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07/06/2024 | FRANCE | N°473434

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 07 juin 2024, 473434


Vu les procédures suivantes :



La société Ferme éolienne de Saulgond a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel la préfète de la Charente lui a refusé l'autorisation unique sollicitée en vue de la construction et de l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saulgond, et, d'autre part, de lui délivrer l'autorisation assortie, le cas échéant, de prescriptions particulières ou, si la cour con

sidérait nécessaire la délivrance d'une dérogation à l'interdiction de destructio...

Vu les procédures suivantes :

La société Ferme éolienne de Saulgond a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel la préfète de la Charente lui a refusé l'autorisation unique sollicitée en vue de la construction et de l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saulgond, et, d'autre part, de lui délivrer l'autorisation assortie, le cas échéant, de prescriptions particulières ou, si la cour considérait nécessaire la délivrance d'une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, de surseoir à statuer le temps qu'une autorisation modificative comportant cette dérogation lui soit délivrée ou encore, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou de reprendre l'instruction de sa demande et de se prononcer sur celle-ci dans le délai d'un mois, sous astreinte.

Par un arrêt n° 19BX03835 du 28 février 2023, la cour administrative d'appel, après avoir admis les interventions de l'association Brisevent et autres et de l'association Saint-Christophe Nature et autres a, d'une part, annulé l'arrêté préfectoral du 6 août 2019, d'autre part, délivré à la société pétitionnaire l'autorisation unique sollicitée pour ce parc éolien, enfin, renvoyé la société devant la préfète de la Charente pour que soient fixées, dans un délai de quatre mois, les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

1° Sous le n° 473434, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril 2023, 29 juin 2023 et 31 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Saint-Christophe Nature, ainsi que M. F... K..., Mme M... D..., Mme A... P..., Mme X... Y..., M. O... L..., Mme B... W..., M. G... E..., M. T... Q..., M. et Mme N... et Z... R..., Mmes H... et I... S..., M. et Mme N... et U... V..., et Mme C... J... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la société Ferme éolienne de Saulgond ;

3°) de mettre à la charge de la société Ferme éolienne de Saulgond la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 473501, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 avril 2023, 20 juillet 2023 et 17 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Brisevent demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions ;

3°) de mettre à la charge de la société Ferme éolienne de Saulgond la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Saint-Christophe Nature et autres, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Ferme éolienne de Saulgond et à la SCP Krivine, Viaud, avocat de l'association Brisevent ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 25 mars 2024, présentées par la société Ferme éolienne de Saulgond, sous les nos 473434 et 473501 ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 6 août 2019, la préfète de la Charente a refusé d'accorder à la société Ferme éolienne de Saulgond l'autorisation unique sollicitée pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs d'une hauteur maximale de 182 mètres et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saulgond, au motif, notamment, des atteintes que porterait le projet à l'harmonie des paysages et à la protection des chiroptères et de l'avifaune présents sur le site. Par un arrêt du 28 février 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir admis les interventions de l'association Brisevent et autres ainsi que de l'association Saint-Christophe Nature et autres a, sur demande de la société pétitionnaire, annulé cet arrêté préfectoral et délivré l'autorisation unique sollicitée, en renvoyant le pétitionnaire devant la préfète de la Charente pour la fixation des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Ces prescriptions ont été fixées par arrêté préfectoral du 25 juillet 2023. L'association Saint-Christophe Nature et autres et l'association Brisevent se pourvoient en cassation contre cet arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux.

2. Ces pourvois, dirigés contre le même arrêt, présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

En ce qui concerne la régularité de l'arrêt attaqué :

3. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. "

4. S'il ressort de l'arrêt attaqué que celui-ci mentionne en première page, une date de lecture du 28 février 2023 et, en dernière page, une date de lecture du 21 février 2023, il résulte des mentions figurant sur l'application " Sagace " que l'arrêt en cause a été notifié aux parties et aux intervenants le 22 février 2023, et qu'au demeurant les parties et intervenants en ont accusé réception immédiatement après. Il suit de là que la date de lecture de l'arrêt est celle du 21 février 2023, et que l'erreur purement matérielle apparaissant à la 1ère page n'entache pas sa régularité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Quant à l'appréciation de l'impact paysager du projet :

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.

6. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir examiné le site d'implantation du projet au regard de sa topographie, de ses cours d'eau, de sa végétation, de l'usage des sols et de ses enjeux patrimoniaux, a retenu que, s'il comporte quelques éléments de patrimoine protégés, de sensibilité faible à modérée, présentant potentiellement une relation visuelle avec le projet, ce paysage, aux échelles intermédiaire et rapprochée, est dominé par les activités agricoles et n'a pas de caractère exceptionnel. En se prononçant ainsi, la cour, qui n'a pas commis d'erreur de droit au regard des principes rappelés au point 5, a porté sur la qualité du site une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour caractériser l'impact paysager du projet et apprécier si celui-ci était de nature à justifier un refus d'autorisation, la cour a d'abord relevé que, si quelques secteurs mettent en covisibilité le projet avec les coteaux du site classé de la vallée de l'Issoire, celle-ci reste très limitée, le paysage étant d'ores et déjà occupé par le parc voisin de Saulgond-Lesterps. La cour a ensuite relevé qu'aucune vue ne s'ouvre depuis la place de l'église Saint-Martial de Brigueil ni depuis son enceinte, que depuis la terrasse située à l'arrière de l'édifice le parc éolien projeté n'est visible que dans son plus faible développement, sans modifier substantiellement la perception du site patrimonial, et qu'il en est de même de la covisibilité, jugée extrêmement discrète, entre le clocher de l'église classée de Saint-Pierre de Lesterps à Brillac et le parc projeté. Elle a enfin relevé qu'il ne ressortait pas des éléments versés au dossier que l'implantation de ces éoliennes en deux secteurs distincts et leur proximité du parc éolien de Saulgond-Lesterps auraient été de nature à créer un effet de mitage sur les paysages ou à accentuer significativement les effets de saturation, de surplomb ou d'encerclement. En se prononçant ainsi, nonobstant l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, et en en déduisant que la préfète de la Charente avait entaché sa décision de refus d'une erreur d'appréciation de l'atteinte portée aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement et par l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, la cour n'a pas entaché son appréciation d'erreur de droit ni de dénaturation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Quant à l'appréciation de l'impact du projet sur l'avifaune et les chiroptères :

8. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir relevé que deux éoliennes devaient être implantées à moins de 100 mètres d'un secteur de forte activité chiroptérologique et une troisième à moins de 50 mètres d'une chênaie, entraînant des risques de collision forts à modérés pour ces espèces, a considéré que la mesure de bridage prévue, du fait de ses paramètres techniques, devrait permettre de ramener l'impact résiduel à un niveau faible, cependant que l'aménagement de haies ou boisements contribuerait à assurer le bon accomplissement des cycles biologiques des populations de chauves-souris. En outre, la cour a, pour juger que le projet n'était pas susceptible d'avoir un impact notable sur l'avifaune existante, y compris des espèces plus sensibles comme l'Alouette lulu, le Milan noir ou l'Autour des Palombes, pris en compte le caractère agricole de la zone d'implantation des éoliennes, la distance séparant les éoliennes les unes des autres et les deux parties du projet, de nature à faciliter le passage des oiseaux migrateurs, ainsi que les mesures de réduction du risque prévues, telles que l'adaptation des travaux à la période de nidification et, en phase d'exploitation, l'arrêt temporaire des machines durant les périodes de moisson et de fauche. Si la cour a mentionné le suivi de mortalité des chiroptères et des oiseaux, c'est pour relever qu'il permettrait de décider, le cas échéant, de mesures réductrices supplémentaires. En statuant ainsi pour estimer que la préfète de la Charente avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de l'atteinte portée aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, la cour a porté sur les faits et les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation et d'erreur de droit.

