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19/04/2024 | FRANCE | N°474612

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 19 avril 2024, 474612


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 474612, par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2023 fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale en tant qu'il fixe les coefficients mentionnés aux cinquième et sixième aliné

as de l'article R. 162-33-5 du même code concernant les établissements de santé mentionnés aux ...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 474612, par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2023 fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale en tant qu'il fixe les coefficients mentionnés aux cinquième et sixième alinéas de l'article R. 162-33-5 du même code concernant les établissements de santé mentionnés aux b et c de l'article L. 162-22-6 de ce code ;

2°) d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention de prendre un nouvel arrêté fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale en tant qu'ils portent sur ces coefficients ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 474613, par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des hôpitaux privés sans but lucratif (HPSBL) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2023 fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale en tant qu'il fixe les coefficients mentionnés aux cinquième et sixième alinéas de l'article R. 162-33-5 du même code concernant les établissements de santé mentionnés aux b et c de l'article L. 162-22-6 de ce code ;

2°) d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention de prendre un nouvel arrêté fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale en tant qu'ils portent sur ces coefficients ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 474614, par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des hôpitaux privés sans but lucratif (HPSBL) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2023 fixant pour l'année 2023 l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie mentionné à l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale en tant que cet objectif est fondé sur les coefficients mentionnés aux cinquième et sixième alinéas de l'article R. 162-33-5 du même code concernant les établissements de santé mentionnés aux b et c de l'article L. 162-22-6 de ce code ;

2°) d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention de prendre un nouvel arrêté fixant pour l'année 2023 l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le n° 474615, par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2023 fixant pour l'année 2023 l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie mentionné à l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale en tant que cet objectif est fondé sur les coefficients mentionnés aux cinquième et sixième alinéas de l'article R. 162-33-5 du même code concernant les établissements de santé mentionnés aux b et c de l'article L. 162-22-6 de ce code ;

2°) d'enjoindre au ministre de la santé et de la prévention de prendre un nouvel arrêté fixant pour l'année 2023 l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

5° Sous le n° 474619, par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2023 portant détermination pour 2023 de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale en tant que cette dotation finance une majoration des taux des indemnités de nuit perçues par les agents de la fonction publique hospitalière ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

6° Sous le n° 474620, par une requête, enregistrée le 30 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association des hôpitaux privés sans but lucratif (HPSBL) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 mars 2023 portant détermination pour 2023 de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale en tant que cette dotation finance une majoration des taux des indemnités de nuit perçues par les agents de la fonction publique hospitalière ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2021-341 du 29 mars 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Conformément au 3° de l'article LO 111-3-5 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale fixe chaque année, dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l'année à venir, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base (ONDAM), ainsi que ses sous-objectifs. En vertu de l'article R. 162-33-4 du même code, chaque année, dans un délai de quinze jours suivant la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale, les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget arrêtent, en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, le montant de l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie mentionné à l'article L. 162-22-9 de ce code dans sa rédaction applicable aux litiges. En vertu des articles L. 162-22-9, L. 162-22-10 et R. 162-33-5 du même code, chaque année, les mêmes ministres arrêtent, dans un délai de quinze jours suivant la publication de l'arrêté fixant le montant de l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, certains éléments tarifaires, dont les tarifs nationaux des prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 de ce code dans sa rédaction applicable aux litiges, donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale, qui prennent effet le 1er mars de l'année en cours. Ces tarifs sont minorés, notamment, par l'application d'un coefficient, prévu par le cinquième alinéa de l'article R. 162-33-5 de ce code, qui tient compte, pour les établissements de santé bénéficiaires, des effets générés par les dispositifs d'allégements fiscaux et sociaux ayant pour objet de réduire le coût du travail, et par un coefficient prévu au sixième alinéa du même article tenant compte, pour les établissements de santé concernés, des effets induits par les dispositifs de revalorisation salariale des personnels médicaux et non médicaux. Enfin, en application des articles L. 162-22-13 et R. 162-33-17 de ce code, dans sa rédaction applicable aux litiges, les mêmes ministres arrêtent également, chaque année, dans les quinze jours suivant la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale, au sein de l'ONDAM, le montant d'une dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation des établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de l'article L. 162-22-6 de ce code dans sa rédaction applicable au litige. Par six requêtes qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par une seule décision, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) et l'association des hôpitaux privés sans but lucratif (HPSBL) demandent l'annulation pour excès de pouvoir, en premier lieu, de l'arrêté du 28 mars 2023 fixant pour l'année 2023 l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie mentionné à l'article L. 162-22-9 du même code, en tant que cet objectif est fondé sur les coefficients mentionnés aux cinquième et sixième alinéas de l'article R. 162-33-5 du même code concernant les établissements de santé mentionnés aux b et c de l'article L. 162-22-6 de ce code, en deuxième lieu, de l'arrêté du 30 mars 2023 fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, en tant qu'il fixe les coefficients mentionnés aux cinquième et sixième alinéas de l'article R. 162-33-5 du même code concernant les établissements de santé mentionnés aux b et c de l'article L. 162-22-6 de ce code, et, en dernier lieu, de l'arrêté du 28 mars 2023 portant détermination pour 2023 de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 de ce code, en tant que cette dotation finance une majoration des taux des indemnités de nuit perçues par les agents de la fonction publique hospitalière.

Sur la légalité externe des arrêtés attaqués :

2. En premier lieu, la circonstance que l'arrêté fixant pour l'année 2023 l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et celui portant détermination pour 2023 de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale aient été pris au-delà du délai de quinze jours imparti à compter de la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 respectivement par l'article R. 162-33-4 et par l'article R. 162-33-17 du code de la sécurité sociale et que l'arrêté du 30 mars 2023 fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale n'ait, lui-même, pas été pris dans le délai prévu à l'article R. 162-33-5 du même code est sans incidence sur la légalité des arrêtés attaqués.

3. En deuxième lieu, la circonstance que l'arrêté du 28 mars 2023 fixant pour l'année 2023 l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie n'ait été publié que le 1er avril 2023 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 30 mars 2023 fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, dont la date de prise d'effet, fixée s'agissant des éléments tarifaires mentionnés au I de l'article L. 162-22-10 par ces dispositions législatives elles-mêmes dans leur rédaction applicable au litige, n'est en tout état de cause pas antérieure à celle de l'objectif de dépenses résultant de l'arrêté du 28 mars 2023, valant au titre de l'année 2023 en vertu de l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale, sans que les requérantes puissent utilement soutenir que l'arrêté du 30 mars ne pouvait viser cet arrêté du 28 mars 2023.

4. En troisième lieu, si le II de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que " la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés communique à l'Etat, pour l'ensemble des régimes obligatoires d'assurance maladie, des états provisoires et des états définitifs du montant total des charges mentionnées au I de l'article L. 162-22-9 (...) ", c'est-à-dire les charges supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie afférentes aux frais d'hospitalisation au titre des soins dispensés au cours de l'année dans le cadre des activités de médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique et odontologie, ni ces dispositions, ni aucune autre, notamment pas celles du 1° du II de l'article R. 162-33-4 ou celles du 1° du II de l'article R. 162-33-17 du même code selon lesquelles il est tenu compte de l'état provisoire et de l'évolution des charges d'assurance maladie au titre des soins dispensés l'année précédente pour arrêter le montant de l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pour déterminer le montant de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13, non plus qu'aucun principe, n'imposent qu'il soit " attesté " par l'arrêté fixant cet objectif ou par celui déterminant le montant de cette dotation que les états provisoires et définitifs du montant total des charges mentionnées au I de l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité social ont été communiqués à l'Etat par la Caisse nationale de l'assurance maladie. Les requérantes ne sauraient par conséquent utilement soutenir que les arrêtés respectifs du 28 mars 2023 fixant cet objectif et déterminant le montant de cette dotation seraient pour ce motif entaché d'un vice de forme ou de procédure. Au demeurant, il ressort des pièces versées à l'instruction que ces éléments ont été communiqués à l'Etat par la Caisse nationale de l'assurance maladie.

