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30/05/2024 | FRANCE | N°470271

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 30 mai 2024, 470271


Vu les procédures suivantes :



L'association Vigilance Souffrignac et environs, l'association Eole et moi, M. et Mme Q... et Z... A..., Mme AE... U..., M. et Mme V... et AA... G..., Mme AG... AF..., M. X... H..., Mme P... L..., Mme I... M..., M. AD... N... et Mme S... AC..., M. K... D... et Mme Y... E..., M. et Mme C... et R... B..., M. et Mme F... et T... O..., enfin M. et Mme AB... et W... J..., ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel la préfète de la Charente a délivré à la société Ferm

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Vu les procédures suivantes :

L'association Vigilance Souffrignac et environs, l'association Eole et moi, M. et Mme Q... et Z... A..., Mme AE... U..., M. et Mme V... et AA... G..., Mme AG... AF..., M. X... H..., Mme P... L..., Mme I... M..., M. AD... N... et Mme S... AC..., M. K... D... et Mme Y... E..., M. et Mme C... et R... B..., M. et Mme F... et T... O..., enfin M. et Mme AB... et W... J..., ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel la préfète de la Charente a délivré à la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac une autorisation unique en vue de l'installation d'un aérogénérateur sur le territoire de la commune de Souffrignac et de deux autres aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Feuillade, ainsi que d'un poste de livraison.

Par un arrêt n° 20BX00508 du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à cette demande, a annulé l'arrêté préfectoral du 8 octobre 2019.

1° Sous le n° 470271, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 janvier et 7 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de l'association Vigilance Souffrignac et environs, et autres ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'association Vigilance Souffrignac et environs, et autres, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 472875, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 avril et 19 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le sursis à exécution de l'arrêt de la cour administrative de Bordeaux du 8 novembre 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'association Vigilance Souffrignac et environs, et autres, la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac et à Me Corlay, avocat de l'association Vigilance Souffrignac et environs, et autres ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 mai 2024, présentée par la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 8 octobre 2019, la préfète de la Charente a délivré à la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac l'autorisation unique sollicitée le 20 décembre 2016, sur le fondement des dispositions expérimentales de l'ordonnance du 20 mars 2014, pour la construction et l'exploitation d'une installation comprenant trois éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Feuillade et de Souffrignac. Saisie par les associations Vigilance Souffrignac et environs, Eole et moi, et par plusieurs particuliers, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par un arrêt du 8 novembre 2022, annulé cet arrêté, au motif que la société pétitionnaire ne justifiait pas de manière suffisamment pertinente disposer de capacités financières la mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. En outre, considérant que ce vice n'était pas régularisable, la cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de mettre en œuvre les pouvoirs de régularisation qu'elle tient de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. La société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac se pourvoit en cassation contre cet arrêt et demande qu'il soit sursis à son exécution jusqu'à ce qu'il soit statué sur son pourvoi.

2. Le pourvoi et la requête présentés par la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi :

3. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, en vigueur à la date du dépôt de la demande, l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement " prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". En vertu du 5° de l'article R. 512-3 de ce code, dans la version alors en vigueur, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'autorisation. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-18 du même code, dans la version applicable en l'espèce : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / (...) / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

4. Il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le dossier de demande d'autorisation déposé par la société Ferme Eolienne de Feuillade et Souffrignac ne pouvait être regardé comme suffisamment précis et étayé s'agissant des capacités financières dont cette société était en mesure de disposer pour assurer le bon fonctionnement du parc éolien et faire face à l'ensemble de ses obligations, la cour aurait omis de tenir compte de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, y compris du dernier mémoire de la société pétitionnaire, produit le 27 septembre 2022, en réponse à l'invitation de la cour faite aux parties à présenter leurs observations sur l'opportunité d'une mesure de régularisation. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêt attaqué ne peut qu'être écarté.

5. Il ressort également des énonciations de cet arrêt que la cour ne s'est pas fondée sur une irrégularité procédurale tenant au caractère complet du dossier pour en déduire l'illégalité de l'arrêté préfectoral en litige. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la cour en retenant l'existence d'une irrégularité quant à la complétude du dossier de demande, sans vérifier si celle-ci avait été de nature à nuire à l'information du public ou à avoir une incidence sur la décision préfectorale, est inopérant.

6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale et applicable au litige : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes de l'article D. 181-15-2 de ce code, dans la version applicable en l'espèce : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'elles posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

7. Il ressort de la procédure que, par une lettre du 12 septembre 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de sursoir à statuer en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement mentionnées au point 6, pour permettre à l'autorité compétente de prendre une nouvelle décision régularisant le vice tiré de l'insuffisance des indications, dans le dossier de demande d'autorisation, sur les capacités financières du pétitionnaire. La cour a jugé, sur la base des éléments qui lui ont été ainsi soumis, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, et de manière suffisamment motivée, que la société pétitionnaire ne lui avait pas apporté les justifications pertinentes permettant d'établir que ses capacités financières propres ou celles de son nouvel actionnaire, dont la situation financière apparaissait particulièrement fragile au regard de son engagement de fournir à sa filiale l'ensemble des fonds nécessaires, seraient suffisantes pour construire, exploiter et démanteler le parc projeté. La cour n'a pas considéré que ce vice, tiré de l'insuffisance des capacités financières de la société pétitionnaire était, par principe, non susceptible d'être régularisé, mais a jugé, compte tenu de l'ensemble des informations qui lui étaient fournies et sans entacher son arrêt d'erreur de droit, qu'il ne devait pas, en l'espèce, être regardé comme régularisé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de l'erreur de droit et de la dénaturation des pièces du dossier qu'aurait commises la cour en retenant l'illégalité de l'arrêté litigieux à raison de l'insuffisance des justifications apportées, sur le fond, quant aux capacités financières de la société pétitionnaire et sans surseoir à statuer aux fins de régularisation doivent être également écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur la requête tendant au sursis à exécution :

9. La présente décision se prononçant sur le pourvoi formé par la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 8 novembre 2022, les conclusions aux fins de sursis à exécution de cet arrêt sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac une somme de 3 000 euros à verser à l'association Vigilance Souffrignac et environs, et autres, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Vigilance Souffrignac et environs, et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac est rejeté.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 472875 de la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac.

Article 3 : La société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac versera à l'association Vigilance Souffrignac et environs, et autres une somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Ferme éolienne de Feuillade et Souffrignac, à l'association Vigilance Souffrignac et environs, première dénommée pour l'ensemble des défendeurs, ainsi qu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 mai 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 30 mai 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Laëtitia Malleret

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 470271
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2024, n° 470271
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laëtitia Malleret
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : CORLAY ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470271.20240530
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