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05/06/2024 | FRANCE | N°491353

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 05 juin 2024, 491353


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler son titre de pension de retraite du 22 novembre 2021 en tant qu'il a liquidé sa pension sur la base de l'indice majoré 995 et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de procéder à la révision de sa pension sur la base de l'indice majoré 1015. Par une ordonnance du 28 octobre 2022, le président du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis le jugement de cette demande

au tribunal administratif de la Martinique. Par un jugement n° 22006...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler son titre de pension de retraite du 22 novembre 2021 en tant qu'il a liquidé sa pension sur la base de l'indice majoré 995 et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de procéder à la révision de sa pension sur la base de l'indice majoré 1015. Par une ordonnance du 28 octobre 2022, le président du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis le jugement de cette demande au tribunal administratif de la Martinique. Par un jugement n° 2200641 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de la Martinique a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi, enregistré le 31 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ;

- le décret n° 82-1105 du 23 décembre 1982 ;

- le décret n° 2010-564 du 28 mai 2010 ;

- le décret n° 2013-617 du 11 juillet 2013 ;

- le décret n° 2017-1737 du 21 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que Mme A..., commandant divisionnaire de la police nationale, a été admise à la retraite à compter du 8 janvier 2022. Par arrêté du 22 novembre 2021, une pension civile de retraite liquidée sur la base de l'indice majoré 995 lui a été concédée. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit contre le jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a, d'une part, annulé ce titre de pension en tant qu'il a liquidé la pension de Mme A... sur la base de l'indice majoré 995 et, d'autre part, enjoint au ministre de procéder à la liquidation de la pension de l'intéressée sur la base de l'indice majoré 1015.

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Aux fins de liquidation de la pension, le montant de celle-ci est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ou, à défaut, par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'emploi, grade, classe et échelon antérieurement occupés d'une manière effective, sauf s'il y a eu rétrogradation par mesure disciplinaire. (...) ".

3. D'une part, il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire qui détient effectivement l'échelon de son grade depuis six mois à la date de sa radiation des cadres doit voir sa pension liquidée sur la base de l'indice afférent à cet échelon à cette date, quand bien même il ne bénéficiait d'un tel indice que depuis moins de six mois. D'autre part, il en résulte également que lorsque, dans le cadre d'une réforme statutaire, le reclassement d'un fonctionnaire dans un nouveau grade ou échelon est assorti d'une reprise d'ancienneté visant à tenir compte de l'ancienneté acquise dans le grade ou l'échelon précédent, l'ancienneté ainsi reprise n'équivaut pas à une occupation effective du nouveau grade ou échelon au sens de ces dispositions.

4. L'article 4 du décret du 28 mai 2010 fixant l'échelonnement indiciaire des corps et des emplois des personnels des services actifs de la police nationale, dans sa version issue de l'article 81 du décret du 21 décembre 2017, a porté de 995 à 1015 l'indice brut afférent au troisième échelon du grade de commandant divisionnaire à compter du 1er janvier 2022, soit, par application du barème A annexé au décret du 23 décembre 1982 relatif aux indices de la fonction publique, de l'indice majoré 806 à l'indice majoré 821. Ces dispositions réglementaires, qui ne revêtent aucun caractère statutaire, n'ont pas eu pour effet de reclasser Mme A... dans un nouveau grade ou un nouvel échelon. Il ressort au contraire des énonciations non contestées sur ce point du jugement attaqué que Mme A... détenait effectivement le troisième échelon de son grade depuis le 1er janvier 2019, soit depuis plus de six mois à la date de sa radiation des cadres. Il suit de là qu'en jugeant que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique avait méconnu les dispositions du I de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite en refusant de liquider la pension de retraite de Mme A... sur la base de l'indice 821 correspondant à l'échelon qu'elle détenait depuis plus de six mois au 1er janvier 2022, alors même qu'elle ne bénéficiait pas de cet indice depuis plus de six mois, le tribunal administratif de la Martinique n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, toutefois, il résulte des dispositions de l'article 95 de la loi du 29 décembre 1982 de finances pour 1983 qui a modifié la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police que le législateur a entendu instituer, pour les personnels des services actifs de police, un mode de calcul de la pension de retraite dérogatoire à celui prévu au I de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite, conduisant à prendre en compte, après le 1er janvier 1983, l'indemnité de sujétions spéciales de police dans l'assiette des cotisations de retraite et dans la base de calcul de la pension.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, Mme A... détenait un échelon correspondant à l'indice majoré 821 lors de sa radiation des cadres. L'intéressée bénéficiait, en outre, par application de l'article 1er du décret du 11 juillet 2013 relatif à l'attribution de l'indemnité de sujétions spéciales de police, d'une indemnité soumise à retenue par pension, correspondant à 23,5% de son traitement, soit l'équivalent de 193 points d'indice supplémentaires. Il en résulte que sa pension devait être liquidée sur la base de l'indice majoré 1014. Par suite, en enjoignant au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder à la liquidation de la pension de Mme A... sur la base de l'indice majoré 1015, le tribunal administratif de la Martinique a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est seulement fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 6, la pension de retraite de Mme A... doit être liquidée sur la base de l'indice majoré 1014. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, à la liquidation de la pension de Mme A... sur la base de l'indice majoré 1014 à compter du 8 janvier 2022.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, de procéder à la liquidation de la pension de Mme A... sur la base de l'indice majoré 1014 à compter du 8 janvier 2022.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme B... A....


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 491353
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2024, n° 491353
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:491353.20240605
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