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22/03/2024 | FRANCE | N°470832

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 22 mars 2024, 470832


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le numéro 470832, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier et 13 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association nationale pour le don du corps et M. A... B... demandent au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 novembre 2022 fixant la forme et le contenu du dossier de demande d'autorisation destiné aux établissements mentionnés à l'article R. 1261-25 du code de la santé publique souhaitant assurer

l'accueil de corps à des fins d'enseignement médical et de recherche ;



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Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 470832, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier et 13 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association nationale pour le don du corps et M. A... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 novembre 2022 fixant la forme et le contenu du dossier de demande d'autorisation destiné aux établissements mentionnés à l'article R. 1261-25 du code de la santé publique souhaitant assurer l'accueil de corps à des fins d'enseignement médical et de recherche ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

2° Sous le numéro 473668, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 avril et 13 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association nationale pour le don du corps et M. A... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus opposé par la Première ministre à leur demande d'abrogation du décret n° 2022-719 du 27 avril 2022 relatif au don de corps à des fins d'enseignement médical et de recherche ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ce décret dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles ;

- la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 16-1-1 du code civil : " Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. / Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence " et aux termes de l'article 16-3 de ce code : " Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. / Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement (...) ". L'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles dispose que : " Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture. / Il peut charger une ou plusieurs personnes de veiller à l'exécution de ses dispositions. / Sa volonté, exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu'une disposition testamentaire relative aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation. "

2. Aux termes de l'article L. 1261-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'article 13 de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique : " Une personne majeure peut consentir à donner son corps après son décès à des fins d'enseignement médical et de recherche. Le consentement du donneur est exprimé par écrit. Le présent alinéa ne s'applique pas aux personnes majeures faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. / Ce don ne peut être effectué qu'au bénéfice d'un établissement de santé, de formation ou de recherche titulaire d'une autorisation délivrée par les ministres de tutelle de cet établissement. / Les conditions d'ouverture, d'organisation et de fonctionnement de ces structures sont définies par décret en Conseil d'Etat. Ce décret précise (...) notamment (...) les conditions de restitution des corps ayant fait l'objet d'un tel don en prenant en compte la volonté du donneur ainsi qu'en informant et en associant sa famille aux décisions. / Les établissements de santé, de formation ou de recherche s'engagent à apporter respect et dignité aux corps qui leur sont confiés ".

3. L'Association nationale pour le don du corps et M. B... demandent au Conseil d'Etat, sous le n° 473668, d'annuler pour excès de pouvoir le refus opposé par la Première ministre à leur demande d'abrogation du décret du 27 avril 2022 relatif au don de corps à des fins d'enseignement médical et de recherche, dont notamment l'article 1er remplace par de nouvelles dispositions le titre VI du livre II de la première partie du code de la santé publique, comprenant les articles R. 1261-1 à R. 1261-33, pris pour l'application des dispositions de l'article L. 1261-1 du même code citées au point 2. Ils demandent également, sous le n° 470832, l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 24 novembre 2022 fixant la forme et le contenu du dossier de demande d'autorisation destiné aux établissements mentionnés à l'article R. 1261-25 du code de la santé publique souhaitant assurer l'accueil de corps à des fins d'enseignement médical et de recherche, pris sur le fondement de ce décret. Ces deux requêtes présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la légalité des dispositions du décret du 27 avril 2022 :

4. En premier lieu, si l'article L. 1261-1 du code de la santé publique impose le recueil d'un consentement écrit à donner son corps après son décès à des fins d'enseignement et de recherche et s'il dispose que le don ne peut être effectué qu'au bénéfice d'un établissement de santé, de formation ou de recherche titulaire d'une autorisation délivrée par les ministres de tutelle de cet établissement, ni ces dispositions, ni aucune autre ou aucun principe n'imposent que ce consentement soit donné au bénéfice d'un établissement en particulier. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le III de l'article R. 1261-1 du code de la santé publique, issu du décret contesté, y contreviendrait en permettant l'accueil du corps dans un autre établissement que celui, dont le I de cet article prévoit qu'il s'agit du plus proche de son domicile, auprès duquel le donneur a déclaré son don si cet établissement n'est pas en mesure, malgré l'acceptation du don qu'il a exprimée, d'accueillir, pour quelque raison que ce soit, le corps après le décès du donneur.

5. En deuxième lieu, aux termes du IV de ce même article R. 1261-1 : " Le donneur est encouragé à informer sa famille ou ses proches de sa démarche de don. / Le donneur peut désigner une personne référente, parmi sa famille ou ses proches, qui sera l'interlocuteur de l'établissement. / Lorsqu'une personne référente a été désignée par le donneur, celle-ci est destinataire, au plus tard immédiatement après le décès, du document d'information mentionné au II et, si le donneur ne s'y est pas opposé, d'une information relative aux conditions de restitution du corps ou des cendres ". D'une part, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cet article méconnaîtrait l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887, cité au point 1, ou serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ne ménageant pas la possibilité que la personne référente, librement désignée par le donneur, puisse ne pas être un membre de la famille ou un de ses proches et en n'organisant pas la centralisation et l'actualisation des coordonnées des personnes référentes. Ils ne sont pas non plus fondés à soutenir que cet article serait illégal faute de comporter des dispositions relatives à la résolution des conflits portant sur les conditions de restitution du corps ou des cendres à l'issue des activités d'enseignement médical ou de recherche, les modalités de résolution des litiges pouvant survenir figurant au demeurant à l'article 4 de la loi du 15 novembre 1887.

6. En troisième lieu, le troisième alinéa de l'article L. 1261-1 du code de la santé publique, cité au point 2, renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de restitution des corps ayant fait l'objet d'un don à des fins d'enseignement médical et de recherche en prenant en compte la volonté du donneur, dont il résulte du premier alinéa de cet article que le consentement est exprimé par écrit, ainsi qu'en informant et en associant sa famille aux décisions. L'article R. 1261-7 du même code, issu du décret contesté, prévoit à ce titre qu'au terme des activités d'enseignement médical et de recherche, l'établissement à qui le corps a été confié " détermine le type d'opération funéraire le plus adapté en fonction de la nature de l'activité pratiquée sur le corps. Il tient compte de la préférence exprimée par le donneur lors de son consentement au don et, le cas échéant, de la demande exprimée par la personne référente qu'il a désignée, par sa famille ou ses proches (...) " et le premier alinéa du I de l'article R. 1261-8 du même code, également issu du décret contesté, qu'en l'absence d'opposition expresse du donneur à la restitution de son corps ou de ses cendres, il revient à l'établissement ayant accueilli le corps de déterminer, selon la nature de l'activité pratiquée sur le corps, s'il est possible ou non de procéder à la restitution du corps ou de ses cendres. Il résulte en outre des dispositions de l'article R. 1261-1 de ce code, issu du décret contesté, que la déclaration de don écrite en entier, datée et signée de la main du donneur, après remise d'un document d'information portant notamment sur les conditions de restitution éventuelle du corps ou des cendres à la famille ou aux proches, qui, en application du deuxième alinéa du III de cet article, " est co-signée par le responsable de la structure d'accueil des corps (...) qui, d'une part accepte le don et, d'autre part, s'engage à respecter la volonté du donneur, s'agissant de la restitution de son corps ou de ses cendres ", est souscrite en connaissant les limites et conditions, que l'établissement détermine, à la restitution du corps, en fonction des activités pratiquées sur celui-ci. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les conditions de restitution du corps ou des cendres du donneur après la fin des activités d'enseignement ou de recherche ainsi prévues par le décret contesté méconnaîtraient la loi ou contreviendraient au respect de la volonté du donneur.

7. En quatrième lieu, le I de l'article R. 1261-10 du code de la santé publique, issu du décret en litige, prévoit qu'en cas de restitution du corps à la personne référente, à un membre de la famille ou à un proche, laquelle est assurée par l'opérateur des pompes funèbres désigné aux frais de cette personne, le corps est préalablement placé dans un cercueil fermé aux frais et sous la responsabilité de l'établissement qui a accueilli le corps. Il prévoit également, à la deuxième phrase de son deuxième alinéa, que la procédure de contrôle de l'identité du défunt par un fonctionnaire de police, un garde champêtre ou un agent de police municipal lors de la fermeture du cercueil, figurant à l'article R. 2213-45 du code général des collectivités territoriales, ne s'applique pas.

8. La situation des corps ayant été utilisés à des fins d'enseignement médical et de recherche, qui peuvent avoir été conservés dans ce cadre jusqu'à deux ans, diffère de celle des corps des autres défunts au regard de la nécessité de s'assurer de l'identité du défunt avant la fermeture du cercueil. Le décret en litige, qui précise les conditions de restitution du corps à la famille en application de l'article L. 1261-1 du code de la santé publique, prévoit, afin de s'assurer de l'identité des corps, une procédure d'anonymisation à l'entrée dans l'établissement et de réidentification à l'issue des travaux d'enseignement médical et de recherche à l'article R. 1261-10 du même code, la structure d'accueil des corps devant faire l'objet d'une autorisation et étant soumise à des obligations de contrôle interne en application de l'article R. 1261-29 du même code. Si le I de l'article R. 1261-10, pour cette situation, édicte des dispositions particulières, différant des dispositions généralement applicables, cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Par suite, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que les dispositions litigieuses méconnaîtraient le principe d'égalité en prévoyant des règles différentes en matière de vérification de l'identité du corps du défunt selon que le corps a fait ou non l'objet d'un don à des fins d'enseignement médical et de recherche.

9. En cinquième lieu, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les dispositions de l'article R. 1261-12 du code de la santé publique, issues du décret en litige, méconnaîtraient le principe d'égalité en réservant les formations faisant appel à l'utilisation de corps de personnes décédées aux professions médicales, aux personnels qui interviennent dans les blocs opératoires et aux personnes qui se destinent à l'exercice de ces professions, sans permettre également leur utilisation pour la formation d'autres professionnels de santé tels que les masseurs-kinésithérapeutes ou pour celle des thanatopracteurs et personnels de chambres funéraires, dès lors que le législateur n'a permis, à l'article L. 1261-1 du code de la santé publique, l'utilisation de corps de personnes décédées qu'à des fins d'enseignement médical et de recherche.

10. En sixième lieu, aucune disposition ni aucun principe n'imposait au pouvoir réglementaire de prévoir dans le décret attaqué les modalités de financement des structures d'accueil des corps, ni que celles de ces structures dépendant d'une université soient placées sous la responsabilité d'un médecin spécialiste d'anatomie ou de médecine légale ou que les activités d'enseignement médical ou de recherche se déroulent en dehors de ces structures.

11. En septième lieu, aux termes de l'article L. 221-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur (...) ". En application du troisième alinéa de l'article L. 1261-1 du code de la santé publique, qui instaure la possibilité d'une restitution des corps ayant fait l'objet d'un don à des fins d'enseignement médical et de recherche à l'issue de ces activités, les articles R. 1261-7 à R. 1261-10 du même code prévoient les conditions de cette restitution, en l'absence d'opposition expresse du donneur. Une telle restitution n'étant pas prévue par la réglementation antérieure au décret en litige, l'article R. 2213-13 du code général des collectivités territoriales disposant alors que " l'établissement assure à ses frais l'inhumation et la crémation du corps ", les personnes ayant consenti à faire don de leur corps à des fins d'enseignement médical et de recherche antérieurement à la loi du 2 août 2021 sur la bioéthique n'ont pas pu faire état de leur volonté quant à l'éventuelle restitution de leur corps ou de leurs cendres au terme des activités d'enseignement médical et de recherche. En conséquence, les articles R. 1261-7 à R. 1261-10 du code de la santé publique issus du décret en litige ne sauraient, sans méconnaître le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, s'appliquer, en tant qu'ils régissent les conditions de la restitution désormais prévue par la loi, aux corps pour lesquels le consentement des donneurs a été recueilli avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il méconnaîtrait le principe de non rétroactivité des actes administratifs ou le principe de sécurité juridique, faute d'avoir prévu des règles d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions s'agissant de la restitution des corps pour le don desquels le consentement avait été antérieurement recueilli.

12. En dernier lieu, à l'appui d'une requête formée à l'encontre d'une décision rejetant une demande d'abrogation ou de réformation d'un acte réglementaire ou d'une exception d'illégalité d'un tel acte, un requérant ne peut utilement se prévaloir d'une illégalité affectant les conditions de son entrée en vigueur, qu'elle résulte de la méconnaissance du principe selon lequel un tel acte ne dispose que pour l'avenir ou de l'obligation d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique la réglementation nouvelle, que pour autant qu'à la date à laquelle le juge statue, le pouvoir réglementaire soit encore en mesure de prendre utilement des mesures propres à modifier les conditions de cette entrée en vigueur ou, dans le cas d'une exception d'illégalité, qu'elle conserve une portée sur la légalité des dispositions de l'acte en litige.

13. En l'espèce, l'article 2 du décret du 27 avril 2022 prévoit que les établissements qui assurent l'accueil de corps à des fins d'enseignement médical et de recherche ayant délivré des cartes de donneurs doivent déposer une demande d'autorisation dans un délai de six mois à compter de la date de publication de ce décret. Cette demande est accompagnée d'un dossier justificatif qui doit être présenté dans les conditions fixées par l'article R. 1261-25 du code de la santé publique, lequel renvoie la détermination de sa forme et de son contenu à un arrêté. Cet arrêté, également attaqué par les requérants, a été publié le 24 novembre 2022. Ce délai, par ailleurs sans incidence sur la légalité de l'arrêté lui-même, est expiré à la date de la présente décision. En outre, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche fait valoir que, les dispositions de cet arrêté étant nécessaires à l'application de l'article 2 du décret du 27 avril 2022, le délai de six mois qu'il prévoit n'a été regardé comme ayant commencé à courir qu'à compter de la date de publication de l'arrêté et il est désormais expiré. Dans ces conditions, et alors que les requérants ne soutiennent pas que le délai de six mois aurait lui-même été insuffisant, ils ne peuvent utilement faire valoir que le décret du 27 avril 2022 serait illégal pour n'avoir pas imparti un délai aux ministres concernés pour prendre l'arrêté prévu à l'article R. 1261-25 du code de la santé publique.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret du 27 avril 2022 est entaché d'illégalité, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Leurs conclusions tendant à l'annulation du refus de l'abroger ainsi, par suite, que leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 novembre 2022 :

15. En premier lieu, le deuxième alinéa de l'article L. 1241-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Le Conseil national des opérations funéraires est consulté sur les projets de textes relatifs à la législation et à la réglementation funéraire. Il peut adresser aux pouvoirs publics toute proposition. Il donne son avis sur le règlement national des pompes funèbres et sur les obligations des régies et des entreprises ou associations habilitées en matière de formation professionnelle. " Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'adoption de l'arrêté en litige aurait été irrégulière faute de consultation de ce conseil dès lors que l'arrêté contesté se borne à régir la forme et le contenu du dossier de demande d'autorisation des établissements de formation et de recherche ou de santé qui assurent l'accueil des corps à des fins d'enseignement médical et de recherche, qui ne relèvent pas des matières dans lesquelles ce conseil doit être consulté.

16. En deuxième lieu, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que l'arrêté qu'ils attaquent serait illégal en raison de l'illégalité du décret du 27 avril 2022. La circonstance que l'arrêté envisage, dans les rubriques du dossier de demande d'autorisation dont il prévoit la forme et le contenu, l'hypothèse, laquelle n'est exclue ni par l'article L. 1261-1 du code de la santé publique, ni par le décret du 27 avril 2022, que la structure d'accueil des corps puisse être un établissement privé, n'a ni pour objet ni pour effet d'opérer la délégation à un tel établissement du contrôle de l'identité du défunt lors de la fermeture et du scellement du cercueil organisé sous la responsabilité du maire par l'article R. 2213-45 du code général des collectivités territoriales.

17. En troisième lieu, il résulte de l'article R. 1261-1 du code de la santé publique que quand un établissement de formation et de recherche ou de santé autorisé délivre une carte de donneur, il s'engage à accueillir le corps après le décès du donneur qui intervient en tout lieu du territoire national, sauf si les circonstances du décès ou l'état de conservation du corps le rendent impossible. Toutefois, si l'établissement n'est pas en mesure, pour quelque raison que ce soit, d'accueillir le corps après le décès du donneur, celui-ci est acheminé vers l'établissement autorisé en capacité de le recevoir le plus proche. Les opérations de transport du corps doivent avoir été achevées dans un délai maximum de quarante-huit heures à compter du décès, conformément à l'article R. 1261-3 du même code. S'il revient aux établissements de formation et de recherche ou de santé autorisés à accueillir des corps de prendre les mesures propres à assurer l'accueil des corps dans des conditions de nature à leur permettre de satisfaire à ces exigences, l'arrêté attaqué ne saurait être regardé comme entaché d'illégalité au motif qu'il n'impose pas de justifier, dans le dossier de demande d'autorisation, de l'existence d'une permanence au sein de l'établissement durant les week-ends et les périodes de congés.

18. En quatrième lieu, pour les raisons mentionnées au point 10, le moyen tiré de la confusion, par l'arrêté, des structures d'accueil des corps et des structures d'enseignement et de recherche ne peut qu'être écarté.

19. En cinquième lieu, la circonstance que l'arrêté litigieux n'ait pas été publié avant l'expiration du délai de six mois imparti aux établissements d'accueil des corps par l'article 2 du décret du 27 avril 2022 pour déposer leurs demandes d'autorisation est, comme il a été dit au point 13, sans incidence sur sa légalité.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils contestent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Sur les frais des instances :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l'Association nationale pour le don du corps et autre sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association nationale pour le don du corps, première dénommée, pour les deux requérants, au Premier ministre et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Verot, M. Alban de Nervaux, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 22 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Eric Buge

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470832
Date de la décision : 22/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mar. 2024, n° 470832
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470832.20240322
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