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29/03/2024 | FRANCE | N°474102

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 29 mars 2024, 474102


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai et 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 mars 2023 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendue du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertis

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2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des méde...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai et 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 mars 2023 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendue du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme B... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique : " I. Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. / Le conseil est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours. / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. / (....) IV. - Les experts procèdent ensemble, sauf impossibilité manifeste, à l'expertise. Le rapport d'expertise est déposé au plus tard dans le délai de six semaines à compter de la saisine du conseil.(...). / VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre ".

2. Il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, le conseil départemental du Doubs de l'ordre des médecins, par une décision du 2 juin 2022, a saisi le conseil régional de Bourgogne-France-Comté de l'ordre des médecins d'une demande tendant à la suspension de Mme B..., médecin spécialiste, qualifiée en psychiatrie, en raison d'une suspicion d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession. Par une décision du 9 mars 2023, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, à laquelle le conseil régional, qui n'avait pas statué dans le délai de deux mois, avait transmis le dossier, a suspendu Mme B... du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et a subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise. Mme B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article R. 4124-3-3 du code de la santé publique que sont applicables devant le Conseil national les dispositions de l'article R. 4124-3-1 du même code aux termes desquelles " (...) Le praticien intéressé, le conseil départemental et, le cas échéant, le conseil national sont convoqués par lettre recommandée avec demande d'avis de réception huit jours au moins avant la séance du conseil régional ou interrégional. Ils sont informés des dates auxquelles ils peuvent consulter le dossier au siège du conseil régional ou interrégional. Le rapport des experts leur est communiqué / La convocation indique que le praticien peut se faire assister ou représenter par toute personne de son choix, le conseil départemental ou le conseil national par un de leurs membres ou par un avocat ". La seule circonstance que le courrier de convocation à la séance de la formation restreinte adressé au domicile de la requérante soit revenu avec la mention " n'habite pas à l'adresse indiquée " du fait d'un changement de domicile dont elle n'avait pas informé la formation restreinte qui a, au surplus, sollicité en vain l'un de ses avocats pour obtenir sa nouvelle adresse, n'est pas de nature à affecter la régularité de la procédure en cause au regard des exigences posées par l'article R. 4124-3-1 du code de la santé publique. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que tant les modalités de consultation du dossier comportant notamment le rapport d'expertise mentionné au point 1 que la convocation à la séance de la formation restreinte, comportant les mentions prévues par l'article R. 4124-3-1, ont été transmises aux avocats successivement désignés par Mme B... qui avait fait savoir qu'elle souhaitait être jointe et représentée par ses seuls avocats durant toute la procédure de suspension. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, notamment en raison de la méconnaissance de son caractère contradictoire de la procédure doit être écarté.

4. En second lieu, si lorsqu'elle examine, sur le fondement des dispositions citées au point 1, la capacité d'un praticien à exercer ses fonctions, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins prend une décision administrative qui doit être motivée en fait et en droit, elle peut expressément s'approprier certains constats de l'expertise conduite en application des dispositions citées au point 1.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que si la décision attaquée cite des extraits du rapport d'expertise et notamment sa conclusion qui souligne que Mme B... présente des symptômes de psychose affective grave, caractérisant un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession de médecin, la formation restreinte, en estimant que la requérante présentait, ainsi qu'il résultait des constatations des experts et des autres pièces du dossier, un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession et justifiant que son droit d'exercer cette profession soit suspendu pendant six mois, n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence et n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 février 2024 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Thalia Breton, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 29 mars 2024.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 474102
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mar. 2024, n° 474102
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Thalia Breton
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474102.20240329
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