Vu la procédure suivante :
L'association " Les amis de la colline de Chantemerle " et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 13 février 2018 et 28 janvier 2019 par lesquels le maire d'Aix-les-Bains a délivré à la société Anaka un permis de construire pour la réalisation de quatre logements et un permis modificatif pour la réalisation du même projet, ainsi que les décisions du 4 juin 2018 rejetant leur recours gracieux contre le permis de construire initial.
Par un jugement n° 1804680 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à leur demande.
Par un premier arrêt n° 20LY02376 du 15 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la société Anaka, jugé que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6 des dispositions générales règlement du plan local d'urbanisme d'Aix-les-Bains et des articles UD 7 et UD 10 de ce règlement étaient fondés et a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer pour permettre la régularisation de ces vices dans un délai de six mois.
Après la délivrance d'un permis de régularisation par arrêté du 11 octobre 2022, l'association " Les amis de la colline de Chantemerle " et autre ont demandé au tribunal d'annuler pour excès de pouvoir ce permis de régularisation.
Par un second arrêt du 21 février 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 23 juin 2020, rejeté les conclusions tendant à l'annulation des permis de construire initial et modificatif des 13 février 2018 et 28 janvier 2019, annulé l'arrêté de régularisation du 11 octobre 2022 en tant qu'il méconnaît l'article 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération de Grand-Lac et, sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, fixé à la société Anaka un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire de régularisation rendant le projet conforme à ces dispositions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril, 18 juillet 2023 et 11 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Les amis de la colline de Chantemerle " et autre demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le second arrêt du 21 février 2023 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'annulation ;
3°) de mettre à la charge de la société Anaka la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benoît Delaunay, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin avocats, avocat de l'association " Les amis de la colline de Chantemerle " et de M. A..., au cabinet Munier-Apaire, avocat de la SAS Anaka et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la commune d'Aix-les-Bains ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par des arrêtés des 13 février 2018 et 28 janvier 2019, le maire d'Aix-les-Bains a délivré à la société Anaka un permis de construire et un permis de construire modificatif en vue de la construction de quatre logements collectifs. Saisi par l'association " Les Amis de la colline de Chantemerle " et M. A... de demandes d'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés, ainsi que de la décision rejetant leur recours gracieux contre le permis initial, le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 23 juin 2020, a fait droit à ces demandes. Par un premier arrêt du 15 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir écarté les autres moyens soulevés par ces demandes, a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur les conclusions présentées en appel par la société Anaka, et invité la commune et la société pétitionnaire à justifier, dans un délai de six mois, de la délivrance d'un permis de construire de régularisation permettant d'assurer la conformité du projet aux dispositions, relatives à l'obligation de réalisation d'une aire de collecte des ordures ménagères, de l'article 6 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, relatives à la hauteur maximale d'une façade située en-dessous du terrain naturel, de l'article UD 10 du même règlement et, relatives à la distance minimale aux limites séparatives, de l'article UD 7 de ce règlement. Puis, après la délivrance le 11 octobre 2022 d'un permis de régularisation, la cour a, par un second arrêt du 21 février 2023, annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2020, rejeté les conclusions de l'association " Les Amis de la colline de Chantemerle " et de M. A... contre les permis de construire initial et modificatif des 13 février 2018 et 28 janvier 2019 et, mettant en œuvre l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, prononcé l'annulation partielle du permis de régularisation en tant qu'il méconnaissait les dispositions, relatives à la perméabilité des surfaces de stationnement prévues à l'article UD 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal adopté le 9 octobre 2019 et fixé à la société Anaka un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire de régularisation rendant le projet conforme à ces dispositions. L'association " Les Amis de la colline de Chantemerle " et M. A... se pourvoient en cassation contre ce second arrêt.
2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
3. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'association " Les Amis de la colline de Chantemerle " et M. A... soutenaient que le permis de régularisation délivré le 11 octobre 2022 méconnaissait les nouvelles dispositions relatives aux mouvements de sols prévues à l'article 2.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération de Grand-Lac, adopté le 9 octobre 2019. Pour écarter ce moyen comme inopérant, la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que ce moyen ne portait ni sur les vices objets de la mesure de régularisation ni sur des vices propres à cette mesure ni sur des éléments révélés par la procédure de régularisation. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces soumis aux juges du fond, que, pour permettre la régularisation des vices affectant la légalité des permis de construire initial et modificatif des 13 février 2018 et 28 janvier 2019, l'implantation du bâtiment avait dû être modifiée, pour l'enfoncer davantage dans le terrain, ce qui impliquait de nouveaux mouvements de sol, la cour a entaché son arrêt de dénaturation.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'association " Les amis de la colline de Chantemerle " et M. A... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Anaka une somme globale de 3 000 euros à verser à l'association " Les amis de la colline de Chantermerle " et M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de ceux-ci, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Lyon du 21 février 2023 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La société Anaka versera une somme globale de 3 000 euros à l'association " Les amis de la colline de Chantemerle " et M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Anaka et la commune d'Aix-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association " Les amis de la colline de Chantemerle ", premier requérant dénommé, à la société Anaka et à la commune d'Aix-les-Bains.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 mars 2024 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Benoît Delaunay, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 5 avril 2024.
Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
Le rapporteur :
Signé : M. Benoît Delaunay
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy