Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 49 770 euros, arrêtée au 31 décembre 2019, en réparation du préjudice financier subi du fait d'une erreur d'information de son employeur sur le montant prévisionnel de sa pension de retraite, ainsi que la somme de 190 260 euros, arrêtée au 1er janvier 2020, au titre de la réparation du préjudice de même nature à venir pour la période s'étendant du 1er janvier 2020 jusqu'à la date à laquelle elle atteindra l'âge de 85,4 ans, correspondant à l'espérance de vie d'une femme en France, avec actualisation de ces sommes correspondant aux préjudices subis et futurs à la date du jugement. Par un jugement n° 1604814 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20VE01274 du 8 novembre 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de Mme B..., annulé ce jugement, puis statuant par la voie de l'évocation, rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme B... et sa demande de première instance.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 janvier, 10 mars et 12 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel et de première instance et de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser les sommes actualisées correspondant à ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ;
- la circulaire DGOS/RH4/DGCS n° 2013-41 du 5 février 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de Mme B... et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier de Gonesse ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., cadre de santé de la fonction publique hospitalière au centre hospitalier de Gonesse, a opté, le 29 mars 2013, pour son intégration dans le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 5 juillet 2010. Ayant été admise à faire valoir ses droits à la retraite, Mme B... a été radiée des cadres le 1er juillet 2013. La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) lui a alors adressé un décompte définitif de pension, daté du 19 juillet 2013, faisant apparaître un montant de pension nettement inférieur à celui que la requérante aurait perçu si elle avait opté pour le maintien dans son corps d'origine. Par une décision du 6 août 2015, la directrice du centre hospitalier de Gonesse a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'indemnisation de son préjudice. Par un jugement du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de Mme B... tendant à la condamnation du centre hospitalier de Gonesse à l'indemniser du préjudice financier subi du fait de la faute commise par cet établissement dans l'information sur le droit d'option qui lui était ouvert en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 5 juillet 2010. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 novembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir annulé ce jugement, a rejeté le surplus de ses conclusions d'appel et sa demande de première instance. Eu égard aux moyens qu'elle soulève, son pourvoi doit être regardé comme dirigé uniquement contre les articles 3 et 4 de cet arrêt.
2. Il ressort des pièces du dossier que, pour accompagner la réforme statutaire qui a permis aux cadres de santé, qui avaient conservé un droit à la liquidation anticipée de leur pension de retraite au titre de la catégorie active, d'opter pour un reclassement dans le corps des cadres de santé paramédicaux, dont le niveau de rémunération était plus élevé, à condition de renoncer à leur droit à la liquidation anticipée, la direction générale de l'offre de soins du ministère chargé de la santé a adressé aux chefs d'établissements hospitaliers une circulaire DGOS/RH4/DGCS n° 2013-41 du 5 février 2013 relative à la mise en œuvre du nouveau statut des cadres de santé paramédicaux de la fonction hospitalière, dont un paragraphe " I.1.2. Information des personnels concernés par le droit d'option et retour de l'option " a prescrit que : " chaque agent doit être personnellement informé de sa situation avant le 22 mars 2013 (par un mode de transmission qui permette d'en garantir la traçabilité), tant ceux bénéficiaires du droit d'option que ceux non concernés par celui-ci, afin de s'assurer que tous les agents concernés par le droit d'option effectuent un choix éclairé dans le délai imparti ". Il en résulte que l'employeur de Mme B... était tenu à une obligation d'information quant aux conséquences de l'option exercée, notamment sur ses droits à pension.
3. Par suite, en écartant toute faute du centre hospitalier de Gonesse dans l'information de Mme B..., au motif que celle-ci ne produisait à l'instance que la simulation de ses droits à pension, réalisée par son employeur, correspondant à l'option de reclassement dans le corps des cadres de santé paramédicaux, sans présenter également une simulation correspondant à son maintien dans son ancien corps des cadres de santé, alors que la charge de la preuve que cette seconde simulation avait été fournie en temps utile à l'intéressée conformément aux prescriptions de la circulaire ministérielle du 5 février 2013 précitée pesait sur le centre hospitalier, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation des articles 3 et 4 de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse la somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 8 novembre 2022 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Le centre hospitalier de Gonesse versera à Mme B... une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Gonesse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au centre hospitalier de Gonesse.