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07/06/2024 | FRANCE | N°473877

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 07 juin 2024, 473877


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le numéro 473877, par une requête enregistrée le 6 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir, sur un moyen de légalité interne, la note de service " DGS-Urgent n° 2022-28 " du 16 février 2022 intitulée " Vaccination contre le covid-19 - échéance du 15 février 2022 : équivalence infection-injection, vaccination des cas contacts et obligation vaccinale ", ainsi que la déci

sion par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrog...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 473877, par une requête enregistrée le 6 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir, sur un moyen de légalité interne, la note de service " DGS-Urgent n° 2022-28 " du 16 février 2022 intitulée " Vaccination contre le covid-19 - échéance du 15 février 2022 : équivalence infection-injection, vaccination des cas contacts et obligation vaccinale ", ainsi que la décision par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrogation de cette note de service ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir la note de service " DGS-Urgent n° 2022-28 " du 16 février 2022 intitulée " Vaccination contre le covid-19 - échéance du 15 février 2022 : équivalence infection-injection, vaccination des cas contacts et obligation vaccinale ", ainsi que la décision par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrogation de cette note de service ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, d'abroger sur un moyen de légalité interne cette note de service et cette décision ;

4°) en toute hypothèse, de prononcer une injonction assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le numéro 473884, par une requête enregistrée le 6 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association de défense des libertés fondamentales (ADLF) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir, sur un moyen de légalité interne, la note de service " DGS-Urgent n° 2022-28 " du 16 février 2022 intitulée " Vaccination contre le covid-19 - échéance du 15 février 2022 : équivalence infection-injection, vaccination des cas contacts et obligation vaccinale ", ainsi que la décision par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrogation de cette note de service ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir la note de service " DGS-Urgent n° 2022-28 " du 16 février 2022 intitulée " Vaccination contre le covid-19 - échéance du 15 février 2022 : équivalence infection-injection, vaccination des cas contacts et obligation vaccinale ", ainsi que la décision par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande tendant au retrait ou à l'abrogation de cette note de service ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, d'abroger sur un moyen de légalité interne cette note de service et cette décision ;

4°) en toute hypothèse, de prononcer une injonction assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- la loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le décret n° 2022-176 du 14 février 2022 ;

- le décret n° 2022-1097 du 30 juillet 2022 ;

- le décret n° 2023-368 du 13 mai 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les mesures de santé publique destinées à prévenir la circulation du virus de la covid-19 prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ont été remplacées, après l'expiration de celui-ci le 1er juin 2021, par celles de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire en a fixé certaines modalités d'application. La loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a institué une obligation de vaccination contre la covid-19, sauf contre-indication, pour certaines catégories de personnes, dont les sapeurs-pompiers. Aux termes de l'article 13 de cette loi, la satisfaction à l'obligation de vaccination peut être établie en présentant un certificat de statut vaccinal ou, par dérogation, et pour sa durée de validité, un certificat de rétablissement. Les décrets du 7 août 2021 et du 14 février 2022 ont modifié le décret du 1er juin 2021 pour préciser notamment la teneur de ces justificatifs.

2. Dans sa rédaction issue du décret du 14 février 2022, l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 précisait notamment les conditions de validité des justificatifs de statut vaccinal et des certificats de rétablissement. S'agissant des justificatifs de statut vaccinal, il fixait les conditions dans lesquelles l'administration d'une ou plusieurs doses de vaccins à acide ribonucléique (ARN) messager permettait de considérer qu'un tel justificatif attestait d'un schéma vaccinal complet. Il précisait qu'un schéma vaccinal ne restait reconnu comme complet que si une nouvelle dose, dite " dose complémentaire ", de vaccin était administrée au plus tard quatre mois, contre sept auparavant, suivant l'injection de la dernière des doses, dites " premières doses ", requises. De plus, cet article précisait qu'une infection à la covid-19 équivalait à l'administration de l'une des premières doses ou de la dose complémentaire de vaccin à ARN messager pour les personnes auxquelles avaient été administré l'un des vaccins en deux doses prévus au troisième alinéa du a) du 2° de cet article. S'agissant des certificats de rétablissement, cet article en fixait la durée de validité à quatre mois lorsqu'un tel certificat était présenté à défaut d'un justificatif de statut vaccinal ou dans le cadre des dispositions relatives à la vaccination obligatoire.

3. Une note de service " DGS-Urgent n° 2022-28 " datée du 16 février 2022, intitulée " Vaccination contre le covid-19 - échéance du 15 février 2022 : équivalence infection-injection, vaccination des cas contacts et obligation vaccinale ", a été rendue publique via la liste de diffusion " DGS-Urgent " du ministère des solidarités et de la santé. Cette note de service précisait notamment les délais dans lesquels une dose complémentaire de vaccin contre la covid-19 pouvait être administrée et les modalités d'équivalence entre une infection à la covid-19 et l'administration d'une des deux premières doses ou de la dose complémentaire de vaccin.

