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29/05/2024 | FRANCE | N°492388

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 29 mai 2024, 492388


Vu la procédure suivante :



Par deux mémoires, enregistrés les 6 mars et 29 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le Cercle Lafay demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née le 28 février 2024 du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à la modification de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, de renvoyer au Con

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Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 6 mars et 29 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le Cercle Lafay demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née le 28 février 2024 du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à la modification de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du second alinéa de l'article L. 243-7-1 A du code de la sécurité sociale en tant qu'elles excluent que la durée de la période contradictoire puisse être prolongée sur demande de la personne contrôlée en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article L. 243-7-1 A du code de la sécurité sociale dispose que : " A l'issue d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle adresse à la personne contrôlée une lettre mentionnant, s'il y a lieu, les observations constatées au cours du contrôle et engageant la période contradictoire préalable à l'envoi de toute mise en demeure ou avertissement en application de l'article L. 244-2 ou à toute mise en œuvre des procédures de recouvrement mentionnées à l'article L. 133-8-7. Dans ce dernier cas, la lettre vaut notification des sommes versées à tort et procède à l'invitation prévue au premier alinéa du même article L. 133-8-7. / La durée de la période contradictoire peut être prolongée sur demande de la personne contrôlée reçue par l'organisme avant l'expiration du délai initial, à l'exclusion des situations où est mise en œuvre la procédure prévue à l'article L. 133-8-7 ou en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail ". L'article L. 8211-1 du code du travail prévoit que : " Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes : / 1° Travail dissimulé ; / 2° Marchandage ; / 3° Prêt illicite de main-d'œuvre ; / 4° Emploi d'étranger non autorisé à travailler (...) ".

3. L'association requérante soutient que les dispositions du second alinéa de l'article L. 243-7-1 A du code de la sécurité sociale sont contraires au principe d'égalité devant la loi en tant qu'elles excluent que la durée de la période contradictoire puisse être prolongée sur demande de la personne contrôlée en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail.

4. En vertu de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

5. Par les dispositions contestées, le législateur a entendu notamment poursuivre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale en ne permettant pas que la mise en recouvrement des cotisations dues par les personnes ayant fait l'objet d'un constat d'infractions constitutives de travail illégal soit retardée au-delà de l'expiration du délai initial imparti pour la période contradictoire, eu égard au risque particulier, d'ailleurs admis par l'association requérante, qu'une prolongation de ce délai fait courir sur l'effectivité du recouvrement de ces cotisations. Il s'ensuit que la différence de traitement instituée entre les personnes ayant fait l'objet d'un constat d'infractions constitutives de travail illégal et les autres personnes contrôlées, qui peuvent bénéficier d'une telle prolongation, repose sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi.

6. Il résulte de ce qui précède que la question de constitutionnalité soulevée par l'association Le Cercle Lafay, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de la renvoyer au Conseil constitutionnel, le moyen tiré de ce que l'article L. 243-7-1 A du code de la sécurité sociale est contraire au principe d'égalité devant la loi en tant qu'il exclut que la durée de la période contradictoire puisse être prolongée sur demande de la personne contrôlée en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail doit être écarté.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Le Cercle Lafay.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Le Cercle Lafay, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 mai 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 29 mai 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 492388
Date de la décision : 29/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2024, n° 492388
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Noël
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492388.20240529
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