Quant à la qualification du risque de nature à justifier la sollicitation par le pétitionnaire d'une dérogation " espèces protégées " pour les amphibiens, l'avifaune et les chiroptères :

9. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I.- Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces (...) / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

11. En premier lieu, la cour a relevé, s'agissant des amphibiens et plus spécifiquement du Sonneur à ventre jaune, qu'existait un risque de destruction directe des individus et de leurs habitats d'hivernation, tandis que les habitats de reproduction et l'essentiel des habitats terrestres avaient été évités, puis a, pour juger que le risque résiduel pour ces espèces, qualifié de faible dans l'étude d'impact, ne pouvait être regardé comme suffisamment caractérisé, pris en considération, au titre des mesures de réduction du risque prévues, la mise en place d'une barrière à batraciens en phase de travaux, couplée à l'installation de bâches et au déplacement des amphibiens avant et pendant les travaux. La cour a également pris en considération l'adaptation du calendrier de travaux et la création de plusieurs hibernaculums aux abords des haies bocagères à proximité des zones de reproduction, ainsi que l'absence d'impacts cumulés du projet et du parc éolien voisin sur la petite faune. Elle a relevé, par ailleurs, que la restauration de 2 700 m² d'aulnaie dégradée contribuerait, en phase d'exploitation, à préserver le rôle fonctionnel de la zone humide, dont il ressort des pièces du dossier que l'état de dégradation est antérieur au projet.

12. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, s'agissant des espèces protégées d'oiseaux et de chiroptères présentes sur le site, que la cour a considéré, sans se référer spécifiquement à la mesure compensatoire d'aménagement des haies, qu'étaient de nature à réduire le risque résiduel, au point qu'il ne puisse être regardé comme suffisamment caractérisé, les mesures de réduction et d'évitement déjà exposées, parmi lesquelles figurent le bridage des trois éoliennes présentant les plus forts enjeux, selon des paramètres météorologiques et calendaires précis, l'adaptation du calendrier des travaux pour préserver la période de nidification et, en phase d'exploitation, l'arrêt temporaire des machines durant les périodes de moisson et de fauche.

13. Par suite, c'est sans erreur de droit, sans erreur de qualification juridique des faits et de manière suffisamment motivée que la cour a jugé, en se fondant, sans les dénaturer, sur les pièces du dossier qui lui était soumis, que les risques résiduels, compte tenu des mesures d'évitement ou de réduction prévues au projet, ne pouvaient être regardés comme étant suffisamment caractérisés s'agissant des espèces protégées d'amphibiens, de chiroptères et d'oiseaux identifiées sur le site d'implantation du projet, et que, par conséquent, contrairement à ce que faisait valoir la ministre à l'appui de la substitution de motifs demandée, la société Ferme éolienne de Saulgond n'avait pas à solliciter une dérogation " espèces protégées ".

Quant à la censure par la cour du motif de l'arrêté préfectoral litigieux tiré du refus exprimé par certaines communes de consentir au pétitionnaire les servitudes nécessaires au transport d'électricité :

14. Le raccordement, à partir de son poste de livraison, d'une installation de production d'électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l'autorisant. La délivrance de ce permis n'est donc pas subordonnée, hors l'hypothèse où l'installation serait elle-même implantée, en tout ou en partie, sur le domaine public, à l'obtention préalable d'une autorisation d'occupation du domaine public. Il en résulte, en l'espèce, que la cour, après avoir censuré les autres motifs de l'arrêté préfectoral contesté, a pu, sans dénaturer celui-ci et sans commettre d'erreur de droit ni méconnaître son office, juger que le motif de l'arrêté préfectoral tiré du refus des communes de Brigueil et Saint-Christophe de consentir les promesses de constitution de servitudes nécessaires aux ouvrages de transport et de distribution de l'électricité sur leurs voies communales ne pouvait justifier légalement le refus d'autorisation opposé par la préfète de la Charente à la société Ferme éolienne de Saulgond.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait besoin de statuer sur leur recevabilité, que les pourvois de l'association Saint-Christophe Nature et autres et de l'association Brisevent doivent être rejetés.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Ferme éolienne de Saulgond, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Saint-Christophe Nature et autres et de l'association Brisevent la somme demandée par la société Ferme éolienne de Saulgond au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois de l'association Saint-Christophe Nature et autres et de l'association Brisevent sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions de l'association Saint-Christophe Nature et autres, de l'association Brisevent et de la société Ferme éolienne de Saulgond, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Saint-Christophe Nature, représentante unique de l'ensemble des requérants pour le pourvoi n° 473434, à l'association Brisevent et à la société Ferme éolienne de Saulgond.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 mars 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 7 juin 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 473434
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2024, n° 473434
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP KRIVINE, VIAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473434.20240607
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