4. Par la suite, la loi du 30 juillet 2022 a mis fin aux régimes d'exception créés pour lutter contre l'épidémie de covid-19. En revanche, les dispositions de la loi du 5 août 2021 relatives à l'obligation vaccinale sont demeurées en vigueur. Le décret du 30 juillet 2022 relatif aux mesures de veille et de sécurité sanitaire maintenues en matière de lutte contre la covid-19 a abrogé le décret du 1er juin 2021 et précisé à nouveau, notamment, les modalités de justification du statut vaccinal. L'article 2 du décret du 30 juillet 2022 reprenait des dispositions ayant une portée identique à celles de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 présentées au point 2. Enfin, le décret du 13 mai 2023 relatif à la suspension de l'obligation de vaccination contre la covid-19 des professionnels et étudiants a suspendu l'obligation de vaccination prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021.

5. M. A... et l'association de défense des libertés fondamentales ont demandé à la Première ministre, par lettres du 5 mai 2023, de retirer ou, à titre subsidiaire, d'abroger la note de service du 16 février 2023, en tant qu'elle limiterait la possibilité de satisfaire à l'obligation vaccinale par la présentation de trois certificats de rétablissement et exige l'administration d'une dose de vaccin contre la covid-19. Ils demandent au Conseil d'Etat d'annuler les décisions de refus nées du silence gardé sur leurs demandes ainsi que la note de service du 16 février 2022 au motif qu'elle s'opposerait à ce que les personnes titulaires d'un ou plusieurs certificats de rétablissement puissent démontrer satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant exclusivement ces certificats. Ils demandent, subsidiairement, l'abrogation de ces mêmes actes. Enfin, ils demandent le prononcé d'une injonction, non déterminée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

6. En premier lieu, le directeur général de la santé, la directrice générale de la cohésion sociale et la directrice générale de l'offre de soins, régulièrement nommés par décrets publiés au Journal officiel de la République française, avaient compétence, en vertu du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, pour signer la note de service attaquée au nom du ministre des solidarités et de la santé. Par ailleurs, la circonstance que le responsable de la " Task Force Vaccination " ait également signé, à titre superfétatoire, la note de service attaquée n'entache pas celle-ci d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de ses signataires doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes du deuxième alinéa du 1° du I de l'article 13 de la loi du 5 août 2021 qu'un certificat de rétablissement ne peut être présenté pour établir le respect de l'obligation de vaccination, par dérogation au justificatif de statut vaccinal, que durant sa période de validité. Par conséquent, le législateur lui-même s'est opposé à ce que le respect de l'obligation de vaccination puisse être établi par la seule présentation d'un ou plusieurs certificats de rétablissement dont la validité serait échue. En application de cette loi, l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 et l'article 2 du décret du 30 juillet 2022 ont prévu que l'administration d'au moins une dose de vaccin contre la covid-19 était requise pour bénéficier d'un justificatif de statut vaccinal au-delà de la durée de validité d'un éventuel certificat de rétablissement. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la note de service litigieuse, qui, au demeurant, n'institue à cet égard aucune règle différente de celles prévues par les dispositions précitées, méconnaîtrait l'article 34 de la Constitution ou la loi du 5 août 2021 et ses décrets d'application en s'opposant à ce que la seule présentation de certificats de rétablissement dont la durée de validité est échue puisse établir le respect de l'obligation vaccinale.

8. En troisième lieu, il ressort des éléments versés au dossier par le ministre de la santé et de la prévention, qui ne sont pas critiqués par les requérants, que les données scientifiques à la disposition des autorités sanitaires faisaient état de réponses immunitaires différentes selon qu'elles étaient déclenchées par une infection à la covid-19 ou l'administration d'une dose de vaccin contre la covid-19. Les requérants ne sont donc, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que la note de service attaquée méconnaîtrait les principes d'égalité et de non-discrimination en n'attribuant pas systématiquement, en ce qui concerne le respect de l'obligation vaccinale, les mêmes effets à une infection et à l'administration d'une dose de vaccin.

9. En quatrième et dernier lieu, la note de service attaquée n'a aucunement pour objet de créer une obligation de vaccination s'appliquant aux professionnels concernés, notamment les sapeurs-pompiers, ou des mesures applicables à ces professionnels à défaut de satisfaction de cette obligation. Par conséquent, les requérants ne peuvent pas utilement soutenir qu'elle porterait atteinte à la liberté d'entreprendre, à la liberté du commerce et de l'industrie, au droit au respect de la vie privée et familiale, à l'épanouissement personnel, à une vie normale ou à la santé de ces professionnels. Pour les mêmes raisons, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation qui justifierait son annulation ou, dès lors que la Haute Autorité de Santé avait préconisé la levée de l'obligation de vaccination, son abrogation.

10. Les autres moyens des requêtes ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ou sont inopérants.

11. Il résulte de ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions à fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de M. A... et de l'association de défense des libertés fondamentales sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à l'association de défense des libertés fondamentales et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 avril 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 7 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie Delaporte

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 473877
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2024, n° 473877
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Delaporte
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473877.20240607
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