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27/03/2024 | FRANCE | N°440362

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 27 mars 2024, 440362


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis depuis 1996, du fait d'agissements fautifs des services du rectorat ayant conduit à la dégradation de son état de santé jusqu'à son admission à la retraite, en 2009 pour invalidité imputable au service. Par un jugement n° 1100927 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros.



Par un arrêt n° 17PA20299 du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appe...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis depuis 1996, du fait d'agissements fautifs des services du rectorat ayant conduit à la dégradation de son état de santé jusqu'à son admission à la retraite, en 2009 pour invalidité imputable au service. Par un jugement n° 1100927 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros.

Par un arrêt n° 17PA20299 du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a, réformant ce jugement, limité la condamnation de l'Etat à la somme de 50 000 euros et rejeté l'appel incident de M. B....

Par un pourvoi, enregistré le 30 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado -

Gilbert, avocat de M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 février 2024, présentée par M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., conseiller principal d'éducation, a été affecté dans l'académie de la Réunion à compter de 1995, après sa titularisation, et a exercé ses fonctions au collège Edmond Albius du Port puis dans des établissements scolaires de Trois-Bassins et de Saint-André. Ayant été placé d'office en congé de maladie le 11 mai 1998, il a fait l'objet d'une sanction de déplacement d'office par deux arrêtés du recteur de cette académie des 1er et 10 décembre 1998, qui, à la demande de l'intéressé, ont été annulés pour insuffisance de motivation, respectivement par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 avril 2004 et par un jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion du 5 mars 2000, devenus définitifs. A la suite de l'annulation de ces arrêtés, le recteur de l'académie de La Réunion a, par arrêté du 18 juin 2004, réintégré rétroactivement M. B... dans son ancien poste à compter du 1er décembre 1998 jusqu'au 22 août 2001, date du placement de l'intéressé en congé de longue durée. Par arrêté du 8 juin 2004, M. B... a été rattaché administrativement au même établissement en vue d'effectuer des remplacements dans la zone Saint-Denis-Saint-Paul. Par un jugement du 27 décembre 2007, devenu définitif, le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a annulé l'arrêté du 18 juin 2004 en tant qu'il n'avait pas procédé à la reconstitution de carrière de M. B... et par un jugement du 28 octobre 2010, le même tribunal a ordonné à l'administration de prononcer la promotion de M. B.... D'autres demandes dont M. B... avait saisi le même tribunal administratif, notamment en matière de nouvelle bonification indiciaire ou d'avantage spécifique d'ancienneté ont, en revanche, été ultérieurement rejetées.

2. Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été placé en congé de longue maladie à compter du 22 août 2001 puis en congé de longue durée à compter de l'année suivante. Le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion ayant, sur la demande de M. B..., annulé, par un jugement du 22 février 2007, la décision de l'administration refusant l'imputabilité de sa pathologie au service, le recteur de l'académie de La Réunion a retenu, par un arrêté du 15 juin 2007, que sa maladie était imputable au service, conduisant à ce que M. B... soit placé en congé de longue durée à mi-traitement à compter du 22 août 2006. L'arrêté du 11 juin 2009 admettant M. B... à la retraite pour invalidité ne mentionnant pas l'imputabilité au service de sa maladie, un nouveau titre de pension, comportant cette mention, a, après l'introduction d'un nouveau recours contentieux par M. B..., été délivré, le 14 septembre 2009, permettant à M. B..., âgé de 48 ans et invalide à plus de 80%, de bénéficier de la rente viagère lui étant dûe.

3. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que par un jugement du 21 février 2013, le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a annulé la décision du recteur du 19 septembre 2006 refusant de faire droit à la demande de protection fonctionnelle que lui avait adressée M. B..., dans le cadre de sa plainte avec constitution de partie civile déposée le 25 novembre 2004 des chefs de harcèlement moral. A cet égard, le tribunal correctionnel de Saint-Denis de La Réunion, par un jugement du 18 mars 2014, puis la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, par un arrêt du 18 juin 2015 ont prononcé la relaxe du prévenu, en l'espèce un ancien recteur de l'académie de La Réunion, et ont débouté M. B... de ses demandes indemnitaires. Par une demande préalable en date du 1er juin 2011, M. B... a demandé, en vain, au recteur de l'académie de La Réunion que l'Etat lui verse une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis depuis 1996, du fait d'agissements fautifs des services du rectorat ayant conduit à la dégradation de son état de santé jusqu'à son admission à la retraite, en 2009, pour invalidité imputable au service. Par un jugement du 17 novembre 2016, le tribunal administratif, saisi aux mêmes fins par M. B..., a condamné l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros. Par un arrêt du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a réformé ce jugement, ramené l'indemnité due par l'Etat à la somme de 50 000 euros et rejeté l'appel incident de M. B.... M. B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

4. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière.

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour apprécier si la sanction disciplinaire du déplacement d'office infligée à M. B... par deux arrêtés successifs des 1er et 10 décembre 1998 annulés pour insuffisance de motivation respectivement par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 avril 2004 et par un jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion du 15 mars 2000 devenus définitifs aurait pu, mieux motivée, être légalement prise, la cour administrative d'appel de Paris s'est bornée à relever que M. B... avait commis une faute de nature à justifier l'infliction d'une sanction disciplinaire, sans rechercher si une telle faute était de nature à justifier, parmi les sanctions susceptibles d'être prononcées, celle du déplacement d'office. En statuant ainsi, elle a, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, commis une erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 janvier 2020 qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer sur l'appel du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse formé contre le jugement du 17 novembre 2016 du tribunal administratif de La Réunion et sur l'appel incident de M. B....

Sur les faits allégués de harcèlement moral :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

9. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

10. Si la plupart des éléments invoqués par M. B..., en particulier la succession des faits et décisions de justice annulant des décisions de l'administration prises à son égard mentionnés aux points 1 à 3, sont susceptibles de faire présumer qu'il a été victime d'un harcèlement moral, il résulte de l'instruction que soit, telles les affectations successives qui ont été les siennes, ils ne peuvent être regardés comme ayant excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique afin de gérer le déroulement de la carrière de M. B..., dans un contexte de difficultés relationnelles et de problèmes de santé rencontrés par M. B..., soit, tels les retards mis à régulariser sa situation administrative ou les erreurs ayant émaillé cette régularisation, ils procèdent de dysfonctionnements administratifs étrangers à tout harcèlement moral. Enfin, si, d'une part, les certificats et autres éléments médicaux produits par M. B... attestent de sa souffrance au travail, et d'autre part, sa pathologie a été regardée comme imputable au service et l'invalidité consécutive a conduit à ce qu'il soit mis à la retraite précocement à quarante-huit ans, ces éléments ne suffisent pas, par eux-mêmes, à établir que son état de santé découlerait d'un harcèlement moral à son encontre, pas davantage que le rapport de synthèse d'enquête de la gendarmerie fait à partir des investigations et auditions effectuées en exécution de la commission rogatoire donnée par le juge d'instruction saisi de la plainte avec constitution de partie civile de M. B... des chefs de harcèlement moral, un rapport de synthèse ne constituant pas une constatation de faits. Dans ces conditions, le ministre chargé de l'éducation nationale doit être regardé comme établissant, en tout état de cause, que les agissements dénoncés par M. B... étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, alors, au surplus, qu'une partie des faits dénoncés par M. B... sont antérieurs à l'entrée en vigueur des dispositions citées au point 8. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour retenir que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'égard de M. B....

11. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner si les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif sont fondés.

12. A cet égard, M. B... soutient que l'Etat, en prenant les décisions mentionnées aux points 1 à 3, a commis des fautes à l'origine de préjudices dont il a été victime. A ce titre, si la sanction de déplacement d'office dont il a fait l'objet en 1998 était illégale, faute d'être suffisamment motivée, ainsi qu'il a été jugé par des décisions juridictionnelles définitives, il résulte de l'instruction qu'une même sanction aurait pu légalement être prise à son encontre compte tenu des difficultés relationnelles, constitutives d'une faute professionnelle, dont il avait fait montre dans son activité professionnelle au cours des années scolaires 1996-1997 et 1997-1998. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les différentes affectations provisoires de M. B..., qui étaient en lien, soit avec l'exécution de décisions de justice, soit avec son état de santé, constituent en l'espèce des agissements fautifs de l'administration. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat ait procédé avec un retard fautif à la réintégration de M. B... conformément à l'injonction assortissant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 avril 2004. En revanche, les décisions de refus illégales de procéder à la reconstitution complète de la carrière de M. B..., de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle et de l'admettre à la retraite pour invalidité imputable au service, ainsi que l'ont jugé les décisions de justice mentionnées aux points 2 et 3, constituent des fautes de l'Etat de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. B..., ainsi que l'a jugé le tribunal administratif.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne l'appel incident :

13. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Le juge d'appel ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

14. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les conclusions de l'appel incident formé par M. B... tendant à ce que l'indemnité demandée en première instance, d'un montant de 200 000 euros, soit portée à la somme de 350 000 euros, sans qu'une telle augmentation résulte d'un dommage qui se serait aggravé ou révélé dans toute son ampleur entre les deux instances, sont irrecevables.

En ce qui concerne l'appel du ministre :

15. Si M. B... soutient qu'il a subi un préjudice tenant au caractère incomplet de la reconstitution de sa carrière et un préjudice financier résultant de pertes de revenus dès lors que son placement en congés de maladie puis en retraite pour invalidité l'ont empêché d'exercer ses fonctions de manière effective et l'ont contraint à mettre un terme prématurément à sa carrière de conseiller principal d'éducation, il résulte toutefois de l'instruction que, d'une part, la carrière de M. B... a été rétroactivement reconstituée pour la période pendant laquelle il a été réintégré sur son poste à la suite des décisions de la juridiction administrative et que, d'autre part, le tribunal administratif de La Réunion a, par un jugement du 30 décembre 2011 devenu définitif, rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation des décisions lui refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie à plein traitement à compter du 22 août 2006, le bénéfice d'une nouvelle bonification indiciaire et de l'avantage spécifique d'ancienneté pour ses services accomplis postérieurement au 22 août 2001, ainsi que ses autres demandes en matière de promotion. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... justifie d'un préjudice matériel s'agissant de la reconstitution de sa carrière et il ne peut utilement se prévaloir de la perte de primes ou de son logement de fonction dès lors que ces avantages sont la contrepartie de sujétions attachées à l'exercice effectif de fonctions qui n'ont pas été exercées par l'intéressé. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... justifie d'un préjudice matériel au titre de l'illégalité de la décision refusant l'imputabilité au service de la pathologie l'affectant, l'administration ayant reconnu cette imputabilité au service de façon rétroactive et en ayant tiré toutes les conséquences. Par ailleurs, M. B... ne peut utilement demander à être indemnisé de ce que sa pension aurait été calculée sans prendre en compte les années qu'il a accomplies en qualité de surveillant d'externat, dès lors qu'un tel préjudice, à le supposer établi, est sans lien avec les fautes retenues dans le présent litige. Enfin, si M. B... fait valoir un préjudice financier résultant de l'ensemble des honoraires d'avocat qu'il a exposés devant la juridiction administrative, il résulte de l'instruction qu'il a bénéficié de sommes d'argent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative lorsque les décisions juridictionnelles ont fait droit à ses conclusions.

16. En revanche, M. B... est fondé à demander l'indemnisation des troubles majeurs dans ses conditions d'existence et du préjudice moral, étayés de manière précise et circonstanciée par les éléments du dossier, qu'il a subis pendant près de dix ans, jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité, du fait des décisions illégales prises par l'administration telles que mentionnées à la fin du point 12, annulées à la suite de plusieurs procédures juridictionnelles engagées à son initiative. Il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en lui allouant une somme de 20 000 euros.

17. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à 20 000 euros le montant de l'indemnité due par l'Etat à M. B... et de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 novembre 2016, qui, par ailleurs, est suffisamment motivé.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : La somme de 200 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. B... par le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 novembre 2016 est ramenée à la somme de 20 000 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par le ministre de l'éducation nationale devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. B... devant la cour administrative d'appel de Paris et les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cassation sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 février 2024 où siégeaient : M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 27 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Alban de Nervaux

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 440362
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2024, n° 440362
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:440362.20240327
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