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31/05/2024 | FRANCE | N°474271

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 31 mai 2024, 474271


Vu la procédure suivante :



Le groupement de coopération sanitaire de moyens " pôle logistique hospitalier Nord Franche-Comté " a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au titre des années 2018, 2019 et 2021 dans les rôles de la commune de Trévenans (Territoire de Belfort) et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des cotisations mises à sa charge au titre des années 2018 et 2019 s'agissant de la f

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Vu la procédure suivante :

Le groupement de coopération sanitaire de moyens " pôle logistique hospitalier Nord Franche-Comté " a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au titre des années 2018, 2019 et 2021 dans les rôles de la commune de Trévenans (Territoire de Belfort) et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des cotisations mises à sa charge au titre des années 2018 et 2019 s'agissant de la fraction des locaux de l'immeuble assujetti autres que son unité de production alimentaire. Par un jugement nos 2001196, 2102170 du 17 mars 2023, la magistrate désignée de ce tribunal a rejeté ses demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mai, 14 août et 18 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le groupement " pôle logistique hospitalier Nord Franche-Comté " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du groupement de coopération sanitaire de moyens " pôle logistique hospitalier Nord Franche-Comté " ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le groupement de coopération sanitaire de moyens " pôle logistique hospitalier Nord Franche-Comté ", personne morale de droit public, a été constitué, en application de l'article L. 6133-1 du code de la santé publique, entre deux établissements publics de santé, le centre hospitalier de Belfort-Montbéliard et le centre hospitalier de soins de longue durée du territoire de Belfort. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 mars 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à la décharge ou, subsidiairement, à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au titre des années 2018, 2019 et 2021 dans les rôles de la commune de Trévenans (Territoire de Belfort).

Sur le cadre juridique applicable :

2. Aux termes de l'article L. 6133-1 du code de la santé publique : " Le groupement de coopération sanitaire de moyens a pour objet de faciliter, de développer ou d'améliorer l'activité de ses membres. / Un groupement de coopération sanitaire de moyens peut être constitué pour : / 1° Organiser ou gérer des activités administratives, logistiques, techniques, médico-techniques, d'enseignement ou de recherche pour le compte de ses membres ; (...) / Ce groupement poursuit un but non lucratif ". Aux termes du I de l'article L. 6133-2 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 6147-14, un groupement de coopération sanitaire de moyens peut être constitué par des établissements de santé publics ou privés, des établissements médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, des centres de santé et des maisons de santé, des personnes physiques ou morales exerçant une profession médicale à titre libéral. Il doit comprendre au moins un établissement de santé, sauf dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 6133-7. / Des personnes physiques ou morales exerçant une profession libérale de santé autre que médicale et d'autres organismes concourant à l'activité du groupement peuvent être membres de ce groupement sur autorisation du directeur général de l'agence régionale de santé. / Une personne physique ou morale qui poursuit un but lucratif en exerçant à titre principal une activité soit de fournisseur, de distributeur ou de fabricant de produit de santé, soit de prestataire de services ne peut être membre d'un groupement de coopération sanitaire ". Le 1 du I de l'article L. 6133-3 du même code dispose que : " le groupement de coopération sanitaire de moyens est une personne morale de droit public lorsqu'il est constitué exclusivement par des personnes de droit public (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 6133-7 du même code : " Lorsqu'il est titulaire d'une ou plusieurs autorisations d'activités de soins, le groupement de coopération sanitaire est un établissement de santé avec les droits et obligations afférents. Le groupement de coopération sanitaire de droit privé est érigé en établissement de santé privé et le groupement de coopération sanitaire de droit public est érigé en établissement public de santé, par décision du directeur général de l'agence régionale de santé ".

3. Le 1° de l'article 1382 du code général des impôts dispose que sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties " les immeubles nationaux, les immeubles régionaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsqu'ils sont affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus (...) / (...) cette exonération n'est pas applicable aux immeubles qui appartiennent à des établissements publics autres que (...) les établissements publics (...) d'assistance (...) ". Dans sa rédaction applicable à compter de l'année 2019, le 1° de ce même article dispose en outre que : " L'exonération est également applicable aux immeubles des groupements de coopération sanitaire dotés de la personnalité morale de droit public mentionnés au I de l'article L. 6133-3 du code de la santé publique, lorsqu'ils sont occupés par les établissements publics de santé mentionnés à l'article L. 6141-1 du même code, affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus au regard de ces groupements ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 2 et 3 qu'au titre de l'année 2018, les groupements de coopération sanitaire ne peuvent prétendre au bénéfice de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue au 1° de l'article 1382 du code général des impôts à raison des immeubles non productifs de revenus qu'ils détiennent qu'à la condition que ces groupements constituent eux-mêmes des établissements publics d'assistance. A compter de l'année 2019, les groupements de coopération sanitaire dotés de la personnalité morale de droit public peuvent également prétendre au bénéfice de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par ces dispositions, alors même qu'ils ne seraient pas eux-mêmes érigés en établissement de santé, à raison de leurs immeubles ou fractions d'immeubles occupés par ceux de leurs membres qui sont des établissements publics de santé ou affectés à la réalisation d'activités exercées exclusivement pour le compte de tels membres. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à l'absence de perception de revenus, fût-ce pour un montant symbolique, par le groupement propriétaire du bien, à l'exclusion de la rémunération des prestations qu'il rend à ses membres.

