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22/05/2024 | FRANCE | N°474117

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 22 mai 2024, 474117


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 1901413 du 20 avril 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 21BX02520 du 14 mars 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel for

mé par Mme A... contre ce jugement.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 1901413 du 20 avril 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21BX02520 du 14 mars 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mai et 11 août 2023 et le 21 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de Mme B... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la vérification de comptabilité de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée " Mon toit ma maison ", dont elle est l'unique associée et la gérante, portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, et d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2014 et 2015, Mme A... a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux au titre des années 2014 et 2015, pour un montant de 921 503 euros. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, confirmant le jugement du 20 avril 2021 du tribunal administratif de Poitiers, a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il appartient en principe à l'administration fiscale d'adresser la proposition de rectification prévue par ces dispositions à l'adresse indiquée par le contribuable. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du même livre : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ". Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que le contribuable a été avisé de sa mise en instance, qu'il l'ait retiré ultérieurement ou ait négligé de le retirer.

3. Pour écarter le moyen soulevé devant elle par Mme A... tiré de l'absence de notification régulière de la proposition de rectification du 14 décembre 2017 à son conseil, Me Richard, au cabinet duquel elle avait élu domicile, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé que l'administration fiscale produisait une attestation du 24 janvier 2018 établie par les services de la Poste, indiquant que le courrier en litige a été présenté le 18 décembre 2017 et distribué le 3 janvier 2018 par le bureau de poste de La Pallice, le client étant en boîte postale, ainsi qu'un document intitulé " impression historique du pli ", qui confirme ces éléments, notamment que " le pli attend d'être retiré au guichet " à compter du 18 décembre 2017, et précise que le pli a été remis contre signature du destinataire. Toutefois, il ressort des mentions figurant sur cette attestation, sur l'historique du pli ainsi que sur le relevé d'informations détaillées, seules pièces produites au dossier soumis aux juges du fond, que si elles permettent d'établir la distribution d'un pli référencé 2C11800345574 à un client d'une boite postale à La Pallice le 3 janvier 2018, elles ne justifient ni de l'identité de ce client, ni de l'objet de ce pli. Le ministre ne peut se prévaloir, pour apporter cette justification, de pièces qu'il produit en défense pour la première fois devant le juge de cassation. Par suite, en statuant comme indiqué ci-dessus, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l'instruction, notamment des conditions spécifiques de vente des contrats " Boite Postale Flexigo ", contrat souscrit par Me Richard, que l'abonné dispose d'une boîte postale dans l'établissement postal de la zone de distribution à laquelle il est rattaché, dans laquelle son courrier lui est remis, qu'il peut relever à sa convenance, aux horaires d'ouverture du service, à laquelle il accède au moyen de clefs qui lui sont remises, et que conformément au point 3.4 de ces mêmes conditions spécifiques de vente, en cas d'envoi remis contre signature du destinataire ou de son mandataire, un " avis de passage " est remis à l'abonné, dans cette boîte postale, à charge pour ce dernier ou son mandataire de retirer personnellement auprès d'un agent de l'administration postale l'envoi annoncé par cet " avis de passage ".

7. Il résulte également de l'instruction, y compris des pièces produites devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, que, pour justifier de la notification de la proposition de rectification du 14 décembre 2017, l'administration fiscale produit, outre les pièces mentionnées au point 3, une copie de l'avis de passage, de la preuve de distribution et de l'avis de réception qui, s'ils ne sont pas renseignés par l'administration postale, ni signés du destinataire, établissent néanmoins par les mentions qu'ils comportent que le pli référencé 2C11800345574 correspond à l'envoi de cette proposition de rectification à Me Richard à l'adresse de sa boîte postale à La Pallice. Dans ces conditions, eu égard aux mentions de l'attestation établie par les services de la Poste et du document intitulé " historique du pli ", attestant d'une présentation de ce pli, par dépôt de l'avis de passage dans cette boîte postale, le 18 décembre 2017, et une distribution de ce pli le 3 janvier 2018, l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, d'une part, de ce que cette proposition de rectification a été régulièrement notifiée à la contribuable, seul le titulaire de la boîte postale étant susceptible d'avoir pris connaissance de l'avis de passage déposé dans celle-ci et de demander que l'envoi correspondant lui soit remis, et d'autre part, de ce que la présentation au contribuable du pli contenant la proposition de rectification, par remise de l'avis de passage dans sa boîte postale, est intervenue le 18 décembre 2017, interrompant, à cette date, le délai de reprise, qui expirait à la fin de la troisième année pour laquelle l'imposition est due, soit le 31 décembre 2017 s'agissant de l'année 2014 et le 31 décembre 2018 s'agissant de l'année 2015. La triple circonstance que l'historique du pli indique que " le courrier a été remis contre signature du destinataire ", alors que les informations détaillées de l'envoi précisent qu'" aucune signature n'est présente pour cet objet ", que Mme A... aurait, par ailleurs, fait preuve d'une diligence constante à l'égard de l'administration fiscale et qu'aucun avis d'instance n'est produit, ne saurait suffire à elle seule à ôter leur valeur probante aux pièces produites par l'administration fiscale. Mme A... n'est par suite fondée à se prévaloir ni de l'expiration du délai de reprise, ni d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant en appel qu'en cassation, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 mars 2023 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par Mme A... devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 avril 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 22 mai 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 474117
Date de la décision : 22/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2024, n° 474117
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474117.20240522
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