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05/06/2024 | FRANCE | N°474434

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 05 juin 2024, 474434


Vu la procédure suivante :





Par une requête, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 23 mai et 23 août 2023 et les 17 et 24 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 mars 2023 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois et a subordonné la reprise de son activité

professionnelle à la justification d'obligations de formation ;



2°) de mettr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 23 mai et 23 août 2023 et les 17 et 24 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 mars 2023 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle à la justification d'obligations de formation ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision attaquée est entachée :

- d'erreur de fait en ce qu'elle retient qu'il a cessé son activité médicale en 2018 alors qu'il exercé en Israël entre 2018 et 2021;

- d'erreur d'appréciation en ce qu'elle retient qu'il présente des insuffisances professionnelles alors qu'il dispose de l'ensemble des compétences requises pour exercer la médecine générale ;

- d'insuffisance de motivation et d'erreur de fait en ce qu'elle affirme que sa pratique professionnelle présente un caractère dangereux alors que le dossier ne comporte aucun élément de nature à établir une telle dangerosité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. B... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique : " I. - En cas d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. / Le conseil régional ou interrégional est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé, soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours. / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional dans les conditions suivantes : / 1° Pour les médecins, le rapport est établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts (...) / IV. - Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien (...) Le rapport d'expertise (...) indique les insuffisances relevées au cours de l'expertise, leur dangerosité et préconise les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique (...). / VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. / VII. - La décision de suspension temporaire du droit d'exercer pour insuffisance professionnelle définit les obligations de formation du praticien (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique citées au point 1, le conseil départemental de la Ville de Paris de l'ordre des médecins, par une délibération du 19 octobre 2022, a saisi le conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins du cas de M. B..., médecin spécialiste, qualifié en médecine générale, en raison d'une suspicion d'insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de sa profession. Par une décision du 17 mai 2022 prise en application du VI du même article, sur renvoi du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins, le Conseil national de l'ordre des médecins a suspendu M. B... du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois et subordonné la reprise de son activité au suivi et à la justification de l'accomplissement d'obligations de formation qu'elle a précisées. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a interrompu en 2018 son activité médicale de médecin généraliste en France à la suite d'une procédure de liquidation judiciaire et a en conséquence été inscrit au tableau en tant que médecin non exerçant depuis le 18 novembre 2018. Si M. B... fait valoir que la décision attaquée relève à tort qu'il a " cessé son activité médicale en 2018 ", alors qu'il justifierait avoir poursuivi une activité de médecine générale en Israël entre 2018 et 2021, l'erreur de fait ainsi alléguée sur la base d'une information dont il n'avait nullement fait état devant les experts ou la formation restreinte est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, qui se fonde sur le constat de son insuffisance professionnelle.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport des experts, que ces derniers ont relevé " des erreurs dans les réponses aux vignettes cliniques qui témoignent d'une pratique ancienne sans réelle remise à niveau ni aucune réflexivité ", et, après avoir indiqué ne pas être en mesure de se prononcer sur une éventuelle " non-dangerosité à exercer ", a préconisé une mise à jour des connaissances en médecine générale sous la forme d'un stage de trois mois et d'un diplôme de formation continue en médecine générale d'une durée d'un an. Il ressort en outre des pièces du dossier que pour justifier du maintien de ses compétences depuis sa cessation d'activité en 2018, M. B... fait seulement valoir avoir réalisé de courts stages et deux formations ponctuelles. Il s'ensuit qu'en estimant que M. B..., qui avait cessé en 2018 son activité de médecin exerçant à titre libéral, présentait, à la date de sa décision, une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la médecine générale et en prononçant à son encontre, par la décision attaquée, laquelle est suffisamment motivée, une mesure de suspension de son activité pour une durée de dix-huit mois assortie de l'obligation de suivre une formation adaptée sous forme d'un enseignement théorique et d'un stage en médecine générale, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a fait une exacte application des dispositions de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., une somme de 3 000 euros à verser au Conseil national de l'ordre des médecins au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera au Conseil national de l'ordre des médecins une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 474434
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2024, n° 474434
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474434.20240605
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