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24/04/2024 | FRANCE | N°488461

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 24 avril 2024, 488461


Vu la procédure suivante :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire marocain contre un permis de conduire français. Par une ordonnance n° 2006540 du 20 novembre 2020, le président par intérim du tribunal administratif de Versailles a transmis cette demande au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.



Par un jugement n° 2012282 du 20 juillet

2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pon...

Vu la procédure suivante :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er octobre 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire marocain contre un permis de conduire français. Par une ordonnance n° 2006540 du 20 novembre 2020, le président par intérim du tribunal administratif de Versailles a transmis cette demande au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 2012282 du 20 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision attaquée et enjoint à l'autorité préfectorale de procéder au réexamen de la demande d'échange de permis de conduire dans un délai de deux mois.

Par un pourvoi, enregistré le 21 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carole Hentzgen, auditrice.

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., de nationalité marocaine, s'est vu reconnaître le statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 janvier 2019. Le 5 août 2020, il a présenté une demande d'échange de son permis de conduire marocain contre un permis de conduire français. Par une décision du 1er octobre 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté cette demande, au motif qu'elle avait été présentée en dehors du délai prévu par l'article R. 222-3 du code de la route. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre le jugement du 20 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de M. A..., annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. " Aux termes du II.-A de l'article 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européenne, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour les ressortissants étrangers non-ressortissants de l'Union européenne, la date d'acquisition de la résidence normale est celle du début de validité du premier titre de séjour. " Enfin, aux termes du I de l'article 11 du même arrêté, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le délai d'un an pour la reconnaissance et la demande d'échange du permis de conduire pour les bénéficiaires du statut de réfugié, pour les apatrides et les étrangers ayant obtenu la protection subsidiaire, court à compter de la date de début de validité du récépissé constatant la reconnaissance d'une protection internationale. " Il résulte de ces dispositions, d'une part, que, tant qu'un titre de séjour ne lui a pas été délivré, un ressortissant étranger ne saurait être regardé comme ayant acquis une résidence normale en France, au sens des dispositions de l'article R. 222-3 du code de la route et, d'autre part, que, pour un réfugié, le point de départ du délai d'un an imparti pour demander l'échange d'un permis délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen court à compter de la date de délivrance du premier titre de séjour provisoire établi à la suite de la reconnaissance de sa qualité de réfugié. Cette date correspond, conformément aux dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 12 janvier 2012 citées ci-dessus, à la date du début de validité du récépissé constatant la reconnaissance d'une protection internationale.

3. Pour juger que la demande d'échange de permis de conduire déposée par M. A... le 5 août 2020 avait été établie dans le délai d'un an mentionné au point précédent, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait courir ce délai de la date de la délivrance de la carte de résident attribuée à l'intéressé, soit le 20 décembre 2019. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des dispositions précitées que le délai d'un an dont disposait l'intéressé pour demander l'échange de son permis de conduire avait commencé à courir dès le premier titre de séjour provisoire établi à la suite de la reconnaissance de la qualité de réfugié, c'est-à-dire dès la délivrance du premier récépissé de demande de carte de séjour à la suite de la reconnaissance de la qualité de réfugié, soit le 11 février 2019, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer est, dès lors, fondé à demander l'annulation de son jugement.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la demande d'échange de permis de conduire de M. A..., a été présentée le 5 août 2020, soit plus d'un an après la délivrance, le 11 février 2019, du premier récépissé de demande de carte de séjour à la suite de la reconnaissance de sa qualité de réfugié. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique était tenu de la rejeter. Il suit de là que l'autre moyen soulevé par M. A... en première instance est inopérant et que sa demande présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne peut, dès lors, qu'être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B....

Délibéré à l'issue de la séance du 28 mars 2024 où siégeaient : M. Alain Seban, assesseur, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Carole Hentzgen, auditrice-rapporteure.

Rendu le 24 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Alain Seban

La rapporteure :

Signé : Mme Carole Hentzgen

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 488461
Date de la décision : 24/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2024, n° 488461
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Carole Hentzgen
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488461.20240424
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