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27/02/2024 | FRANCE | N°467582

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 27 février 2024, 467582


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 septembre 2022 et 28 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'éducation physique de l'enseignement public-fédération syndicale unitaire (SNEP-FSU) demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet opposée à sa demande tendant à ce que le ministre de la transformation et de la fonction publique et le ministre des outre-mer modifient les articles 7

et 10 du décret n° 2022-704 du 26 avril 2022 modifiant le décret n° 2013-314 du 15 av...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 septembre 2022 et 28 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'éducation physique de l'enseignement public-fédération syndicale unitaire (SNEP-FSU) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet opposée à sa demande tendant à ce que le ministre de la transformation et de la fonction publique et le ministre des outre-mer modifient les articles 7 et 10 du décret n° 2022-704 du 26 avril 2022 modifiant le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique (ISG) en vue de mettre fin aux illégalités qui entacheraient ces dispositions ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et aux ministres compétents de faire droit à leur demande.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 ;

- le décret n° 2022-704 du 26 avril 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le décret du 15 avril 2013 a institué une indemnité de sujétion géographique (ISG) attribuée aux fonctionnaires de l'Etat et magistrats affectés en Guyane, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon dont l'application a été ensuite étendue à Mayotte. Les conditions permettant de bénéficier de l'ISG et ses modalités d'attribution ont été modifiées par le décret du 26 avril 2022 modifiant le décret du 15 avril 2013. Le syndicat SNEP-FSU demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite opposé par le ministre de la transformation et de la fonction publique et le ministre des outre-mer à sa demande tendant à ce que les articles 7 et 10 du décret du 26 avril 2022 soient modifiés en vue de remédier aux illégalités qui entacheraient ces dispositions.

2. En premier lieu, d'une part, alors que dans sa version initiale, le décret du 15 avril 2013 réservait le bénéfice de l'ISG aux fonctionnaires de l'Etat et aux magistrats accomplissant une durée minimale de quatre années de services dans les départements et territoires concernés, et dont la précédente résidence administrative était située en dehors de ces départements et territoires, en vertu de l'article 1er de ce décret dans sa rédaction modifiée par le décret du 26 avril 2022, la durée minimale de service pour bénéficier de l'ISG est désormais de deux années consécutives de services, le versement de l'indemnité pouvant être renouvelé une fois pour les fonctionnaires et magistrats dont l'affectation au sein du département ou du territoire concerné se poursuit pour une nouvelle période minimale de deux années de services consécutives. En outre, l'article 2 du décret du 15 avril 2013 dans sa rédaction modifiée prévoit désormais que peuvent bénéficier de l'ISG les agents dont le département ou le territoire d'affectation est différent de celui de leur précédente résidence administrative, à condition cependant que l'agent n'ait pas déjà bénéficié de cette indemnité au titre d'une affectation intervenue durant les deux ans précédant son affectation actuelle.

