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11/03/2024 | FRANCE | N°488378

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 11 mars 2024, 488378


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre et 28 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Rassemblement national demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire IOMA2322276J du 16 août 2023 du ministre de l'intérieur et des outre-mer relative à l'attribution des nuances politiques aux candidats aux élections sénatoriales 2023, en tant qu'elle classe les nuances " RN " et " LRN " dans le bloc de clivage

" Extrême-droite " ;



2°) d'enjoindre au ministre de modifier la gri...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre et 28 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Rassemblement national demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire IOMA2322276J du 16 août 2023 du ministre de l'intérieur et des outre-mer relative à l'attribution des nuances politiques aux candidats aux élections sénatoriales 2023, en tant qu'elle classe les nuances " RN " et " LRN " dans le bloc de clivage " Extrême-droite " ;

2°) d'enjoindre au ministre de modifier la grille de nuances figurant aux annexes 1 et 2 de la circulaire IOMA2322276J du 16 août 2023 afin d'exclure les candidatures du Rassemblement national du bloc de clivage " Extrême-droite " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment ses articles 3 et 4 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2014-1479 du 9 décembre 2014 ;

- le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 février 2024, présentée par l'association " Rassemblement national ".

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 1er du décret du 9 décembre 2014 relatif à la mise en œuvre de deux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés " Application élection " et " Répertoire national des élus " : " Dans les services du ministère de l'intérieur (secrétariat général) et ceux des représentants de l'Etat dans les départements de métropole et d'outre-mer, dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, sont mis en œuvre deux traitements automatisés de données à caractère personnel concernant les candidats aux élections au suffrage universel et les mandats électoraux et fonctions électives que ces élections ont vocation à pourvoir. / Le premier traitement, appelé " Application élection ", comprend les données relatives aux candidatures enregistrées ainsi que les résultats obtenus par les candidats. / Le second traitement, appelé " Répertoire national des élus ", comprend les données relatives aux candidats proclamés élus ". En vertu de l'article 2 de ce décret, l'Application élection et le Répertoire national des élus enregistrent les données relatives aux candidats aux scrutins organisés pour l'élection des sénateurs. Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Conformément aux dispositions du IV de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, pour mettre en œuvre les traitements automatisés mentionnés à l'article 1er, le ministre de l'intérieur et les représentants de l'Etat mentionnés au même article 1er peuvent collecter, conserver et traiter sur supports informatiques ou électroniques des données faisant apparaître les appartenances politiques : / 1° Des candidats à l'un des scrutins mentionnés au I de l'article 2 et des listes ou binômes de candidats sur lesquels ils ont figuré ; / 2° Des personnes détentrices de l'un des mandats ou de l'une des fonctions énumérés au II de l'article 2 ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les traitements automatisés mentionnés à l'article 1er ont pour finalités : / 1° Le suivi des candidatures enregistrées et des mandats et fonctions exercés par les élus en vue de l'information du Parlement, du Gouvernement, des représentants de l'Etat mentionnés à l'article 1er et des citoyens ; / 2° La centralisation des résultats de chaque tour de scrutin, leur conservation et leur diffusion sous forme électronique (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " I. - Les données à caractère personnel et informations enregistrées portant sur les personnes mentionnées à l'article 2 sont les suivantes : / (...) / 6° Nuance politique attribuée au candidat par l'administration ; / 7° Nuance politique attribuée à la liste ou au binôme de candidats par l'administration ; (...) ".

2. La circulaire du 16 aout 2023 du ministre de l'intérieur et des outre-mer relative à l'attribution des nuances politiques aux candidats aux élections sénatoriales du 24 septembre 2023 a prévu que les préfets et hauts commissaires attribuent une nuance politique, lors de l'enregistrement des candidatures, à chaque candidat ou liste de candidats, sur la base de deux grilles de nuances politiques qui figurent en annexes 1 et 2, une grille de 21 nuances pour les candidats et une grille de 22 nuances pour les listes. Ces nuances sont regroupées en six blocs de clivage, lesquels sont destinés à agréger les résultats des différentes nuances, dénommés " extrême gauche ", " gauche ", " autres ", " centre ", " droite ", " extrême droite ". L'association Rassemblement National demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette circulaire en tant qu'elle prescrit le rattachement de la nuance politique " Rassemblement National " au bloc de clivage " extrême droite ".

3. En premier lieu, le ministre de l'intérieur et des outre-mer peut, au titre du pouvoir d'organisation des services placés sous son autorité pour la préparation et le déroulement des opérations électorales et en vue de la mise en œuvre de deux traitements automatisés de données à caractère personnel " Application élection " et " Répertoire national des élus " régis par les dispositions du décret du décret du 9 décembre 2014, établir une grille des nuances politiques et prévoir leur regroupement dans des blocs de clivage afin de permettre l'agrégation des résultats des élections nécessaire à l'information des pouvoirs publics et des citoyens. Si l'association requérante invoque, par voie d'exception, l'illégalité des dispositions citées au point 1 de l'article 5 du décret du 9 décembre 2014, une telle exception d'illégalité ne peut être utilement invoquée dès lors que la circulaire attaquée n'a pas été prise pour l'application de ces dispositions, qui n'en constituent pas davantage la base légale. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur et des outre-mer était incompétent pour édicter la circulaire contestée ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, la circulaire attaquée comporte la mention du nom, du prénom et de la qualité de son signataire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté.

5. En troisième lieu, en rattachant la nuance politique " Rassemblement national " au bloc de clivages " extrême droite ", la circulaire attaquée ne méconnaît pas le principe de sincérité du scrutin, que l'attribution d'une nuance politique différente de l'étiquette politique n'affecte pas, et n'est pas entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation. Elle ne méconnaît pas davantage, en tout état de cause, le principe d'égalité en procédant à un tel rattachement, tout en attribuant la nuance " Gauche " aux formations politiques " Parti communiste français " et " La France insoumise ".

6. En quatrième et dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et alors que le mémoire en défense a été régulièrement présenté pour le ministre de l'intérieur et des outre-mer et par délégation, que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Rassemblement national est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association " Rassemblement national " et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 février 2024 où siégeaient : M. Jean-Yves Ollier, assesseur, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.

Rendu le 11 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Jean-Yves Ollier

Le rapporteur :

Signé : M. Hadrien Tissandier

La secrétaire :

Signé : Mme Catherine Xavier


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 488378
Date de la décision : 11/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mar. 2024, n° 488378
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hadrien Tissandier
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488378.20240311
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