Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, et de la ministre de la transformation et de la fonction publiques du 21 avril 2022 relatif aux commissions administratives paritaires compétentes à l'égard de certains corps de fonctionnaires du ministère de la justice pour ce qui concerne la composition des commissions administratives paritaires n° 2, n° 5 et n° 8 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le syndicat soutient que l'arrêté qu'il attaque est entaché d'erreur manifeste d'appréciation :
- en ce qui concerne la nouvelle commission administrative paritaire n° 2, qui regroupe près de 9 000 fonctionnaires relevant de sept corps de catégorie A rattachés à des directions différentes et exerçant des fonctions spécifiques à chacun ;
- en ce qui concerne la nouvelle commission administrative paritaire n° 5 qui regroupe le corps des greffiers et le corps des greffiers de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française, dont les effectifs et la participation aux élections professionnelles sont très différents ;
- en ce qui concerne la nouvelle commission administrative paritaire n° 8 qui regroupe les adjoints administratifs, les adjoints administratifs des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française, les adjoints techniques et les adjoints techniques de l'administration pénitentiaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au ministre de la transformation et de la fonction publiques, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 68-20 du 5 janvier 1968 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, et de la ministre de la transformation et de la fonction publiques du 21 avril 2022, relatif aux commissions administratives paritaires compétentes à l'égard de certains corps de fonctionnaires du ministère de la justice, en tant qu'il porte sur les commissions administratives paritaires n° 2, n° 5 et n° 8.
2. Aux termes de l'article L. 261-1 du code général de la fonction publique : " Une ou plusieurs commissions administratives paritaires sont mises en place pour chacune des catégories A, B et C de fonctionnaires de l'État prévues à l'article L. 411-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 263-1 du même code : " Au sein d'une commission administrative paritaire, les fonctionnaires d'une catégorie examinent les questions relatives à la situation individuelle et à la discipline des fonctionnaires relevant de la même catégorie, sans distinction de corps ou cadre d'emplois et de grade ". Aux termes de l'article 2 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires dans les administrations de l'Etat, dans sa rédaction résultant du décret du 26 novembre 2021 : " Au sein de chaque département ministériel, une ou plusieurs commissions administratives paritaires sont créées par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre chargé de la fonction publique (...) / Sous réserve des dispositions de l'article 4, les commissions administratives paritaires sont compétentes à l'égard des agents appartenant à des corps relevant d'une même catégorie hiérarchique ainsi que des agents des corps d'un niveau équivalent. / L'arrêté qui crée une commission précise l'autorité auprès de laquelle elle est placée et établit la liste des corps de fonctionnaires qui en relèvent. Une commission administrative paritaire peut être placée auprès du ministre, d'un directeur d'administration centrale ou d'un chef de service déconcentré n'exerçant pas le pouvoir de nomination ou de gestion du corps d'appartenance du fonctionnaire qui en relève ". L'article 5 de ce décret fixe le nombre de représentants du personnel que doit compter chaque commission administrative paritaire en fonction du nombre de fonctionnaires des corps qui y sont représentés. Enfin, son article 31 permet aux représentants du personnel de demander la convocation d'experts afin qu'ils soient entendus sur un point de l'ordre du jour.
3. En application des dispositions citées ci-dessus, l'article 1er de l'arrêté attaqué institue neuf commissions administratives paritaires nationales compétentes à l'égard des corps du ministère de la justice et des corps interministériels. La liste de ces commissions est énumérée dans un tableau qui mentionne, pour chacune d'elles, les corps concernés et l'autorité auprès de laquelle la commission est créée.
4. En premier lieu, l'article 1er de l'arrêté attaqué prévoit que la commission administrative paritaire n°2, placée auprès du secrétaire général du ministère de la justice, est compétente à l'égard des corps des attachés d'administration de l'Etat, des directeurs des services de greffe judiciaires, des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, des chefs de service pénitentiaire, des directeurs techniques de l'administration pénitentiaire, des directeurs de service de la protection judiciaire de la jeunesse et des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse.
5. Ainsi que le relève le syndicat requérant, il résulte de l'article 2 de cet arrêté que le nombre de membres titulaires et le nombre de membres suppléants de cette commission administrative paritaire, fixé à 8 dans les deux cas, est nettement inférieur à la somme des membres que comptaient auparavant les commissions administratives paritaires compétentes à l'égard de chacun des corps regroupés dans la commission administrative paritaire n° 2 et il n'est pas assuré qu'au moins un fonctionnaire de chaque corps puisse être élu pour faire partie des huit membres titulaires et des huit membres suppléants de cette commission.
6. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions citées au point 2 que les commissions administratives paritaires ne sont plus composées de représentants des membres d'un seul corps de fonctionnaires, ainsi que le prévoyait la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat avant sa modification par la loi du 6 août 2019, mais de représentants des fonctionnaires d'une même catégorie qui, lorsqu'ils siègent au sein de la commission, sont chargés d'examiner les questions relatives à la situation individuelle et à la discipline des fonctionnaires relevant de la même catégorie, sans distinction de corps. D'autre part, les dispositions de l'article 31 du décret du 28 mai 1982 permettent aux représentants du personnel de faire entendre par la commission administrative paritaire, en qualité d'experts, des membres de corps qui n'auraient pas d'élus au sein de cette commission et dont l'audition pourrait paraître utile pour éclairer la commission sur des dispositions du statut particulier ou certains aspects des fonctions exercées par le fonctionnaire dont la situation individuelle est examinée. Par suite, le syndicat requérant, qui ne précise pas en quoi les différences existant entre les statuts particuliers des différents corps pour lesquels la commission administrative paritaire n° 2 est compétente, ou entre les fonctions exercées par leurs membres, constitueraient un obstacle à l'exercice par la commission de ses attributions, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait, sur ce point, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En deuxième lieu, l'article 1er de l'arrêté attaqué prévoit que la commission administrative n° 5, placée auprès du directeur des services judiciaires, est compétente à l'égard du corps des greffiers des services judiciaires et du corps des greffiers de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française.
8. Il résulte des dispositions de l'article 2 du décret du 5 janvier 1968 fixant les conditions d'application de la loi n° 66-496 du 11 juillet 1966 relative à la création de corps de fonctionnaires de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française que ces corps sont soumis aux statuts des corps métropolitains correspondants. Les seules circonstances, invoquées par le syndicat requérant, que les effectifs de chacun des deux corps et le taux de participation aux élections professionnelles seraient différents sont sans incidence sur l'exercice de ses compétences par cette commission administrative paritaire. Par suite, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 6, les commissions administratives paritaires examinent les questions relevant de leurs compétences sans distinction de corps, le moyen tiré de ce que les dispositions créant cette commission seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, l'article 1er de l'arrêté attaqué crée la commission administrative paritaire n° 8 qui, placée auprès du secrétaire général, est compétente à l'égard des corps des adjoints administratifs, des adjoints administratifs de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française, des adjoints techniques et des adjoints techniques de l'administration pénitentiaire.
10. Ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 8, le syndicat n'est pas fondé, d'une part, en se prévalant des seules différences entre les effectifs des corps des adjoints techniques et des adjoints techniques de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française et des taux de participation aux élections professionnelles des membres de chacun de ces corps, d'autre part, en faisant valoir que l'administration a refusé la fusion des corps des agents des services techniques des services judiciaires et des agents techniques, à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la commission administrative paritaire n° 8.
11. Il résulte de ce qui précède que la requête du syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires, au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2024 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 20 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain