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21/05/2024 | FRANCE | N°489016

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 21 mai 2024, 489016


Vu la procédure suivante :



Le comité de sauvegarde de la baie de Cavalaire, l'association France Nature Environnement Var et l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le maire de Cavalaire-sur-Mer a, d'une part, retiré l'arrêté du 15 février 2023 refusant de délivrer à la société civile immobilière IMMO CAV un permi

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Vu la procédure suivante :

Le comité de sauvegarde de la baie de Cavalaire, l'association France Nature Environnement Var et l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le maire de Cavalaire-sur-Mer a, d'une part, retiré l'arrêté du 15 février 2023 refusant de délivrer à la société civile immobilière IMMO CAV un permis de construire en vue de la réhabilitation d'un hôtel et, d'autre part, accordé ce permis de construire, ainsi que la décision rejetant implicitement leur recours gracieux. Par une ordonnance n° 2302967 du 6 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 octobre et 7 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Cavalaire-sur-Mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par le comité de sauvegarde de la baie de Cavalaire et les associations France Nature Environnement Var et France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

3°) de mettre à la charge du comité de sauvegarde de la baie de Cavalaire et des associations France Nature Environnement Var et France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury, Maître, avocat de la commune de Cavalaire-sur-Mer et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du comité de sauvegarde de la baie de Cavalaire, de l'association France nature environnement Var et de l'association France nature environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulon que, le 20 mars 2023, le maire de Cavalaire-sur-Mer a, d'une part, retiré l'arrêté du 15 février 2023 refusant de délivrer à la société IMMO CAV un permis de construire en vue de la réhabilitation d'un hôtel restaurant et, d'autre part, lui a accordé ce permis de construire et qu'il a ensuite rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté. La commune Cavalaire-sur-Mer se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 6 octobre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de cet arrêté.

3. En jugeant qu'était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce que la demande de permis de construire ne portait pas sur l'ensemble des éléments de construction édifiés sans avoir été autorisés ou en méconnaissance des autorisations d'urbanisme délivrées, alors qu'il ressortait des pièces du dossier que l'édification du bâtiment en litige avait été autorisée par un permis de construire accordé le 14 juin 1950, un avenant n° 1 à ce permis initial du 28 juillet 1951, ainsi que deux permis de construire modificatifs accordés les 23 mars 1977 et 31 décembre 1982, sans qu'il soit établi que cette construction ait été réalisée en méconnaissance de ces autorisations, le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Il suit de là que la commune de Cavalaire-sur-Mer est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Cavalaire-sur-Mer et la société IMMO CAV :

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, même limité à la réhabilitation de l'établissement, est au regard de sa localisation notamment susceptible de porter atteinte aux intérêts environnementaux et patrimoniaux que ces associations se sont donné pour objet de défendre et que leur ressort, pour ce qui concerne au moins le comité de sauvegarde de la baie de Cavalaire et l'association France Nature Environnement Var, n'est pas excessivement large. Par suite, contrairement à ce que soutient la société IMMO CAV les associations requérantes justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire litigieux.

7. Il ressort également des pièces du dossier que les associations requérantes ont produit les trois procès-verbaux de leurs conseils d'administration, datés des 1er juin, 23 et 25 septembre 2023, décidant d'engager la présente action en justice. Par suite, la commune de Cavalaire n'est pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable au motif que seuls ces conseils d'administration, et non les présidents des trois associations requérantes, auraient eu, aux termes de leurs statuts, qualité pour engager une action en justice.

Sur l'urgence :

8. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. La construction d'un bâtiment autorisée par un permis de construire présente un caractère difficilement réversible. Par suite, lorsque la suspension de l'exécution d'un permis de construire est demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d'urgence est en principe satisfaite, ainsi que le prévoit l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où le pétitionnaire ou l'autorité qui a délivré le permis justifie de circonstances particulières. Il appartient alors au juge des référés, pour apprécier si la condition d'urgence est remplie, de procéder à une appréciation globale de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui est soumise.

9. En l'espèce, la commune de Cavalaire-sur-Mer fait valoir qu'il s'attache un intérêt particulier à la réalisation de ce projet d'ampleur limitée, qui comporte des éléments démontables, tels que des pergolas, et qui permet la rénovation d'un bâtiment dont l'aspect est actuellement dégradé. Elle ne justifie pas, ce faisant, alors notamment que le projet porte sur une surface de l'ordre de 500 mètres carrés, de circonstances particulières de nature à permettre que la condition d'urgence ne soit pas, en l'espèce, regardée comme satisfaite.

Sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué :

10. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux se trouve dans une zone où l'aléa de submersion marine est fort à très fort, ainsi d'ailleurs que cela ressort d'un porter-à-connaissance du préfet du Var du 13 décembre 2019, et que la société bénéficiaire du permis litigieux s'est engagée à mandater un bureau d'études techniques spécialisé afin de déceler d'éventuelles fragilités structurelles et de définir les moyens techniques propres à y remédier. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le maire n'a pu légalement délivrer le permis litigieux sans l'assortir, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, de prescriptions propres à prévenir le risque de submersion marine, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.

11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 20 mars 2023.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'exécution de l'arrêté du 20 mars 2023 du maire de Cavalaire-sur-Mer doit être suspendue, de même que celle du rejet du recours gracieux des associations requérantes.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 6 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 20 mars 2023 du maire de Cavalaire-sur-Mer et du rejet du recours gracieux présenté par le comité de sauvegarde de la baie de Cavalaire et les associations France Nature Environnement Var et France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur est suspendue.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Cavalaire-sur-Mer, au comité de sauvegarde de la baie de Cavalaire et aux associations France Nature Environnement Var et France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Copie en sera adressée à la société civile immobilière IMMO CAV.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 489016
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2024, n° 489016
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SCP GURY & MAITRE ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489016.20240521
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