Vu les procédures suivantes :
I.- Sous le n° 469576, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, les arrêtés des 19 mars et 4 octobre 2018 et, d'autre part, l'avenant n° 1 du 14 septembre 2018 à la convention du 29 juillet 2015 par lesquels le ministre de l'intérieur l'a maintenu en position de mise à disposition, à temps plein, auprès du préfet de la Gironde, en tant qu'ils ne prennent pas en compte les services accomplis durant cette mise à disposition pour la détermination de ses droits à pension. Par un jugement n° 1805420 du
22 juin 2020, ce tribunal a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 20BX02846 du 11 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel formé par le ministre de l'intérieur contre ce jugement, annulé celui-ci et rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 décembre 2022 et 20 février 2023 et le 6 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de l'intérieur ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Le pourvoi et la requête tendant au sursis à exécution présentés par
M. A... sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que
M. A..., commandant de la police nationale, a été mis à disposition du préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde, du 1er septembre 2014 au 31 août 2017 pour exercer les fonctions de délégué du préfet de la Gironde, par arrêté du ministre de l'intérieur du
29 juillet 2015. Par deux arrêtés du ministre de l'intérieur des 19 mars et 4 octobre 2018, cette mise à disposition a été renouvelée pour la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2020 et un avenant à la convention de mise à disposition signé 14 septembre 2018. Par un jugement du
22 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a, sur la demande de M. A..., annulé ces arrêtés des 19 mars et 4 octobre 2018 et cet avenant en tant qu'ils prévoient que M. A... ne bénéficie pas de la bonification spéciale de retraite prévue à l'article 1er de la loi du
8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de la police. Par un arrêt du 11 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel du ministre de l'intérieur, a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux. M. A... se pourvoit en cassation contre cet arrêt et en demande le sursis à exécution.
Sur le pourvoi n° 469576 :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités :/1° De protection des personnes et des biens ;/2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ;/3° De police administrative ;/4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d'arrestation de leurs auteurs ;/5° De recherche de renseignements ;/6° De maintien de l'ordre public ;/7° De coopération internationale ;/8° D'état-major et de soutien des activités opérationnelles ;/9° De formation des personnels./(...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, égale à cinquante-cinq ans, bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités. (...)". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " Par dérogation aux dispositions du 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les personnels des services actifs de police appartenant aux catégories énumérées au premier alinéa de l'article 1er et à l'article 6 de la présente loi peuvent être admis à la retraite, sur leur demande, à la double condition de justifier de vingt-sept années de services effectifs ouvrant droit à la bonification précitée ou de services militaires obligatoires et de se trouver à cinq ans au plus de la limite d'âge de leur grade. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de cette même loi : " Les dispositions des articles 1er à 3 ci-dessus seront applicables, suivant les mêmes modalités et à l'exception des catégories équivalentes à celles qui, à la préfecture de police n'en sont pas bénéficiaires, aux personnels des services actifs de la sûreté nationale, soumis à la loi
n° 48-1504 du 28 septembre 1948. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les services actifs de police sont ceux qui impliquent l'exercice de fonctions de la nature de celles mentionnées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure cité au point 3.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif n'était pas recevable, faute pour les arrêtés et l'avenant en litige de lui faire grief, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé que la bonification spéciale de retraite prévue par les dispositions de la loi du 8 avril 1957 citées au point 4 n'entrait dans aucun des cas pour lesquels les textes relatifs au régime des pensions civiles et militaires prévoyaient une procédure de validation détachable de la liquidation de la pension et, d'autre part, que M. A... n'était recevable à demander le bénéfice de cette bonification qu'à l'occasion de la liquidation de sa pension de retraite.
6. Or, les dispositions des arrêtés et de l'avenant contestés qui refusaient à M. A..., au titre de la bonification spéciale de retraite prévue à l'article 1er de la loi
8 avril 1957, la prise en compte des services accomplis durant sa mise à disposition auprès du préfet de la Gironde, faisant par suite obstacle à leur prise en compte pour apprécier son droit à un départ anticipé à la retraite en application de l'article 2 de cette même loi, avaient une incidence directe sur sa date de départ à la retraite. Dès lors, elles revêtaient le caractère d'une décision administrative détachable des opérations afférentes à la liquidation de la pension, susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, en jugeant que la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif n'était pas recevable, faute pour les arrêtés et l'avenant en litige de lui faire grief, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
Sur la requête tendant au sursis à exécution n° 471524 :
8. Le Conseil d'Etat se prononçant par la présente décision sur le pourvoi formé par M. A... contre l'arrêt du 11 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux, les conclusions aux fins de sursis à exécution de cet arrêt sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 11 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant au sursis à exécution de l'arrêt du 11 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 mars 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et
Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 22 avril 2024.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
La rapporteure :
Signé : Mme Agathe Lieffroy
Le secrétaire :
Signé : M. Brian Bouquet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :