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14/05/2024 | FRANCE | N°475178

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 14 mai 2024, 475178


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juin et 22 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née le 17 avril 2023 du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2017-969 du 10 mai 2017 relatif à l'aide à la mobilité accordée aux étudiants inscrits en première année du di

plôme national de master en tant qu'il conditionne l'octroi de l'aide qu'il institue à l'inscr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juin et 22 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née le 17 avril 2023 du silence gardé par la Première ministre sur sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2017-969 du 10 mai 2017 relatif à l'aide à la mobilité accordée aux étudiants inscrits en première année du diplôme national de master en tant qu'il conditionne l'octroi de l'aide qu'il institue à l'inscription en première année d'une formation conduisant au diplôme national de master ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre d'abroger ces dispositions et de prendre des mesures réglementaires prévoyant le bénéfice de cette aide pour les étudiants inscrits en première année d'une formation préparant à l'obtention d'un diplôme d'établissement conférant le grade de master ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 3 et 4 avril 2024, présentées par M. A... ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le décret du 10 mai 2017 relatif à l'aide à la mobilité accordée aux étudiants inscrits en première année du diplôme national de master prévoit qu'une aide à la mobilité peut être accordée aux étudiants bénéficiaires d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux ou d'une allocation annuelle délivrée dans le cadre d'une aide spécifique lorsqu'ils sont inscrits pour la première fois en première année d'une formation conduisant au diplôme national de master dans une région académique différente de celle dans laquelle ils ont obtenu leur diplôme national de licence. Le montant de cette aide, réservée aux étudiants inscrits en première année du diplôme national de master au titre de l'année universitaire qui suit immédiatement celle de l'obtention de leur diplôme national de licence, a été fixé à 1 000 euros par un arrêté du 21 août 2017 du ministre de l'action et des comptes publics et de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

2. M. A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'abrogation de ce décret en tant qu'il réserve le bénéfice de l'aide qu'il institue aux seuls étudiants inscrits en première année d'une formation conduisant à l'obtention du diplôme national de master, à l'exclusion des étudiants inscrits dans une formation conduisant à l'obtention d'un diplôme d'établissement conférant le grade de master.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 821-1 du code de l'éducation : " La collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des œuvres universitaires mentionné à l'article L. 822-1 où les étudiants élisent leurs représentants sans distinction de nationalité et où les collectivités territoriales sont représentées dans les conditions et selon des modalités fixées par décret. Elle privilégie l'aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales (...) ". Aux termes de l'article L. 822-1 du même code : " Le réseau des œuvres universitaires contribue à assurer aux étudiants une qualité d'accueil et de vie propice à la réussite de leur parcours de formation. Il assure une mission d'aide sociale et de lutte contre le harcèlement dans le cadre universitaire et concourt à l'information et à l'éducation des étudiants en matière de santé. Il favorise leur mobilité (...) ". Contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire institue, en complément des prestations qu'elles prévoient, des aides ciblées au bénéfice de certains étudiants titulaires d'une bourse de l'enseignement supérieur sur critères sociaux ou d'une allocation annuelle accordée dans le cadre d'une aide spécifique dans le but, notamment, de faciliter leur mobilité. Le moyen tiré de ce que le décret contesté méconnaîtrait ces dispositions ne peut, par suite, qu'être écarté.

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'éducation : " L'Etat a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires. / Les diplômes nationaux délivrés par les établissements sont ceux qui confèrent l'un des grades ou titres universitaires dont la liste est établie par décret pris sur avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les établissements peuvent aussi organiser, sous leur responsabilité, des formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres ou préparant à des examens ou des concours. / Les présidents et directeurs d'établissements publics d'enseignement supérieur rendent publique sur leur site internet la liste des diplômes qui leur sont propres et des enseignants intervenant dans ces formations ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-6 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 2016 portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat : " Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu'à ceux qui peuvent bénéficier du livre IV de la sixième partie du code du travail ou des dérogations prévues par les textes réglementaires. / Les établissements peuvent fixer des capacités d'accueil pour l'accès à la première année du deuxième cycle. L'admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat./ Cependant, s'ils en font la demande, les titulaires du diplôme national de licence sanctionnant des études du premier cycle qui ne sont pas admis en première année d'une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master malgré plusieurs demandes d'admission se voient proposer l'inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l'établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout en permettant aux établissements d'enseignement supérieur public d'opérer une sélection à l'entrée en master lorsque les capacités d'accueil sont limitées, le législateur a entendu garantir aux étudiants titulaires du diplôme national de licence qui ne sont pas admis en première année d'une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master délivré en application de l'article L. 613-1 du code de l'éducation, malgré plusieurs demandes d'admission, qu'ils se voient proposer, s'ils en font la demande, une inscription dans une formation du deuxième cycle tenant compte de leur projet professionnel et de l'établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence, cette mesure, qui contribue à la mise en œuvre du principe d'égal accès à l'instruction, ne bénéficiant pas aux étudiants s'inscrivant dans une formation conduisant à un diplôme d'établissement conférant le grade de master. Les conditions d'application du troisième alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'éducation sont fixées à l'article R. 612-36-3 du même code en vertu duquel le recteur de région académique présente à l'étudiant qui a satisfait aux conditions prévues par cet article, après accord des chefs d'établissement concernés, au moins trois propositions d'admission dans une formation conduisant au diplôme national de master.

6. Il ressort des pièces du dossier que les dispositions contestées du décret du 10 mai 2017 ont pour objet d'instituer une aide au bénéfice des étudiants, non admis en première année d'une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master, qui, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 612-6 et de l'article R. 612-36-3 du code de l'éducation, se voient proposer une inscription dans une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master dans une région académique différente de celle dans laquelle ils ont obtenu leur diplôme national de licence. Eu égard à l'objet, lié à la mise en œuvre des dispositions mentionnées au point 5, de la mesure qu'il a décidé d'instituer, le pouvoir réglementaire pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, regarder les étudiants inscrits en première année d'une formation conduisant au diplôme national de master comme placés dans une situation différente de celle des étudiants inscrits en première année d'une formation conduisant à un diplôme d'établissement conférant le grade de master. Pour les mêmes raisons, M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir, en tout état de cause, que ces dispositions méconnaissent les stipulations combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 1er de son premier protocole additionnel.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de la Première ministre rejetant sa demande tendant à l'abrogation du décret du 10 mai 2017 relatif à l'aide à la mobilité accordée aux étudiants inscrits en première année du diplôme national de master. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au Premier ministre et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 avril 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, Mme Célia Verot, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur

Rendu le 14 mai 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. Christophe Bouba


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 475178
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 mai. 2024, n° 475178
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475178.20240514
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