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20/03/2024 | FRANCE | N°475479

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 20 mars 2024, 475479


Vu la procédure suivante :



Par une ordonnance n° 2003703 du 5 novembre 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Melun la requête présentée à ce tribunal par Mme B... A....



Par une ordonnance n° 2009156 du 26 juin 2023, enregistrée le 28 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente du tribunal administratif de Melun a, en application de

l'article R. 351-2 du code de justice administrative, transmis cette requête au Cons...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2003703 du 5 novembre 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans a, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Melun la requête présentée à ce tribunal par Mme B... A....

Par une ordonnance n° 2009156 du 26 juin 2023, enregistrée le 28 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente du tribunal administratif de Melun a, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, transmis cette requête au Conseil d'Etat.

Par cette requête, enregistrée le 21 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif d'Orléans, un mémoire en réplique, enregistré le 14 juin 2023 au greffe du tribunal administratif de Melun, et un nouveau mémoire, enregistré le 23 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... doit être regardée comme demandant au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la note du 17 décembre 2018 du service des ressources humaines civiles du ministère des armées sur l'application des primes des enseignants détachés sur contrat dans des fonctions administratives au ministère des armées en tant qu'elle prévoit un montant de prime pour les professeurs agrégés inférieur à celui applicable aux maîtres de conférence ;

2°) d'enjoindre au ministre des armées d'aligner le montant de l'indemnité accordée aux professeurs agrégés sur celui de l'indemnité prévue pour les maitres de conférence.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 97-464 du 9 mai 1997 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2015-675 du 16 juin 2015 ;

- l'arrêté du ministre de la défense du 16 juin 2015 relatif à l'organisation du service des ressources humaines civiles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., professeure agrégée, a été, à compter du 1er septembre 2017, détachée sur contrat auprès du ministère des armées. Par une note du 17 décembre 2018, le service des ressources humaines civiles a fixé les montants de primes applicables aux différentes catégories d'enseignants détachés sur contrat dans des fonctions administratives du ministère des armées. Mme A... doit être regardée comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler cette note en tant qu'elle prévoit un montant de prime pour les professeurs agrégés inférieur à celui applicable aux maitres de conférence et d'enjoindre au ministre des armées d'aligner le montant de prime applicable aux professeurs agrégés sur celui prévu pour les maîtres de conférence.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des armées :

2. En premier lieu, si le ministre soutient que la note en litige constitue un document préparatoire, il n'apporte aucun élément de nature à établir que les montants de primes fixés par cette note auraient été rendus applicables par l'effet d'une décision ultérieure. Il s'ensuit que la note de cadrage litigieuse présente le caractère d'une décision réglementaire, susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir, et que Mme A... a intérêt à en demander l'annulation.

3. En deuxième lieu, le délai de recours à l'encontre de la note en litige ne courait qu'à compter de sa publication. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle publication ait eu lieu. Ainsi, et nonobstant la circonstance que Mme A... ait eu connaissance de cette note plus de deux mois avant l'introduction de sa requête, les conclusions de l'intéressée tendant à son annulation ne sont pas tardives.

4. En dernier lieu, Mme A... devant être regardée comme demandant l'annulation partielle de la décision contestée, la fin de non-recevoir tirée de ce que Mme A... formulerait à titre principal des conclusions à fin d'injonction ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité de la décision attaquée :

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...) peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 (...) ".

6. Selon le deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 relatif à la création des services à compétence nationale : " Les services à compétence nationale rattachés à un directeur d'administration centrale, à un chef de service ou à un sous-directeur sont créés par arrêté du ministre dont ils relèvent. Toutefois, ils sont créés par décret lorsqu'ils exercent des compétences par délégation du ministre ". Aux termes de l'article 1er du décret du 16 juin 2015 portant création du service des ressources humaines civiles : " Il est créé un service à compétence nationale dénommé " service des ressources humaines civiles " rattaché au directeur des ressources humaines du ministère de la défense ".

7. En premier lieu, le ministre des armées soutient que la signataire de la note attaquée était compétente pour prendre une telle décision, en sa qualité de " sous-directrice de la gestion du personnel civil " au sein du service à compétence nationale dénommé " service des ressources humaines civiles ". Toutefois, dès lors qu'elle n'avait pas la qualité de sous-directeur au sens de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu que cette signataire bénéficierait d'une délégation de signature à un autre titre et enfin que, contrairement à ce que soutient le ministre, les dispositions citées au point 6 n'ont ni pour objet ni pour effet de lui conférer un pouvoir réglementaire, la décision contestée a été prise par une autorité incompétente.

8. En second lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

9. La différence entre le montant annuel de primes versé aux enseignants détachés sur contrat auprès du ministère des armées, selon qu'ils appartiennent au corps des professeurs agrégés (12 000 euros) ou au corps des maîtres de conférences (15 000 euros), dont les conditions de recrutement sont différentes, est, en tout état de cause, en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque en tant qu'elle prévoit un montant de prime pour les professeurs agrégés inférieur à celui applicable aux maitres de conférence.

11. Eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée n'implique toutefois pas que des mesures soient prises dans un sens déterminé. Les conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La note du 17 décembre 2018 du service des ressources humaines civiles sur l'application des primes des enseignants détachés sur contrat dans des fonctions administratives au ministère des armées est annulée en tant qu'elle prévoit un montant de prime pour les professeurs agrégés inférieur à celui applicable aux maîtres de conférence.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 475479
Date de la décision : 20/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mar. 2024, n° 475479
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Denieul
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:475479.20240320
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