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26/04/2024 | FRANCE | N°469342

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 26 avril 2024, 469342


Vu la procédure suivante :



La société Total Solar a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le maire de Tarnos a rejeté la demande de permis de construire qu'elle avait déposée en vue de l'installation d'ombrières photovoltaïques ainsi que la décision rejetant son recours gracieux contre cet arrêté. Par un jugement n° 1802206 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté et cette décision.



Par un arrêt n° 20BX03733 du 4

octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la commu...

Vu la procédure suivante :

La société Total Solar a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le maire de Tarnos a rejeté la demande de permis de construire qu'elle avait déposée en vue de l'installation d'ombrières photovoltaïques ainsi que la décision rejetant son recours gracieux contre cet arrêté. Par un jugement n° 1802206 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté et cette décision.

Par un arrêt n° 20BX03733 du 4 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la commune de Tarnos contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 décembre 2022, 27 janvier et 18 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Tarnos demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Total Solar la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la commune de Tarnos et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Total Energies Renouvelables France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 15 mai 2018, le maire de la commune de Tarnos (Landes) a refusé d'accorder à la société Total Solar le permis de construire qu'elle avait sollicité pour l'installation de soixante-trois ombrières photovoltaïques. Par un jugement du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau, saisi par la société Total Solar, a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir cet arrêté ainsi que la décision rejetant le recours gracieux de la société contre cet arrêté et, d'autre part, enjoint au maire de délivrer le permis de construire sollicité. La commune de Tarnos se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, l'article 1er du règlement de la zone Ué du plan local d'urbanisme de la commune de Tarnos, relatif aux occupations et utilisation du sol interdites, prévoit que sont interdites dans cette zone : " Les constructions et/ou les installations : (...) qui ne relèvent pas des destinations de commerce, artisanat, entrepôt, hébergement hôtelier, bureaux, services publics ou d'intérêt collectif, industrie, dans le secteur Uéi ; (...) ". C'est sans erreur de droit et sans erreur de qualification juridique que, pour juger que le maire de Tarnos ne pouvait légalement fonder son refus sur ces dispositions, la cour administrative d'appel a estimé que la production d'électricité par les soixante-trois ombrières photovoltaïques du projet étant destinée à satisfaire un besoin collectif, ce projet relevait de la destination " services publics ou d'intérêt collectif " prévue par le règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

3. En deuxième lieu, lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan local d'urbanisme régulièrement approuvé, un permis de construire ne peut être légalement délivré pour la modification de cette construction, sous réserve de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, que si les travaux envisagés rendent l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ou s'ils sont étrangers à ces dispositions.

4. Il résulte de l'article 13 du règlement de la zone Ué du plan local d'urbanisme relatif aux obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d'espaces libres, d'aires de jeux et de loisirs et de plantations que : " Afin de s'harmoniser avec le milieu environnant et d'atténuer l'impact visuel des constructions, les espaces libres doivent être aménagés ou plantés à l'aide des essences locales indiquées au sein de la liste jointe en annexe du présent règlement. (...) Tout programme doit comporter au moins 10 % du terrain d'assiette en espaces libres tels que définis à l'article 14 du préambule. (...) ". Cet article 14 dispose que : " Les espaces libres, réglementés à l'article 13 de chacune des zones, doivent être compris comme des espaces naturels et/ou de loisirs communs à l'ensemble du programme ou du programme d'ensemble approuvé par la commune. (...) Les projets à vocation économique doivent comprendre des espaces naturels ou végétalisés intégrés au sein de l'opération ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet litigieux consistait à implanter des ombrières photovoltaïques sur des surfaces précédemment imperméabilisées servant de parking à une entreprise située dans une zone industrielle de la commune. Ce projet, par sa nature et ses dimensions, n'est pas, au regard de la destination actuelle du terrain, de nature à avoir une incidence sur la surface des espaces libres et est, par suite, étranger aux dispositions précitées de l'article 13 du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, en jugeant que le maire de la commune de Tarnos ne pouvait, pour refuser le permis de construire, se fonder sur la circonstance que le terrain d'assiette du projet ne présentait pas 10 % d'espaces libres naturels ou végétalisés, la cour administrative d'appel n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits.

6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". D'autre part, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, soit que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'urbanisme délivrée dans ces conditions peut ensuite être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement.

7. Il ne ressortait pas des pièces du dossier soumis au juge du fond, et il n'était d'ailleurs pas soutenu par la commune de Tarnos, qu'un changement de circonstances aurait fait obstacle à ce que la cour administrative d'appel enjoignît au maire de délivrer le permis de construire sollicité par la société Total Solar. Dans ces conditions, la cour administrative d'appel, qui n'était pas tenue d'indiquer qu'aucun changement de circonstances s'était produit, n'a pas, en enjoignant au maire de la commune de délivrer le permis sollicité, entaché l'arrêt attaqué d'erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la commune de Tarnos doit être rejeté.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Total Energies Renouvelables France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Tarnos le versement d'une somme de 3 000 euros à la société Total Energies Renouvelables France au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Tarnos est rejeté.

Article 2 : La commune de Tarnos versera une somme de 3 000 euros à la société Total Energies Renouvelables France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Tarnos et à la société Total Energies Renouvelables France.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 mars 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 26 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 469342
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2024, n° 469342
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP L. POULET-ODENT ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:469342.20240426
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