La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°456187

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 28 mars 2024, 456187


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 31 août 2021 et 2 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des activités de dépollution demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-838 du 29 juin 2021 relatif à la priorité d'accès aux installations de stockage de déchets non dangereux pour les déchets et résidus de tri issus d'installations de valorisation de déchets performantes et l'arrêté du 29 juin 2

021, pris pour l'application de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement relatif aux c...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 31 août 2021 et 2 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des activités de dépollution demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-838 du 29 juin 2021 relatif à la priorité d'accès aux installations de stockage de déchets non dangereux pour les déchets et résidus de tri issus d'installations de valorisation de déchets performantes et l'arrêté du 29 juin 2021, pris pour l'application de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement relatif aux critères de performances d'une opération de tri des déchets non dangereux non inertes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ;

- la décision du 26 novembre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération nationale des activités de dépollution ;

- la décision n° 2021-968 QPC du 11 février 2022 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération nationale des activités de dépollution ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération nationale des activités de dépollution demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 29 juin 2021 relatif à la priorité d'accès aux installations de stockage de déchets non dangereux pour les déchets et résidus d'installations de valorisation de déchets performants et de l'arrêté du 29 juin 2021, pris pour l'application de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement relatif aux critères de performances d'une opération de tri des déchets non dangereux non inertes.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Si la fédération requérante soutient que le décret du 29 juin 2021 est illégal en ce qu'il diffère du projet qui avait été soumis à l'Autorité de la concurrence, l'obligation de consultation de cette Autorité prévue par l'article L. 462-2 du code de commerce pour tout projet de texte réglementaire " instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / (...) 3° d'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente " n'implique pas que le texte finalement adopté ne puisse pas différer de celui qui avait été soumis à cette Autorité dès lors que les modifications ainsi apportées ne posent pas de questions nouvelles. Il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées au décret par rapport au projet de texte soumis à l'Autorité de la concurrence portent sur des adaptations qui ne soulèvent aucune question nouvelle. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'adoption du décret doit par suite être écarté.

Sur la légalité interne du décret et de l'arrêté attaqués :

3. En premier lieu, dès lors que le décret du 29 juin 2021 se borne à mettre en œuvre les règles de tarification résultant de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, la requérante ne saurait utilement se prévaloir, au soutien de ses conclusions dirigées contre ce décret, de la circonstance, à la supposer établie, que le mécanisme de fixation du prix qu'il institue serait susceptible de conduire à un prix s'éloignant de la réalité des coûts.

4. En deuxième lieu, la fédération requérante n'apporte pas d'élément de nature à faire regarder le dispositif de contrôle de la performance mis en place par le décret et l'arrêté du 29 juin 2021 comme méconnaissant l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme.

5. En troisième lieu, l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, créé par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, prévoyait notamment que " Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux non inertes est tenu d'y réceptionner les déchets produits par les activités mentionnées aux a, b et c du 2° du II de l'article L. 541-1 ainsi que les résidus de tri qui en sont issus, lorsqu'elles traitent des déchets issus d'une collecte séparée et satisfont à des critères de performance définis par arrêté du ministre chargé des installations classées (...) " et fixait les modalités de cette obligation. Par sa décision n° 2021-968 QPC du 11 février 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution au motif qu'elles portent une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues et a précisé aux paragraphes 16 et 17 les effets de cette déclaration d'inconstitutionnalité. Le paragraphe 16 prévoit que ces dispositions législatives sont abrogées à compter de la publication de la décision, soit le 12 février 2022, tandis que le paragraphe 17 prévoit que " La déclaration d'inconstitutionnalité ne peut pas être invoquée lorsque le producteur ou le détenteur de déchets a régulièrement informé, avant cette même date, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ".

6. Il en résulte que le décret du 29 juin 2021 et l'arrêté du 29 juin 2021, qui ont pour seul objet de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement déclarées contraires à la Constitution, se trouvent privés de base légale. Toutefois, il résulte du paragraphe 17 de la décision du Conseil constitutionnel qu'il convient de préserver les effets que ces actes ont produits à l'égard des producteurs ou détenteurs de déchets qui ont régulièrement informé, avant le 12 février 2022, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions législatives abrogées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le décret du 29 juin 2021 et l'arrêté du 29 juin 2021 attaqués doivent être annulés, sauf en ce qu'ils s'appliquent aux producteurs ou détenteurs de déchets ayant régulièrement informé, avant le 12 février 2022, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la Fédération nationale des activités de dépollution, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le décret du 29 juin 2021 et l'arrêté du 29 juin 2021 sont annulés sauf en ce qu'ils s'appliquent aux producteurs ou détenteurs de déchets ayant régulièrement informé, avant le 12 février 2022, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement.

Article 2 : L'Etat versera à la Fédération nationale des activités de dépollution une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des activités de dépollution, au Premier ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat ; Mme Pauline Hot, maîtresse des requêtes et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 456187
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-10-09 PROCÉDURE. - DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL AYANT EN PARTIE MAINTENU LES EFFETS DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES DONT IL A PRONONCÉ L’ABROGATION – CONSÉQUENCES – ANNULATION DES TEXTES RÉGLEMENTAIRES D’APPLICATION PRIVÉS DE BASE LÉGALE PAR CETTE ABROGATION [RJ1], SAUF DANS LA MESURE OÙ LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A MAINTENU LES EFFETS DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES.

54-10-09 Décision du Conseil constitutionnel n° 2021-968 QPC du 11 février 2022 déclarant contraires à la Constitution les dispositions de l’article L. 541-30-2 du code de l’environnement, créé par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, au motif qu’elles portent une atteinte disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. Décision du Conseil constitutionnel précisant les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité, son paragraphe 16 prévoyant que les dispositions législatives en cause sont abrogées à compter de la date de publication de la décision, et son paragraphe 17 décidant que la déclaration d’inconstitutionnalité ne peut pas être invoquée dans certains cas....Le décret n° 2021-835 du 29 juin 2021 et l’arrêté du 29 juin 2021 pris pour l'application de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement relatif aux critères de performances d'une opération de tri des déchets non dangereux non inertes, qui ont pour seul objet de mettre en œuvre l’article L. 541-30-2 du code de l’environnement déclarées contraires à la Constitution, se trouvent privés de base légale. ...Toutefois, il résulte du paragraphe 17 de la décision du Conseil constitutionnel qu’il convient de préserver les effets que ces actes ont produit à l’égard des producteurs ou détenteurs de déchets qui ont régulièrement informé, avant la date de publication de sa décision, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions législatives abrogées. ...Annulation du décret du 29 juin 2021 et de l’arrêté du 29 juin 2021, sauf en ce qu’ils s’appliquent aux producteurs ou détenteurs de déchets ayant régulièrement informé, avant la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, l’exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application de l’article L. 541-30-2 du code de l’environnement.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2024, n° 456187
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:456187.20240328
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award