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29/03/2024 | FRANCE | N°474450

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 29 mars 2024, 474450


Vu la procédure suivante :



M. B... A..., professeur des universités, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté n° 2021-64 du 23 août 2021 par lequel la présidente de l'université Paris Cité l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée maximale d'un an. Par un jugement n° 2122975/5-2 du 21 avril 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 22PA02278 du 23 mai 2023, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 21

avril 2022 et transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de...

Vu la procédure suivante :

M. B... A..., professeur des universités, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté n° 2021-64 du 23 août 2021 par lequel la présidente de l'université Paris Cité l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée maximale d'un an. Par un jugement n° 2122975/5-2 du 21 avril 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22PA02278 du 23 mai 2023, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 21 avril 2022 et transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande de M. A....

Par cette requête et trois mémoires, enregistrés les 27 octobre et 26 novembre 2021 et les 15 février et 7 mars 2022 au greffe du tribunal administratif de Paris, ses mémoires enregistrés le 17 mai 2022 et les 22 février et 25 avril 2023 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, et par un nouveau mémoire, enregistré le 31 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2021-64 du 23 août 2021 de la présidente de l'université Paris Cité ;

3°) de mettre à la charge de l'université Paris Cité la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans privation de traitement ". La suspension d'un professeur des universités sur le fondement de ces dispositions revêt un caractère conservatoire et vise à préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. Par ailleurs, eu égard à la nature de l'acte de suspension prévu par les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant aux caractères grave et vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 23 août 2021, la présidente de l'université Paris Cité, agissant par délégation de la ministre chargée de l'enseignement supérieur, a suspendu, pour des faits commis au cours du premier semestre 2021 susceptibles d'être qualifiés de harcèlement, à titre conservatoire pour une durée maximale d'un an, sans privation de traitement, M. A..., professeur des universités affecté à cet établissement. Cet arrêté a été abrogé par un arrêté n° 2022-92 de la présidente de l'université Paris Cité, avec prise d'effet au 12 juillet 2022, eu égard à la sanction de blâme infligée à M. A... le 11 juillet 2022 par la formation de jugement de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Paris Dauphine compétente à l'égard des enseignants-chercheurs et des personnels enseignants. M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de suspension du 23 août 2021. Par un arrêt du 23 mai 2023, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif du 21 avril 2022 ayant rejeté la requête de M. A..., au motif que le litige relève en premier et dernier ressort de la compétence du Conseil d'Etat, et a transmis la requête de M. A... au Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Paris :

3. Compte tenu de l'annulation, par l'arrêt du 23 mai 2023 de la cour administrative d'appel de Paris, du jugement du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de ce jugement, maintenues devant le Conseil d'Etat, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 23 août 2021 de la présidente de l'université Paris Cité :

4. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, les décisions de suspension prononcées sur le fondement de l'article L. 951-4 du code de l'éducation, sont des mesures conservatoires, visant à préserver le bon fonctionnement du service public universitaire. L'arrêté attaqué, dont il n'est en tout état de cause pas allégué qu'il aurait revêtu le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée, n'est ainsi pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application du premier alinéa de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que la mesure qu'il attaque est insuffisamment motivée.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'une agente contractuelle, assistante de projets scientifiques, avait signalé à plusieurs reprises au cours du premier semestre 2021 sa souffrance au travail en raison de comportements imputés à M. A..., justifiant en particulier la saisine de la mission Egalités de l'université, l'intéressée ayant, à la suite de ces faits, été placée en congé de maladie. Par suite, et même si la matérialité de ces faits est contestée par M. A..., la présidente de l'université Paris Cité a pu, en l'état de ces éléments portés alors à sa connaissance, estimer que les faits imputés à M. A... revêtaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. M. A... n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'elle aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation en prenant la mesure attaquée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. La décision en litige ayant été prise au nom de l'Etat, l'université Paris Cité n'a pas la qualité de partie en défense dans la présente instance. Sa présence en qualité d'observateur ne lui confère pas davantage la qualité de partie, dès lors qu'elle n'aurait pas eu, à défaut d'être présente, qualité pour faire tierce-opposition de la présente décision. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université Paris Cité présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à l'université Paris Cité.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 474450
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mar. 2024, n° 474450
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474450.20240329
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