Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 17 juillet 2023 par laquelle la cheffe de service de l'inspection générale des finances a rejeté sa demande de maintien en activité au-delà de sa limite d'âge, de la décision du 23 octobre 2023 du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique par laquelle il a rejeté son recours hiérarchique et de l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel ce même ministre l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite par limite d'âge à compter du 3 novembre 2023 et l'a maintenue en activité pour une période de quatre mois, et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de faire droit à sa demande de maintien en activité.
Par une ordonnance n° 2327668 du 20 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d'une part, suspendu l'exécution des décisions des 17 juillet et 23 octobre 2023 et de l'arrêté du 30 octobre 2023, et, d'autre part, enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder au réexamen de la situation de Mme A... avant le 30 décembre 2023.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 janvier et 20 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par Mme A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 ;
- le décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Guillarme, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que Mme A..., inspectrice générale des finances atteinte par la limite d'âge de 67 ans le 2 novembre 2023, a sollicité, le 6 juillet 2023, son maintien en activité au-delà de cette limite sur le fondement des dispositions de l'article 1er de la loi du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'Etat. Par une décision du 17 juillet 2023, la cheffe du service de l'inspection générale des finances a rejeté sa demande. Par une décision du 23 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision. Par un arrêté du 30 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a admis Mme A... à faire valoir ses droits à la retraite, par limite d'âge, à compter du 3 novembre 2023, en la maintenant en activité pour une durée supplémentaire de quatre mois. Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d'une demande de suspension de l'exécution de ces décisions sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 20 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution des décisions des 17 juillet et 23 octobre 2023 ainsi que de l'arrêté du 30 octobre 2023.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 23 décembre 1986 : " Les magistrats de la Cour des comptes et les membres du corps de l'inspection générale des finances, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge résultant du 1° de l'article L. 556-1 du code général de la fonction publique ou de l'article 1er de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public et, le cas échéant, à l'issue des reculs de limite d'âge et des prolongations d'activité mentionnés aux articles L. 556-2 à L. 556-5 du code général de la fonction publique, sont, sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre, jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 556-1 du même code sans radiation des cadres préalable pour exercer respectivement les fonctions de conseiller maître à la Cour des comptes (...) et d'inspecteur général des finances. / Le maintien en activité, y compris dans des fonctions exercées par la voie du détachement ou de la mise à disposition, jusqu'à l'âge mentionné au même cinquième alinéa est accordé sur demande, en considération de l'intérêt du service et de l'aptitude de l'intéressé. ". Ces dispositions confèrent à l'autorité compétente un large pouvoir d'appréciation de l'intérêt, pour le service, d'autoriser un fonctionnaire atteignant la limite d'âge à être maintenu en activité. Elle peut ainsi, notamment, se fonder sur l'objectif tendant à privilégier le recrutement de jeunes agents par rapport au maintien en activité des agents ayant atteint la limite d'âge.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que pour refuser la demande de prolongation d'activité de Mme A..., comme elle en avait la faculté, l'administration s'est fondée sur la nécessité de renouveler, dans l'intérêt du service, la composition du service de l'inspection générale des finances, par une réduction du nombre de membres de l'inspection appartenant, comme Mme A..., au groupe I et le recrutement d'inspecteurs plus jeunes appartenant aux groupes II et III. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que l'administration, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation, pouvait légalement se fonder sur ce motif pour refuser le maintien en activité au-delà de la limite d'âge dont Mme A... demandait le bénéfice. Par suite, en jugeant que le motif tiré de la volonté de rajeunir les effectifs du service de l'inspection générale des finances, qui rendait nécessaire la prise en compte de l'âge de l'intéressée et n'est au demeurant pas incompatible avec un objectif de féminisation du service, était en contradiction avec l'intention du législateur, que la décision était entachée d'une erreur manifeste sur l'appréciation de l'intérêt du service et que les moyens soulevés étaient ainsi de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Ainsi qu'il est dit au point 4, les moyens invoqués par Mme A... à l'appui de sa demande de suspension et tirés de ce que la décision de refus qui lui a été opposée serait entachée d'erreurs de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
8. L'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, Mme A... n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution des décisions des 17 juillet et 23 octobre 2023 et de l'arrêté du 30 octobre 2023. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 20 décembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande de suspension de l'exécution des décisions des 17 juillet et 23 octobre 2023 et de l'arrêté du 30 octobre 2023 présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au Premier ministre.