Sur le jugement attaqué en tant qu'il statue sur les impositions établies au titre de l'année 2018 :

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le groupement requérant, dont il ressort des éléments constants soumis aux juges du fond qu'il n'était pas titulaire d'une autorisation d'activité de soin et ne constituait pas un établissement public d'assistance, n'entrait pas, en 2018, dans le champ de l'exonération prévue au 1° de l'article 1382 du code général des impôts. Il ne pouvait, par suite, prétendre, au titre de cette année, au bénéfice de cette exonération, sans qu'il puisse utilement se prévaloir, à cet égard, de commentaires administratifs relatifs à l'une des conditions de mise en œuvre de celle-ci.

6. Il y a lieu de substituer ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait, à celui retenu par le jugement attaqué, dont il justifie le dispositif sur ce point.

7. Par suite, le groupement requérant n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il a rejeté ses demandes présentées au titre de l'année 2018.

Sur le jugement attaqué en tant qu'il statue sur les impositions établies au titre des années 2019 et 2021 :

8. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que le groupement de coopération sanitaire requérant soutenait devant lui que les locaux de l'ensemble immobilier en litige autres que ceux affectés à son unité de production alimentaire satisfaisaient aux conditions d'exonération rappelées au point 4. En rejetant en totalité les conclusions qui lui étaient soumises au motif que le respect des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de cette exonération, et notamment celle tenant à l'absence de production de revenus, ne pouvait s'apprécier qu'au regard du pôle logistique dans son intégralité, sans qu'il y ait lieu de distinguer en son sein les immeubles ou fractions d'immeuble qui respecteraient ces conditions, la magistrate désignée du tribunal administratif a commis une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, que le groupement requérant est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il a rejeté ses demandes présentées au titre des années 2019 et 2021.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser au groupement de coopération sanitaire de moyens " pôle logistique hospitalier Nord Franche-Comté " au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions à fins de décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à la charge du groupement requérant au titre des années 2019 et 2021.

Article 2 : L'affaire est, dans cette mesure, renvoyée au tribunal administratif de Besançon.

Article 3 : L'Etat versera au groupement de coopération sanitaire de moyens " pôle logistique hospitalier Nord Franche-Comté " une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au groupement de coopération sanitaire de moyens " pôle logistique hospitalier Nord Franche-Comté " et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 avril 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, M. Hervé Cassagnabère, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, conseillers d'Etat et Mme Alianore Descours, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 31 mai 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Alianore Descours

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 474271
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-03-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. - TAXES FONCIÈRES. - TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES. - EXONÉRATION EN FAVEUR DES GCS (1° DE L’ART. 1382 DU CGI) – PORTÉE – 1) AU TITRE DES ANNÉES ANTÉRIEURES À 2019 – 2) A COMPTER DE L’ANNÉE 2019.

19-03-03-01-04 1) Il résulte de la combinaison des articles L. 6133-1, du 1 du I de l’article L. 6133-3 et du premier alinéa de l’article L. 6133-7 du code de la santé publique (CSP) ainsi que du 1° de l’article 1382 du code général des impôts (CGI), qu’au titre de l’année 2018, les groupements de coopération sanitaire (GCS) ne peuvent prétendre au bénéfice de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) prévue au 1° de l’article 1382 à raison des immeubles non productifs de revenus qu’ils détiennent qu’à la condition que ces groupements constituent eux-mêmes des établissements publics d’assistance. ...2) A compter de l’année 2019, les GCS dotés de la personnalité morale de droit public peuvent également prétendre au bénéfice de l’exonération de TFPB prévue par ces dispositions, alors même qu’ils ne seraient pas eux-mêmes érigés en établissement de santé, à raison de leurs immeubles ou fractions d’immeubles occupés par ceux de leurs membres qui sont des établissements publics de santé ou affectés à la réalisation d’activités exercées exclusivement pour le compte de tels membres. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à l’absence de perception de revenus, fût-ce pour un montant symbolique, par le groupement propriétaire du bien, à l’exclusion de la rémunération des prestations qu’il rend à ses membres


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2024, n° 474271
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alianore Descours
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474271.20240531
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