes délivrées, y compris après le 1er janvier 2020, par les directeurs des caisses d'allocations familiales sur le fondement des dispositions de l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, pour le recouvrement d'indus d'allocation de logement ayant fait l'objet d'une notification de payer antérieure au 1er janvier 2020, ressortissent donc également à la compétence de ces mêmes juridictions.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, d'une part, la notification de payer les sommes indument versées que la contrainte émise le 17 août 2020 à l'encontre de Mme B... vise à recouvrer est datée du 31 août 2018 et, que d'autre part, comme il est dit au point 1, le refus de lui verser l'ALS au titre de son nouveau logement a fait l'objet d'une décision du 6 novembre 2019. Il résulte de ce qui précède que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des litiges concernant cette contrainte et cette décision. Par suite, en rejetant ces conclusions comme infondées, le tribunal administratif de Nice a méconnu l'étendue de sa compétence. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, d'annuler son jugement et, réglant l'affaire par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de rejeter la demande de première instance comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la CAF des Alpes-Maritimes, ou de l'Etat qu'elle représente dans la présente instance, qui n'ont pas la qualité de partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée au titre des mêmes dispositions par la CAF des Alpes-Maritimes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 5 décembre 2022 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au directeur de la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mai 2024 où siégeaient : M. Alain Seban, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 7 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Alain Seban

La rapporteure :

Signé : Mme Amel Hafid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 474230
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2024, n° 474230
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amel Hafid
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : BOUTHORS ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474230.20240607
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