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08/03/2024 | FRANCE | N°461520

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 08 mars 2024, 461520


Vu la procédure suivante :



L'association Athena a demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil municipal de Pézenas du 10 décembre 2015 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune (PLU) et, à titre subsidiaire, d'annuler cette même délibération en tant qu'elle classe le secteur de Saint-Martin/Bonne Terre en zone 2AUE. Par un jugement n° 1600645, 1600797 du 5 août 2019, le tribunal administratif a rejeté cette demande.



Par un arrêt

n° 19MA04456 du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur ap...

Vu la procédure suivante :

L'association Athena a demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil municipal de Pézenas du 10 décembre 2015 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune (PLU) et, à titre subsidiaire, d'annuler cette même délibération en tant qu'elle classe le secteur de Saint-Martin/Bonne Terre en zone 2AUE. Par un jugement n° 1600645, 1600797 du 5 août 2019, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19MA04456 du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de l'association Athena, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la délibération attaquée en ce que les articles 2AU2, 2AUE2 et 2AUET2 du règlement du plan n'autorisent l'extension limitée des constructions existantes qu'à la condition de ne pas créer de nouveaux logements, d'autre part, annulé partiellement la délibération attaquée dans cette mesure et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de l'appel.

Par un pourvoi, enregistré le 15 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Athena demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il ne fait que partiellement droit à son appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit au surplus des conclusions de son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pézenas la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de l'association Athena et à Me Carbonnier, avocat de la commune de Pézenas ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une délibération du 10 décembre 2015, le conseil municipal de Pézenas a approuvé la révision de son plan d'occupation des sols valant plan local d'urbanisme (PLU). Par un jugement du 5 août 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l'association Athena tendant, à titre principal, à l'annulation de cette délibération et, à titre subsidiaire, à son annulation partielle en tant qu'elle classe le secteur de Saint-Martin/Bonne Terre en zone 2AUE. Par un arrêt du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la délibération du conseil municipal en tant seulement que les articles 2AU2, 2AUE2 et 2AUET2 du règlement du plan local d'urbanisme n'autorisent l'extension limitée des constructions existantes qu'à la condition de ne pas créer de nouveaux logements et annulé le jugement du tribunal administratif dans la mesure où il avait rejeté la demande sur ce point. L'association Athena se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".

3. Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.

4. Pour juger qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. A..., ancien conseiller municipal de Pézenas, et M. B..., maire de la commune à la date de la délibération litigieuse, aient eu un intérêt distinct de celui de la commune lors de l'approbation du plan local d'urbanisme et que les dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales n'avaient, par suite, pas été méconnues, la cour administrative d'appel s'est fondée sur les motifs tirés de ce que le projet de centre de thermalisme faisant l'objet de l'orientation d'aménagement et de programmation des Moulières correspondait à un véritable projet structurant de la commune et que la délimitation de l'orientation d'aménagement et de programmation en cause n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. En se fondant sur ces motifs et en s'abstenant, ce faisant, d'apprécier si la participation des membres du conseil municipal mis en cause à des délibérations préparatoires et au vote d'adoption de la délibération avaient, du fait de l'influence exercée par ces derniers, assuré la prise en compte de leurs intérêts personnels, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'association Athena est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté son appel.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pézenas la somme de 3 000 euros à verser à l'association Athena au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette dernière qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 décembre 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté l'appel de l'association Athena.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : La commune de Pézenas versera à l'association Athena la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Pézenas au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Athena et à la commune de Pézenas.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 janvier 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur ;

Rendu le 8 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461520
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 mar. 2024, n° 461520
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange
Avocat(s) : CARBONNIER ; SCP GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:461520.20240308
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