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02/04/2024 | FRANCE | N°466248

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 02 avril 2024, 466248


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 5 juillet 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié, ou, à défaut, au bénéfice de la protection subsidiaire.



Par une décision n° 21050279 du 14 juin 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire et un

mémoire complémentaire enregistrés les 25 juillet et 26 septembre 2022 au secrétariat du Contentieux du ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 5 juillet 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié, ou, à défaut, au bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 21050279 du 14 juin 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 25 juillet et 26 septembre 2022 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des refugies et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, a demandé l'asile en France, en se prévalant du risque de persécution qu'il affirmait encourir dans son pays d'origine du fait de sa participation à des activités de trafic illicite de minerais et d'appartenance à un parti d'opposition. Par une décision du 5 juillet 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de reconnaissance du statut de réfugié ainsi que d'octroi de la protection subsidiaire. Par une décision du 14 juin 2022, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande dirigée contre la décision de l'OFPRA. Par le présent pourvoi, M. B... demande l'annulation de cette décision de la Cour en tant seulement qu'elle refuse de lui reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire.

2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : / 1° La peine de mort ou une exécution ; / 2° La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; / 3° S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ". Aux termes de l'article L. 512-2 du même code : " La protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser : / 1° Qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité ; / 2° Qu'elle a commis un crime grave ; / 3° Qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ; / 4° Que son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; / 5° Qu'elle a commis, avant son entrée en France, un ou plusieurs crimes qui ne relèvent pas du champ d'application des 1°, 2°, 3° ou 4° et qui seraient passibles d'une peine de prison s'ils avaient été commis en France, et qu'elle n'a quitté son pays d'origine que dans le but d'échapper à des sanctions résultant de ces crimes. / Les 1° à 3° s'appliquent aux personnes qui sont les instigatrices, les auteurs ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à ces mêmes 1° à 3° ou qui y sont personnellement impliquées ".

3. Il résulte de ces dispositions du 5° de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la protection subsidiaire n'est pas accordée à l'étranger dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'avant son entrée en France, il a fui son pays d'origine dans le seul but d'échapper aux sanctions résultant de crimes qu'il y aurait commis et qui seraient passibles d'une peine de prison s'ils avaient été commis en France. Cette clause d'exclusion ne peut s'appliquer que si le ou les crimes commis n'entrent pas déjà dans l'une des catégories de crimes qui, par leur nature ou leur gravité, s'opposent en tout état de cause à l'octroi de la protection subsidiaire en vertu des 1° à 3° de cet article L. 512-2.

4. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que la Cour a d'abord admis que M. B... avait des raisons sérieuses de craindre qu'il courrait dans son pays un risque de subir l'une des atteintes graves mentionnées à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans pouvoir bénéficier de la protection effective des autorités congolaises. Elle a constaté que l'intéressé, recruté pour participer à un trafic international de minerais rares organisé par des militaires de son pays, était menacé d'être tué, sur ordre de l'un des organisateurs de ce trafic, s'il ne respectait pas l'injonction qui lui avait été faite de quitter le pays et de garder le silence sur les activités illicites des organisateurs du trafic, ce que l'intéressé a fait en se rendant au Mozambique. Pour lui refuser, ensuite, le bénéfice de la protection subsidiaire, la Cour s'est fondée sur le cas d'exclusion prévu au 5° de l'article L. 512-2 en retenant que M. B... avait fui son pays dans le seul but de se soustraire à la justice congolaise, avec laquelle il n'avait pas collaboré. En statuant ainsi, alors qu'elle avait précédemment retenu que l'intéressé avait fui pour échapper aux menaces des organisateurs du trafic de minerais, la Cour a fait une inexacte application des dispositions du 5° de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. L'OFPRA soutient, à titre subsidiaire, que dans l'hypothèse où un moyen du pourvoi serait jugé fondé, il y aurait lieu de substituer au motif erroné sur lequel se serait fondée la Cour pour confirmer le refus de la protection subsidiaire, celui tiré de ce que la demande d'asile du requérant pouvait également être rejetée sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En vertu de ces dispositions, l'OFPRA peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, lorsque le demandeur bénéficie dans un Etat tiers du statut de réfugié ou d'une protection équivalente à la condition, dans l'un et l'autre cas, que la protection soit effective et que le demandeur soit effectivement réadmissible dans cet Etat tiers. Toutefois, ce motif, dont l'examen implique l'appréciation de circonstances de fait, ne peut être substitué en cassation au motif retenu dans la décision attaquée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., qui ne soulève aucun moyen à l'encontre de la décision de la Cour en tant qu'elle confirme le rejet par l'OFPRA de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié, est seulement fondé à demander l'annulation de cette décision en tant qu'elle confirme le rejet de sa demande de protection subsidiaire.

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides une somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 14 juin 2022 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 5 juillet 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en ce qu'elle rejette sa demande d'octroi de la protection subsidiaire.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile dans la mesure de l'annulation prononcée.

Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera la somme de 3 000 euros à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 2 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Jean de L'Hermite

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 466248
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2024, n° 466248
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean de L'Hermite
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:466248.20240402
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