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03/04/2024 | FRANCE | N°470440

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 03 avril 2024, 470440


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 13 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Nord de l'unité départementale d'Ille-et-Vilaine a autorisé l'association Ligue de Bretagne de Football à procéder à son licenciement pour faute. Par un jugement n° 1905107 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision.



Par un arrêt n° 22NT00541 du 15 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Nan

tes a rejeté l'appel formé par l'association Ligue de Bretagne de Football contre ce juge...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 13 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Nord de l'unité départementale d'Ille-et-Vilaine a autorisé l'association Ligue de Bretagne de Football à procéder à son licenciement pour faute. Par un jugement n° 1905107 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 22NT00541 du 15 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'association Ligue de Bretagne de Football contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 13 janvier, 7 avril et 3 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ligue de Bretagne de Football demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de l'association Ligue de Bretagne de Football et à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Ligue de Bretagne de Football, association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, a sollicité auprès de l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Nord de l'unité départementale d'Ille-et-Vilaine, le 19 juin 2019, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. A... B..., salarié protégé, employé depuis le 5 mai 2011 en qualité de cadre. Par une décision du 13 août 2019, l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement. Par un jugement du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a, sur demande de M. B..., annulé la décision de l'inspectrice du travail. Par un arrêt du 15 novembre 2022, contre lequel l'association Ligue de Bretagne de Football se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement.

2. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. D'autre part, en vertu de ces mêmes dispositions, il appartient à l'inspecteur du travail compétent de vérifier la qualité de l'auteur de la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé qui doit être l'employeur ou une personne ayant qualité pour agir en son nom et habilitée à mettre en œuvre la procédure de licenciement. Toutefois, lorsque la demande d'autorisation de licenciement a été présentée par une personne n'ayant pas qualité pour agir au nom de l'employeur, elle peut être régularisée au cours de son instruction par la production de tout acte ou document, régulièrement établi postérieurement à la saisine de l'inspecteur du travail et avant que celui-ci ne statue, donnant pouvoir au signataire de la demande d'autorisation pour mettre en œuvre la procédure en cause.

4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la demande adressée le 19 juin 2019 à l'inspection du travail pour solliciter l'autorisation de licencier M. B... a été signée, pour ordre du président, par le directeur général de l'association Ligue de Bretagne de Football, lequel ne tenait toutefois pas des statuts de cette association le pouvoir d'engager une procédure disciplinaire tendant au licenciement d'un salarié. Elle a également estimé, par une appréciation souveraine qui n'est pas davantage arguée de dénaturation, qu'aucun des documents versés à l'instruction par l'association Ligue de Bretagne de Football ne permettait de regarder son directeur général comme bénéficiant d'une délégation lui permettant d'engager la procédure de licenciement. En déduisant de ces constatations que l'inspectrice du travail ne pouvait autoriser le licenciement de M. B... sur la base d'une demande présentée par une personne dépourvue de qualité pour la saisir et alors que la demande d'autorisation de licenciement n'avait pas été régularisée avant que l'administration ne statue sur celle-ci, la cour, qui a implicitement mais nécessairement estimé que la décision du 22 août 2019 de licencier M. B..., signée par son président, n'avait pas eu pour effet de ratifier rétroactivement l'acte de saisine de l'inspection du travail, n'a ni insuffisamment motivé son arrêt, ni commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que l'association Ligue de Bretagne de Football n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Ligue de Bretagne de Football une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'association Ligue de Bretagne de Football est rejeté.

Article 2 : L'association Ligue de Bretagne de Football versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Ligue de Bretagne de Football et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 28 février 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, Mme Célia Verot, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 3 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Fradel

Le secrétaire :

Signé : M. Christophe Bouba


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470440
Date de la décision : 03/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03 TRAVAIL ET EMPLOI. - LICENCIEMENTS. - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. - MODALITÉS DE DÉLIVRANCE OU DE REFUS DE L'AUTORISATION. - VÉRIFICATION DE LA QUALITÉ DE L’AUTEUR DE LA DEMANDE [RJ1] – DEMANDE PRÉSENTÉE PAR UNE PERSONNE N’AYANT PAS QUALITÉ POUR AGIR AU NOM DE L’EMPLOYEUR – FACULTÉ DE LA RÉGULARISER AVANT QUE L’INSPECTEUR DU TRAVAIL NE STATUE – EXISTENCE.

66-07-01-03 Il appartient à l’inspecteur du travail compétent de vérifier la qualité de l’auteur de la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé qui doit être l’employeur ou une personne ayant qualité pour agir en son nom et habilitée à mettre en œuvre la procédure de licenciement. ...Toutefois, lorsque la demande d’autorisation de licenciement a été présentée par une personne n’ayant pas qualité pour agir au nom de l’employeur, elle peut être régularisée au cours de son instruction par la production de tout acte ou document, régulièrement établi postérieurement à la saisine de l’inspecteur du travail et avant que celui-ci ne statue, donnant pouvoir au signataire de la demande d’autorisation pour mettre en œuvre la procédure en cause.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 avr. 2024, n° 470440
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX ; SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470440.20240403
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