3. D'autre part, l'article 4 du décret du 15 avril 2013 dans sa rédaction antérieure à sa modification par le décret du 26 avril 2022 prévoyait le paiement de l'ISG en trois fractions égales, une première lors de l'installation du fonctionnaire ou du magistrat dans son nouveau poste, une deuxième au début de la troisième année de services, une troisième au bout de quatre ans de services, son article 4-1 prévoyant par dérogation un versement en quatre fractions annuelles égales pour les fonctionnaires de l'Etat et les magistrats affectés à Mayotte. Aux termes du l'article 4 du décret du 15 avril 2013 dans sa rédaction issue du décret du 26 avril 2022, qui a par ailleurs abrogé l'article 4-1 de ce décret : " I.- L'indemnité de sujétion géographique attribuée aux magistrats et aux fonctionnaires au titre de la première période de deux années de services consécutives est versée en deux fractions égales : / -une première lors de l'installation du fonctionnaire ou du magistrat dans son nouveau poste ; / -une seconde au bout de deux ans de services. / II. - L'indemnité de sujétion géographique attribuée aux magistrats et aux fonctionnaires au titre de la seconde période de deux années de services consécutives est versée en deux fractions égales : / - une première au bout de trois ans de services ; / - une seconde au bout de quatre ans de services (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 7 du décret du 15 avril 2013 dans sa rédaction modifiée par l'article 7 du décret du 26 avril 2022 : " -I. -L'agent mentionné à l'article 1er qui, sur sa demande, cesse ses fonctions au cours des deux premières années de services consécutives ne peut percevoir les fractions prévues à l'article 4 et les majorations prévues à l'article 5 non encore échues de l'indemnité de sujétion géographique. / En outre, il est retenu sur sa rémunération ultérieure un montant équivalent aux sommes déjà perçues au titre de l'indemnité de sujétion géographique. / Toutefois, lorsque la cessation des fonctions est motivée par les besoins du service ou par l'impossibilité pour l'agent (...), de continuer l'exercice de ses fonctions par suite de son état de santé : / a) L'agent conserve les fractions et majorations déjà perçues ; / b) L'agent peut prétendre au versement des fractions et majorations non échues au prorata de la durée des services réellement accomplie si cette cessation intervient au cours de la deuxième année de service. / II.- L'agent mentionné à l'article 1er qui, sur sa demande, cesse ses fonctions au cours de la seconde période de deux années de services consécutives ne peut percevoir les fractions prévues à l'article 4 et les majorations prévues à l'article 5 non encore échues de l'indemnité de sujétion géographique. / Toutefois, lorsque la cessation des fonctions est motivée par les besoins du service ou par l'impossibilité pour l'agent (...) de continuer l'exercice de ses fonctions par suite de son état de santé, l'agent peut prétendre au versement des fractions et majorations non échues au prorata de la durée des services réellement accomplie si cette cessation intervient au cours de la troisième ou de la quatrième année de service ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'indemnité instituée par le décret du 15 avril 2013 vise non seulement à prendre en compte les sujétions spécifiques liées à l'exercice des fonctions dans les départements et territoires d'outre-mer y ouvrant droit mais aussi à développer l'attractivité des affectations dans ces départements et territoires tout en encourageant la stabilité dans leurs fonctions et sur le territoire ou département concerné des personnels qui y sont affectés. Eu égard à l'objet de l'indemnité, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation prévue par les dispositions citées au point précédent de restituer les sommes déjà perçues par l'agent au titre de l'ISG en cas de cessation anticipée de ses fonctions au cours des deux premières années de services, sauf lorsque la cessation est motivée par les besoins du service ou par des raisons médicales, serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que ces dispositions, pas plus d'ailleurs que la condition introduite à l'article 2 du décret imposant que l'agent n'ait pas bénéficié de cette indemnité au titre d'une affectation intervenue durant les deux ans précédant son affectation actuelle, revêtiraient un caractère discriminatoire à l'égard des agents qui accomplissent quatre années consécutives de services dans des départements et territoires éligibles différents.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le décret du 26 avril 2022, qui abroge l'article 8 du décret du 15 avril 2013 soumettant le versement de l'ISG à une affectation antérieure d'une durée minimale de deux ans en dehors des départements et territoires éligibles, a entendu ce faisant que puissent désormais être éligibles au bénéfice de l'indemnité les fonctionnaires stagiaires qui en étaient auparavant exclus pour avoir accompli une année de stage en dehors de ces territoires, alors que les fonctionnaires titulaires disposant d'une année de services supplémentaire en dehors de ces territoires et les agents qui y étaient affectés dès leur entrée dans l'administration pour y accomplir leur stage pouvaient en bénéficier. En outre, alors que l'article 9 du décret du 26 avril 2022 fixe sa date d'entrée en vigueur au 1er août 2021, sous réserve du cas des fonctionnaires de l'Etat et des magistrats dont l'affectation dans les départements et territoires concernés est antérieure à cette date d'entrée en vigueur du décret, qui restent régis par les dispositions prévues par le décret du 15 avril 2013 dans sa rédaction antérieure, l'article 10 du décret du 26 avril 2022 prévoit des dispositions transitoires particulières concernant les agents ayant reçu, entre le 1er septembre 2017 et le 31 juillet 2021, une première affectation en qualité de fonctionnaire titulaire dans l'un des départements ou territoires ouvrant droit à l'ISG et qui étaient exclus de son bénéfice en application des dispositions antérieurement applicables. Aux termes de cet article : " Les fonctionnaires de l'Etat et les magistrats ayant reçu, entre le 1er septembre 2017 et le 31 juillet 2021, une première affectation en qualité de fonctionnaire titulaire dans l'un des départements ou territoires ouvrant droit à l'indemnité de sujétion géographique, et dont la précédente résidence se situait hors de ce département ou territoire, bénéficient, s'ils sont toujours en fonction dans ce même département ou territoire, du versement des fractions non encore échues à la date à laquelle ils remplissent les conditions d'ancienneté de séjour mentionnées à l'article 4 du décret du 15 avril 2013 susvisé dans sa rédaction issue du présent décret. Ces fonctionnaires ne doivent pas avoir bénéficié de l'indemnité de sujétion géographique au titre de cette affectation et durant les deux années précédant celle-ci (...) Les dispositions prévues à l'article 7 du décret du 15 avril 2013 susvisé dans sa rédaction issue du présent décret leur sont également applicables ".

7. Lorsque de nouvelles normes générales sont édictées par voie réglementaire, elles ont vocation à s'appliquer immédiatement, sous réserve des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions. Il en résulte que le décret du 26 avril 2022 n'aurait pu, sans méconnaître les exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, prévoir l'attribution de l'ISG, qui est versée par fractions lors de l'installation de l'agent puis au titre de différentes périodes de service de celui-ci, à des personnels affectés dans l'un des départements ou territoires ouvrant droit à cette indemnité au titre de périodes de service achevées à la date de son intervention. Le syndicat requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en n'ouvrant pas le bénéfice de l'ISG à l'ensemble des agents de l'Etat affectés avant le 1er septembre 2017 dans un département ou un territoire éligible au versement de cette indemnité et qui étaient exclus de son bénéfice en application des dispositions antérieurement applicables, l'article 10 du décret du 26 avril 2022 méconnaît le principe d'égalité. Ce principe n'est pas davantage méconnu par cet article en ce qu'il induit des conditions différenciées d'attribution du bénéfice de l'ISG selon leur date d'affectation pour les agents affectés dans ces départements ou territoires entre le 1er septembre 2017 et le 31 août 2021 et qui étaient auparavant exclus.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat SNEP-FSU n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pourvoir de la décision qu'il attaque. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat SNEP-FSU est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat national de l'éducation physique de l'enseignement publics-fédération syndicale unitaire, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467582
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2024, n° 467582
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Fischer-Hirtz
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:467582.20240227
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