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18/04/2024 | FRANCE | N°468792

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 18 avril 2024, 468792


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire complémentaire, sept nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 et 30 novembre, et 22 et 25 décembre 2022, les 8 et 31 janvier 2023, le 21 janvier, les 12 et 20 février et le 3 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 septembre 2022 par lequel le Président de la République l'a radié des cadres de la magistrature à compter du 19 juillet 2

022 ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au ti...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire, sept nouveaux mémoires et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 et 30 novembre, et 22 et 25 décembre 2022, les 8 et 31 janvier 2023, le 21 janvier, les 12 et 20 février et le 3 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 9 septembre 2022 par lequel le Président de la République l'a radié des cadres de la magistrature à compter du 19 juillet 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 ;

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

- la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 ;

- la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 ;

- la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 15, 20 et 27 mars 2024, présentées par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 73 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " La cessation définitive des fonctions entraînant radiation des cadres et, sous réserve des dispositions de l'article 77 ci-après, perte de la qualité de magistrat, résulte : (...) / 2° De la mise à la retraite ou de l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas droit à pension (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que le 7 juillet 2022, le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à l'encontre de M. A... B..., vice-président exerçant les fonctions de juge des enfants au tribunal judiciaire d'Aurillac, la sanction d'admission à cesser ses fonctions, sur le fondement du 6° de l'article 45 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, pour des manquements à ses devoirs de loyauté, de délicatesse, et d'attention portée à autrui à l'égard de ses collègues, ainsi qu'à ses devoirs de diligence et de rigueur. Par décret du 9 septembre 2022, le Président de la République a, en application de l'article 73 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, prononcé la radiation des cadres de la magistrature de M. B.... M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, le Conseil d'Etat a, par décision du 16 février 2024, rejeté le pourvoi formé par M. B... contre la décision du 7 juillet 2022 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction d'admission à cesser ses fonctions. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué par voie de conséquence de celle de la décision du Conseil supérieur de la magistrature.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour prononcer la radiation des cadres de la magistrature de M. B..., le Président de la République s'est borné à constater que le Conseil supérieur de la magistrature avait prononcé à son encontre la sanction d'admission à cesser ses fonctions, sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce. En application des dispositions citées au point 1, le Président de la République était tenu, après avoir constaté l'existence de cette sanction, de prononcer la radiation des cadres de la magistrature de l'intéressé à compter de la date d'entrée en vigueur de la sanction, soit le 19 juillet 2022, date de sa notification à l'intéressé. Ainsi, dès lors que M. B... ne conteste pas utilement que le Président de la République se trouvait en situation de compétence liée, les moyens tirés de ce que le décret est illégal au motif, d'une part, qu'il est entré en vigueur alors qu'il était placé en congé d'invalidité temporaire imputable au service, d'autre part, qu'il méconnaît l'autorité de chose décidée attachée à ce placement en congé, enfin, qu'il méconnaît les dispositions législatives et réglementaires en matière de protection de la santé et de la sécurité des fonctionnaires, et notamment l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, et les articles L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 4121-3 du code du travail sont, en tout état de cause, inopérants.

5. En troisième lieu, M. B... n'est pas, en tout état de cause, fondé à soutenir que le décret litigieux serait fondé sur un motif lié à son état de santé et méconnaîtrait, par suite, l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et les directives dont il assure la transposition. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

6. En dernier lieu, les autres moyens soulevés par M. B... contestent la régularité et le bien-fondé de la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 7 juillet 2022, dont le décret litigieux se borne à tirer les conséquences. Il ressort des dispositions constitutionnelles et législatives qui fixent la nature des pouvoirs attribués au Conseil supérieur de la magistrature à l'égard des magistrats du siège, comme d'ailleurs de celles qui déterminent sa composition et ses règles de procédure, que ce conseil a un caractère juridictionnel lorsqu'il statue comme conseil de discipline des magistrats du siège et que, en raison de la nature des litiges qui lui sont alors soumis et qui intéressent l'organisation du service public de la justice, il relève du contrôle de cassation du Conseil d'Etat statuant au contentieux. S'il appartient, le cas échéant, au juge de l'excès de pouvoir de tirer les conséquences d'une décision du juge de cassation qui annulerait la décision du Conseil supérieur de la magistrature, cette dernière n'a pas le caractère d'une décision administrative dont l'illégalité pourrait être invoquée par voie d'exception. Dès lors, le requérant ne saurait utilement présenter de tels moyens devant le juge de l'excès de pouvoir à l'appui d'une demande tendant à l'annulation du décret litigieux, alors, au surplus, que, comme il a été rappelé au point 2, son pourvoi contre la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 7 juillet 2022 a été rejeté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 mars 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 18 avril 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 468792
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 avr. 2024, n° 468792
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:468792.20240418
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