5. En dernier lieu, la circonstance que quinze des seize annexes de l'arrêté fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale aient été publiées le 31 mars 2023 aux documents administratifs du Journal officiel, auxquels il a été renvoyé par une mention sous l'arrêté publié le même jour au Journal officiel Lois et Décrets, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

Sur la légalité interne de l'arrêté du 28 mars 2023 fixant l'objectif de dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie pour 2023 :

6. En vertu du premier alinéa de l'article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale, les éléments tarifaires mentionnés aux 1° à 3° du I de l'article L. 162-22-10 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, sont arrêtés dans le respect de l'objectif de dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie mentionné à l'article L. 162-22-9 de ce code. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il fixe ces éléments tarifaires, le pouvoir réglementaire est tenu de respecter l'objectif de dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie, déterminé au préalable en fonction du niveau de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé par la loi de financement de la sécurité sociale. Par suite, les requérantes ne sauraient utilement invoquer l'illégalité des coefficients déterminés par l'arrêté du 30 mars 2023 fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, coefficients qui devaient être arrêtés dans le respect de l'objectif de dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie pour 2023 fixé par l'arrêté du 28 mars 2023, au soutien de leurs conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 mars 2023.

Sur la légalité interne de l'arrêté du 30 mars 2023 fixant pour l'année 2023 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du sixième alinéa de l'article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale :

7. Aux termes du sixième alinéa de l'article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale : " Les tarifs nationaux des prestations et les forfaits annuels mentionnés à l'article L. 162-22-10 ainsi que les tarifs des forfaits mentionnés à l'article R. 162-33-16-1, à l'exception des forfaits assurant le financement des soins de médecine d'urgence autres que gynécologiques, sont modulés par l'application d'un coefficient tenant compte, pour les établissements de santé bénéficiaires, des effets induits par les dispositifs de revalorisation salariale des personnels médicaux et non médicaux. La liste de ces dispositifs est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. La valeur de ce coefficient, différenciée par catégorie de bénéficiaires, est définie chaque année par arrêté des mêmes ministres, dans les conditions prévues au I de l'article L. 162-22-10 ".

8. D'une part, en vertu du II de l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale, un décret en Conseil d'Etat précise les modalités selon lesquelles, chaque année, sont déterminés les tarifs nationaux des prestations d'hospitalisation compatibles avec le respect de l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique et odontologie exercées par les établissements de santé, en prenant en compte à cet effet, notamment, les prévisions d'évolution de l'activité des établissements pour l'année en cours, ces tarifs pouvant également être déterminés en tout ou partie à partir des données afférentes au coût relatif des prestations d'hospitalisation. Le 1° du I de l'article L. 162-22-10 du même code, dans sa rédaction applicable aux litiges, dispose que ces tarifs " peuvent être différenciés par catégories d'établissements, notamment en fonction des conditions d'emploi du personnel médical ". A ce titre, le pouvoir réglementaire peut légalement prévoir que les tarifs nationaux des prestations d'hospitalisation sont déterminés en tenant compte du niveau respectif des charges, notamment de nature salariale, réellement exposées par les établissements des différentes catégories mentionnées à l'article L. 162-22-6 de ce code, dans sa rédaction applicable aux litiges. Il suit de là qu'en instaurant un coefficient de modulation destiné à tenir compte des effets induits par les dispositifs de revalorisation salariale des personnels médicaux mais aussi non médicaux, issus du " Ségur de la santé ", le pouvoir réglementaire n'a pas ajouté un critère de modulation des tarifs nationaux des prestations d'hospitalisation qui n'aurait pas été prévu par la loi mais s'est borné, en application du II de l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale, à préciser, en des termes qui ne sont ni imprécis ni équivoques, les modalités de détermination des tarifs dans le cadre prévu par la loi. Par suite, les moyens tirés de ce que le sixième alinéa de l'article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale serait, pour ce motif, entaché d'incompétence, dépourvu de base légale ou insuffisamment précis doivent, en tout état de cause, être écartés.

9. D'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. En prévoyant que la valeur du coefficient de modulation qu'il instaure est différenciée par catégorie d'établissements concernés, le sixième alinéa de l'article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale a entendu que cette valeur varie selon les dispositifs de revalorisation salariale des personnels médicaux et non médicaux applicables dans ces établissements. Par suite, le moyen tiré de ce que le sixième alinéa de l'article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale méconnaîtrait le principe d'égalité au motif qu'il permettrait la fixation de coefficients de modulation différents pour des catégories d'établissements se voyant appliquer des dispositifs de revalorisation salariale identiques ou similaires doit en tout état de cause être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne soulevés à l'encontre de cet arrêté :

10. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le coefficient de modulation de -1,03 % des tarifs applicables aux établissements de santé privés à but non lucratif, pris en application du sixième alinéa de l'article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale, cité au point 7, pour tenir compte des effets induits par les mesures de revalorisation salariale du " Ségur de la santé " applicables aux personnels médicaux et non médicaux éligibles au sein des différentes catégories d'établissements de santé, méconnaîtrait ces dispositions, serait contraire au principe d'égalité ou entaché d'erreur manifeste d'appréciation, alors que l'article 9 de l'arrêté attaqué prévoit que sont prises en compte les mesures de revalorisation salariale applicables au sein des établissements de santé privés à but non lucratif en vertu d'accords ou conventions collectives qui sont équivalentes à celles énumérées, pour les établissements publics de santé, à son annexe XVI et que les requérantes n'apportent aucune précision sur ceux de ces accords ou conventions collectives qui n'auraient pas ce faisant été pris en compte.

11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, que le coefficient de minoration de -1,47 % des tarifs applicables aux établissements de santé privés à but non lucratif, pris en application du cinquième alinéa de l'article R. 162-33-5 du code de la sécurité sociale pour tenir compte des allègements de charges fiscales et sociales mentionnés à l'article 8 de l'arrêté attaqué et figurant à son annexe XIV, dont bénéficient ces établissements, serait entaché, eu égard à la baisse des tarifs qu'il entraîne comparée au bénéfice retiré de ces dispositifs, d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. En dernier lieu, la présente décision rejetant les conclusions des requérantes tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2023 fixant l'objectif de dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie pour 2023, elles ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2023 par voie de conséquence.

Sur la légalité interne de l'arrêté du 28 mars 2023 portant détermination pour 2023 de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale :

13. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable aux litiges : " Il est créé, au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie prévu au 3° de l'article LO 111-3-5, une dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation des établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de l'article L. 162-22-6. Cette dotation participe notamment au financement de la recherche, de la formation des professionnels de santé et du personnel paramédical à l'exception des formations prises en charge par la région en application des articles L. 4151-9, L. 4244-1 et L. 4383-5 du code de la santé publique. Elle participe également au financement des engagements relatifs à la mise en œuvre des orientations du schéma régional de santé, de ceux visant à améliorer la qualité des soins ou à répondre aux priorités nationales ou locales en matière de politique sanitaire, notamment la création de groupements hospitaliers de territoire, par dérogation aux dispositions de l'article L. 162-1-7 du présent code, et de ceux relatifs à la mise en œuvre de la politique nationale en matière d'innovation médicale ou encore de ceux correspondant à la mise en place des dispositifs dédiés de prise en charge des femmes victimes de violences ou au rôle de recours dévolu à certains établissements. Cette dotation participe, en outre, au financement des activités concourant à la réalisation, par les pharmacies à usage intérieur et les établissements pharmaceutiques des établissements de santé habilités, des préparations hospitalières spéciales faisant l'objet d'une autorisation en application de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 162-22-6, cette dotation participe également au financement des activités de soins dispensés à certaines populations spécifiques. Ces engagements sont mentionnés au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens mentionné à l'article L. 6114-2 du code de la santé publique ou, à défaut, dans un engagement contractuel spécifique ". En vertu de l'article D. 162-6 du même code : " Peuvent être financées par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 les dépenses correspondant aux missions d'intérêt général suivantes : / (...) 4° La permanence des soins hospitalière ".

14. Il résulte de ces dispositions que la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation des établissements de santé, fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en fonction du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base déterminé par la loi de financement de la sécurité sociale, peut financer des dépenses permettant d'assurer la permanence des soins au sein des établissements de santé. A ce titre, et à supposer que tel ait été le cas, ce qui ne ressort nullement de l'arrêté attaqué, qui se borne à déterminer le montant de la dotation nationale, ce dernier pouvait donc légalement y inclure la prise en charge, au titre d'une dotation d'aide à la contractualisation, le financement d'une majoration des indemnités de nuit perçues par les agents de la fonction publique hospitalière, permettant de faire face aux sujétions de l'exercice professionnel dans les établissements publics de santé pour assurer la continuité des soins.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, l'ensemble des requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la FEHAP et de l'association HPSBL sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne, à l'association des hôpitaux privés sans but lucratif, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 474612
Date de la décision : 19/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2024, n° 474612
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474612.20240419
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