La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2024 | FRANCE | N°471475

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 05 avril 2024, 471475


Vu les procédures suivantes :



Mme F... G... et huit autres pharmaciens titulaires d'officine ont porté plainte contre M. A... C... devant la chambre de discipline du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des pharmaciens. Mme B... H... et M. E... D... ont également formé chacun une plainte distincte contre M. C.... Par une décision n° AD/05678-1/CR, AD/05726-1/CR et AD/05817-2/CR du 15 janvier 2021, la chambre de discipline de ce conseil, après avoir joint ces trois plaintes, a infligé à M. C... la sanction d'interdiction d'exerc

er la pharmacie pendant une durée de deux ans, dont dix-huit mois avec...

Vu les procédures suivantes :

Mme F... G... et huit autres pharmaciens titulaires d'officine ont porté plainte contre M. A... C... devant la chambre de discipline du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des pharmaciens. Mme B... H... et M. E... D... ont également formé chacun une plainte distincte contre M. C.... Par une décision n° AD/05678-1/CR, AD/05726-1/CR et AD/05817-2/CR du 15 janvier 2021, la chambre de discipline de ce conseil, après avoir joint ces trois plaintes, a infligé à M. C... la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pendant une durée de deux ans, dont dix-huit mois avec sursis.

Par une décision n° AD/05678-3/CN du 15 décembre 2022, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a, sur l'appel de M. C..., ramené la sanction prononcée à une interdiction d'exercice d'une durée de dix-huit mois, assortie d'un sursis de quinze mois, et fixé les dates d'exécution de cette sanction du 1er avril au 30 juin 2023.

Par un pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 et 20 février 2023 et le 29 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge des plaignants la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de M. C... et à la SCP Boucard-Maman, avocat de Mme G... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme F... G... et huit autres pharmaciens titulaires d'officine ont porté plainte contre M. A... C..., pharmacien titulaire d'une officine à Bastia, devant la chambre de discipline du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des pharmaciens. Mme B... H... et M. E... D..., qui faisaient partie des neuf pharmaciens à l'origine de la première plainte, ont également formé, chacun, une plainte distincte contre M. C... pour des faits intervenus postérieurement. Par une décision du 15 janvier 2021, la chambre de discipline du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse de l'ordre des pharmaciens, après avoir joint ces trois plaintes, a infligé à M. C... la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de deux ans, dont dix-huit mois avec sursis. Par une décision du 15 décembre 2022, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur appel de M. C..., a ramené cette sanction à une interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de dix-huit mois, dont quinze mois avec sursis. M. C... se pourvoit en cassation contre cette décision.

Sur la régularité de la décision attaquée :

2. S'il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu'une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel, lorsqu'il n'est régulièrement saisi que du seul recours de la personne frappée par la sanction, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, qui a en l'espèce ramené de deux ans à dix-huit mois la durée de l'interdiction d'exercer prononcée à l'encontre de M. C..., n'a pas méconnu cette règle. En outre, elle n'a entaché sa décision d'aucune irrégularité ni méconnu son office en retenant un grief qui avait été écarté par les premiers juges, tiré de l'utilisation par M. C... des réseaux sociaux pour valoriser son officine, dès lors qu'il ressort des écritures tant de première instance que d'appel que M. C... avait été mis à même de s'expliquer sur ce grief.

Sur le bien-fondé de la décision attaquée :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4235-22 du code de la santé publique : " Il est interdit aux pharmaciens de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession ". Aux termes de l'article R. 4235-30 du même code : " Toute information ou publicité, lorsqu'elle est autorisée, doit être véridique, loyale et formulée avec tact et mesure ". Aux termes de l'article R. 4235-59 : " Les vitrines des officines et les emplacements aménagés pour être visibles de l'extérieur ne peuvent servir à présenter que les activités dont l'exercice en pharmacie est licite. Sous réserve de la réglementation en vigueur en matière de concurrence et de publicité et des obligations légales en matière d'information sur les prix pratiqués, ces vitrines et emplacements ne sauraient être utilisés aux fins de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession ". Enfin, aux termes de l'article R. 4235-64 du même code : " Le pharmacien ne doit pas, par quelque procédé ou moyen que ce soit, inciter ses patients à une consommation abusive de médicaments ". Ces dispositions imposent au pharmacien un comportement conforme à la dignité de la profession et lui font obligation de procéder avec tact et mesure lorsqu'il peut, notamment par affichage dans les vitrines de son officine ou par communication sur un réseau social, mettre en valeur certains produits et en faire connaître les prix, afin, notamment, de ne pas inciter ses patients, par quelque procédé ou moyen que ce soit, à une consommation abusive de médicaments.

4. En retenant que M. C... avait méconnu les dispositions des articles R. 4235-22, 5. 4235-30 et R. 4235-59 citées au point précédent en faisant apposer sur la vitrine de son officine, ainsi qu'en attestent deux constats d'huissiers, des affiches de couleur vive, y compris relatives à des médicaments, appelant l'attention de la clientèle sur les " prix best of " pratiqués dans sa pharmacie, présentés pour les produits de parapharmacie sous forme de prix barrés, et vantant avec insistance " le meilleur prix, le meilleur choix, le meilleur conseil " qu'elle offrirait, et en communiquant sur l'application Facebook sur " les prix les plus bas " pratiqués par son officine, la chambre de discipline n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

5. En deuxième lieu, la chambre de discipline a, par la décision attaquée, jugé que M. C..., en proférant de graves menaces à l'encontre de M. D... au cours d'une réunion de conciliation organisée le 23 avril 2019 dans le cadre du litige qui l'opposait aux neuf plaignants, avait manqué aux exigences de dignité et de confraternité qui s'imposent au pharmacien en vertu des dispositions des articles R. 4235-3 et R. 4235-34 du code de la santé publique. En statuant ainsi, sur la base des faits qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, alors que la juridiction disciplinaire avait été régulièrement saisie par M. D... d'une plainte distincte fondée sur le comportement violent de M. C... à son égard au cours de cette réunion de conciliation, la chambre nationale de discipline, qui pouvait se fonder sur ces faits détachables de la procédure de conciliation ordinale sans méconnaître l'obligation de confidentialité qui s'attache à cette procédure, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En troisième lieu, il ressort des énonciations de la décision attaquée que pour juger que M. C... avait manqué à l'exigence de dignité de la profession et au devoir de confraternité entre pharmaciens en se rendant à deux reprises dans l'officine de Mme H... pour y tenir des propos constitutifs d'une tentative d'intimidation, la chambre nationale de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, qui pouvait légalement prendre en compte un enregistrement effectué par Mme H... à l'insu de M. C..., s'est fondée sur l'ensemble des éléments résultant de l'instruction, qui ont donné lieu à un débat contradictoire entre les parties, et notamment sur la circonstance que M. C... ne contestait pas les propos tenus envers sa consœur. En statuant ainsi, la chambre nationale de discipline, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros à verser à Mme G... et autres au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.

Article 2 : M. C... versera la somme de 3 000 euros à Mme G... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C..., à Mme F... G..., première défenseure dénommée par l'ensemble des requérants et au Conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat, M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Sara-Lou Gerber, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 5 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Sara-Lou Gerber

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471475
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2024, n° 471475
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sara-Lou Gerber
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP GURY & MAITRE ; SCP BOUCARD-MAMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471475.20240405
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award