Vu les procédures suivantes :
1° L'association Ensemble pour la planète a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la maire de Nouméa a refusé de lui communiquer ses agendas depuis sa prise de fonctions, et de lui enjoindre de les communiquer dans un délai de dix jours sous astreinte de 30 000 francs CFP par jour de retard. Par une ordonnance n° 2300114 du 28 mars 2023, le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sous le n° 473473, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ensemble pour la planète demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nouméa la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° L'association Ensemble pour la planète a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a refusé de lui communiquer son agenda et ceux des autres membres du gouvernement depuis leur prise de fonctions, et de lui enjoindre de les communiquer dans un délai d'un mois sous astreinte de 30 000 francs CFP par jour de retard. Par une ordonnance n° 2300116 du 7 avril 2023, le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sous le n° 474474, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ensemble pour la planète demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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3° L'association Ensemble pour la planète a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la présidente de l'assemblée de la province Sud a refusé de lui communiquer son agenda et ceux des vice-présidents, et de lui enjoindre de les communiquer dans un délai de dix jours sous astreinte de 30 000 francs CFP par jour de retard. Par une ordonnance n° 2300180 du 20 avril 2023, le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sous le n° 473475, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ensemble pour la planète demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la province Sud la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Ensemble pour la planète, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la commune de Nouméa et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie ;
Considérant ce qui suit :
1. Par trois demandes présentées devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, l'association Ensemble pour la planète a demandé l'annulation pour excès de pouvoir des refus de communication des agendas tenus respectivement par la maire de la ville de Nouméa, par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et les autres membres du gouvernement et par la présidente de l'assemblée de la province Sud et les vice-présidents de cette assemblée, que ces autorités administratives lui ont opposés. Par trois ordonnances contre lesquelles l'association se pourvoit par des pourvois qu'il y a lieu de joindre, le président du tribunal s'est fondé sur les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter ces demandes comme irrecevables, faute d'intérêt pour agir de l'association au regard de son objet statutaire.
Sur les pourvois :
2. La personne qui demande la communication de documents administratifs en vertu des dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives au droit d'accès à ces documents, applicables de plein droit aux communes de la Nouvelle-Calédonie ainsi que le rappelle l'article L. 562-1 de ce code et applicables à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces dans la version résultant de l'article L. 563-2 de ce code, n'a pas à justifier d'un intérêt à ce que les documents demandés lui soient communiqués, ni, par suite, de son intérêt pour agir contre le refus de les communiquer.
3. Il s'ensuit qu'en retenant que les demandes que l'association Ensemble pour la planète, se prévalant des dispositions des articles L. 300-2 et L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration, étaient sans rapport avec l'objet statutaire de l'association, de sorte que cette dernière ne justifiait d'aucun intérêt pour agir, le président du tribunal administratif a fondé ses ordonnances sur un motif inopérant. Elles doivent, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens des pourvois, être annulées.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler les affaires au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur le règlement des litiges :
5. Le premier aliéna de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration, applicable ainsi qu'il a été dit au point 2, dispose : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ". Aux termes de l'article L. 311-1 du même code, également applicable aux litiges : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ".
6. En vertu du 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : " a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ; / b) Au secret de la défense nationale ; / c) A la conduite de la politique extérieure de la France ; / d) A la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations ; / e) A la monnaie et au crédit public ; / f) Au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ; / g) A la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature ; / h) Ou sous réserve de l'article L. 124-4 du code de l'environnement, aux autres secrets protégés par la loi ". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires (...) ; / 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; / 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. / (...) ". Conformément à l'article L. 311-7 de ce code : " Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du même code : " L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ". Ces dispositions sont également applicables aux litiges, ainsi qu'il a été dit au point 2.
7. L'agenda d'un élu local, détenu par la collectivité territoriale au sein de laquelle il siège, se rapportant à des activités qui s'inscrivent dans le cadre de ses fonctions dans cette collectivité, présente le caractère d'un document administratif au sens de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration, à la différence de l'agenda personnel que cet élu peut détenir lui-même. Un tel document administratif est en principe communicable en vertu de l'article L. 311-1 du même code, sous réserve de l'occultation, le cas échéant, des mentions relatives à des activités privées ou au libre exercice du mandat électif ainsi que de celles dont la communication porterait atteinte à l'un des secrets et intérêts protégés par la loi, conformément à ce que prévoient les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, y compris des mentions qui seraient susceptibles de révéler le comportement de l'intéressé ou de tiers dans des conditions pouvant leur porter préjudice. L'administration n'est pas tenue de donner suite à une demande de communication lorsque, compte tenu de son ampleur, le travail de vérification et d'occultation ferait peser sur elle une charge disproportionnée.
8. En l'espèce, il ressort des pièces des dossiers que l'association Ensemble pour la planète a demandé la communication intégrale des agendas de différents élus locaux de Nouvelle-Calédonie sur des longues périodes pouvant porter sur plusieurs années. Eu égard à l'ampleur du travail de vérification préalable, constitutif d'une charge disproportionnée, qu'implique nécessairement l'examen des documents en cause afin d'apprécier, conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration, si des mentions contenues dans ces agendas doivent faire l'objet d'une occultation et de procéder à de telles occultations, les administrations sollicitées ont pu légalement refuser de donner suite aux demandes de communication. Il s'ensuit que l'association n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions par lesquelles, respectivement, la maire de la commune de Nouméa, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et la présidente de l'assemblée de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie ont refusé de faire droit à ses demandes.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les demandes de l'association Ensemble pour la planète doivent être rejetées, y compris ses conclusions présentées, en première instance comme en cassation, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Ensemble pour la planète une somme à verser à la commune de Nouméa, à la Nouvelle-Calédonie ou à la province Sud de Nouvelle-Calédonie au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Les ordonnances des 28 mars, 7 avril et 20 avril 2023 du président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie sont annulées.
Article 2 : Les demandes présentées par l'association Ensemble pour la planète devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et ses conclusions présentées en cassation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Nouméa, par la Nouvelle-Calédonie et par la province Sud de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Ensemble pour la planète, à la commune de Nouméa, à la Nouvelle-Calédonie et à la province Sud de la Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 mai 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Sophie Delaporte, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 31 mai 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Delsol
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana