Vu la procédure suivante :
L'association One Voice a demandé au tribunal administratif de Grenoble, en premier lieu, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du préfet de la Drôme du 28 juin 2017, par laquelle il a refusé, d'une part, d'abroger tout arrêté d'ouverture, de présentation et de détention de l'établissement de MM. A... et Franck B..., dénommé " Cirque B... ", concernant l'hippopotame dénommé Jumbo et, d'autre part, de procéder au retrait de cet hippopotame du cirque et à son transfert dans un sanctuaire et, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet de la Drôme de procéder à cette abrogation, au retrait de l'hippopotame du cirque et à son transfert dans un sanctuaire ou un parc zoologique, ou de le lui confier. Par un jugement n° 1703936 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 20LY00080 du 3 février 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par l'association One Voice contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 1er juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 18 mars 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'association One Voice et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de MM. B... et de la société Cirque B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 24 octobre 2008, le préfet de la Drôme a autorisé M. A... B... à présenter dix lions et un hippopotame au sein de l'établissement mobile de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques qu'il exploite sous l'enseigne " Cirque B... ". Le 9 mai 2017, l'association One Voice a demandé au préfet de la Drôme de procéder à l'abrogation de tout arrêté d'ouverture, de présentation et de détention de l'établissement de MM. A... et Franck B... dans le " Cirque B... " s'agissant de l'hippopotame Jumbo, et de procéder au transfert immédiat de cet hippopotame dans un sanctuaire. Par un courrier en date du 28 juin 2017, le préfet de la Drôme a indiqué à l'association que M. A... B... disposait d'un certificat de capacité pour la présentation au public de l'hippopotame, délivré le 7 juillet 1998, que son établissement était régulièrement autorisé par arrêté de 2008 et que, lors des contrôles de ses installations, celles-ci, s'agissant de l'hébergement de l'hippopotame, apparaissaient conformes aux dispositions de l'arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants. Par un jugement du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de l'association One Voice tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du préfet de la Drôme du 28 juin 2017 refusant d'abroger l'arrêté du 24 octobre 2008 précité en tant qu'il concerne l'hippopotame Jumbo, et de procéder à son transfert et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme d'abroger cet arrêté et de procéder au retrait et au transfert de cet animal. Par un arrêt du 3 février 2022, contre lequel l'association One Voice se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées ".
3. Aux termes du 1er alinéa de l'article L. 413-3 du code de l'environnement : " Sans préjudice des dispositions en vigueur relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement, l'ouverture des établissements d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que l'ouverture des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère, doivent faire l'objet d'une autorisation délivrée dans les conditions et selon les modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 413-9 du même code : " Les caractéristiques auxquelles doivent répondre les installations fixes ou mobiles ainsi que les règles générales de fonctionnement ou de transport et les méthodes d'identification des animaux détenus sont fixées par arrêtés conjoints des ministres chargés de la protection de la nature et de l'agriculture, après avis du Conseil national de la protection de la nature (...) " Aux termes de l'article R. 413-19 du même code : " IV. L'autorisation d'ouverture des établissements mobiles ne peut être accordée que si les animaux d'espèces non domestiques présentés au public participent à un spectacle dans les conditions prévues par les articles R. 214-84 à R. 214-86 et R. 215-9 du code rural et de la pêche maritime ".
4. En application de ces dispositions, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ont pris, le 18 mars 2011, un arrêté fixant les conditions de détention et d'utilisation des animaux vivants d'espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants et abrogeant les arrêtés du 21 août 1978 fixant les caractéristiques auxquelles doivent satisfaire les installations fixes ou mobiles des établissements présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère et aux règles générales de fonctionnement et contrôle de ces établissements en ce qui concerne les établissements itinérants.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté du 24 octobre 2008 par lequel le préfet de la Drôme a autorisé M. A... B... à présenter au public des lions et un hippopotame au sein de l'établissement mobile dénommé " Cirque B... " précise en son article 2, que " Les caractéristiques techniques, les conditions d'installation, de fonctionnement et de sécurité auxquelles doit satisfaire l'établissement de façon permanente devront être conformes aux prescriptions des arrêtés du 28 août 1978 relatifs aux caractéristiques et aux conditions de fonctionnement des établissements fixes ou mobiles présentant au public des animaux d'espèces non domestiques " et, en son article 12 que : " En outre, l'établissement satisfera, le cas échéant, aux prescriptions qui pourront lui être imposées ultérieurement dans l'intérêt de la santé, de la salubrité, de la commodité ou de la sécurité publique ".
6. Pour juger qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis qu'à la date à laquelle le préfet a refusé d'abroger l'arrêté d'ouverture précité le cirque B... ne respectait plus les conditions d'accueil des hippopotames figurant en annexe I de l'arrêté du 18 mars 2011 précité, la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, qu'il ressortait du rapport de la visite menée le 14 juin 2017 par la direction départementale de la protection des populations du Var que les conditions de détention de l'hippopotame Jumbo étaient conformes à la réglementation en vigueur, que si ce rapport comportait certaines insuffisances, l'inspecteur avait connaissance des prescriptions prévues spécifiquement pour les hippopotames et que les rapports communiqués aux débats par l'association requérante portaient mention de constatations postérieures à la décision attaquée. Par ailleurs, pour juger qu'il ne ressortait pas davantage des pièces du dossier qui lui était soumis qu'à cette même date, l'hippopotame Jumbo ne participait plus au spectacle, elle a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que le cirque avait fait l'objet de différentes inspections en 2011, 2015 et 2016, que MM. A... et Franck B... avaient déclaré en 2016 que l'hippopotame participait au spectacle et que les rapports communiqués aux débats par l'association requérante attestant que l'hippopotame ne participait plus au spectacle étaient postérieurs à la décision attaquée. Par suite, la cour, qui, s'estimant suffisamment informée, a formé sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties, sans estimer utile de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction, n'a pas commis d'erreur de droit.
7. En second lieu, c'est par une appréciation souveraine que la cour a mis à la charge de l'association One Voice une somme de 2 000 euros à verser à MM. A... et Franck B..., lesquels avaient, contrairement à ce qui est soutenu, la qualité de partie à l'instance pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de l'association One Voice doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association One Voice la somme de 3 000 euros à verser à MM. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'association One Voice est rejeté.
Article 2 : L'association One Voice versera à MM. A... et Franck B... une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association One Voice, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à M. A... B..., premier dénommé pour l'ensemble des défendeurs.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 mars 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 26 avril 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Mongin
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain