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21/03/2024 | FRANCE | N°471332

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 21 mars 2024, 471332


Vu la procédure suivante :



La commune de Déville-lès-Rouen a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 20 mars 2019 par la direction départementale des finances publiques du Calvados au titre d'un trop-perçu de taxe d'aménagement de 79 334,99 euros ainsi que la décision du 11 février 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Calvados l'a mise en demeure de payer cette somme. Par un jugement n° 2002878 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses

demandes.



Par une ordonnance n° 22DA01729 du 14 décemb...

Vu la procédure suivante :

La commune de Déville-lès-Rouen a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 20 mars 2019 par la direction départementale des finances publiques du Calvados au titre d'un trop-perçu de taxe d'aménagement de 79 334,99 euros ainsi que la décision du 11 février 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Calvados l'a mise en demeure de payer cette somme. Par un jugement n° 2002878 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Par une ordonnance n° 22DA01729 du 14 décembre 2022, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté l'appel formé par la commune de Déville-lès-Rouen contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 février et 15 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Déville-lès-Rouen demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Déville-lès-Rouen soutient que le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai :

- a méconnu les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de sa requête de première instance pour rejeter sa requête d'appel comme étant manifestement irrecevable ;

- a méconnu l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant qu'elle n'avait pas formé de contestation à l'encontre du titre de perception la concernant émis par le comptable public le 20 mars 2019 alors que son courrier du 29 mars 2019 adressé à ce même comptable public valait bien contestation et n'était pas uniquement une demande d'informations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la commune de Déville-lès-Rouen ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Déville-lès-Rouen a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 20 mars 2019 par le comptable public au titre d'un remboursement d'un trop-perçu de taxe d'aménagement à hauteur de 79 334,99 euros, ainsi que de la mise en demeure de payer cette somme qui lui a été adressée le 11 février 2020 par le directeur départemental des finances publiques du Calvados. Par un jugement du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme irrecevable la demande de la commune au motif qu'elle n'avait pas été précédée de la réclamation préalable exigée par les dispositions de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012. L'appel formé par la commune de Déville-lès-Rouen contre ce jugement a été rejeté, le 14 décembre 2022, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai, contre laquelle la commune se pourvoit en cassation.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...), les présidents de formation de jugement (...) des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / (...). Il résulte de ces dispositions que l'irrecevabilité manifeste qu'elles mentionnent ne peut concerner, s'agissant d'une requête présentée devant une cour administrative d'appel, que les conclusions présentées devant cette cour. Dès lors, en se fondant, pour rejeter l'appel de la commune requérante sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sur l'irrecevabilité de sa demande de première instance, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai a fait une inexacte application de ces dispositions.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 331-26 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " (...) Lorsque la taxe qui fait l'objet d'un titre d'annulation a été acquittée par le redevable en tout ou partie et répartie entre les collectivités territoriales et les établissements publics bénéficiaires, le versement indu fait l'objet d'un remboursement par le comptable et un titre de perception est émis à l'égard des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale bénéficiaires pour les montants indûment reversés (...) ". Aux termes de l'article L. 331-12 du même code dans sa version applicable au litige : " En matière de recouvrement, les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ".

4. Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : / 1° Soit d'une contestation portant sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ; / 2° Soit d'une contestation portant sur la régularité du titre de perception. / Les contestations du titre de perception ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance ". Aux termes de l'article 118 de ce même décret : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. / Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. / Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. / La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un courrier du 29 mars 2019, reçu par le comptable chargé du recouvrement le 2 avril 2019, le maire de Déville-lès-Rouen a indiqué au directeur départemental des finances publiques du Calvados, en joignant une copie du titre de perception litigieux, que faute de toute pièce justificative jointe à ce titre, il n'était pas en mesure d'apprécier la réalité des sommes réclamées à la commune et qu'il refusait, en l'absence de telles justifications, de procéder à la mise en paiement du titre. La commune requérante est également fondée à soutenir qu'en jugeant que ce courrier ne pouvait être regardé comme constituant une contestation du titre de perception litigieux, au sens et pour l'application de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Déville-lès-Rouen est fondée à demander, pour ces motifs, l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 14 décembre 2022 du président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera à la commune de Déville-lès-Rouen une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Déville-lès-Rouen et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 février 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 21 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 471332
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2024, n° 471332
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471332.20240321
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