La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2024 | FRANCE | N°474269

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 février 2024, 474269


Vu les procédures suivantes :



La société civile immobilière Bandi a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le maire de Bacilly a délivré à l'exploitation agricole à responsabilité limitée La Champagne un permis de construire un poulailler. Par un jugement n° 2000931 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.



Par un arrêt n° 21NT01083 du 17 mars 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel de l

a société Bandi, annulé ce jugement et le permis de construire attaqué.



1°...

Vu les procédures suivantes :

La société civile immobilière Bandi a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le maire de Bacilly a délivré à l'exploitation agricole à responsabilité limitée La Champagne un permis de construire un poulailler. Par un jugement n° 2000931 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 21NT01083 du 17 mars 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel de la société Bandi, annulé ce jugement et le permis de construire attaqué.

1° Sous le n° 474269, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mai et 8 août 2023 et le 18 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Champagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par la société Bandi ;

3°) de mettre à la charge de la société Bandi la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 474335, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 21 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Bacilly demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes ;

2°) de mettre à la charge de la société Bandi la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société La Champagne, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, Goulet, avocat de la société Bandi et à Maître Haas, avocat de la commune de Bacilly ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 14 février 2020, le maire de Bacilly a délivré à la société La Champagne un permis de construire pour la réalisation d'un poulailler. Par un jugement du 19 février 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société Bandi, propriétaire du domaine de Chantore, voisin du projet, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. La société La Champagne, d'une part, et la commune de Bacilly, d'autre part, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 17 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel de la société Bandi, annulé le jugement du 19 février 2021 et fait droit à la demande de cette société. Il y a lieu de joindre ces pourvois pour y statuer par une seule décision.

2. D'une part, aux termes de l'article A 3 du règlement du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 17 septembre 2009 du conseil municipal de Bacilly : : " Tout terrain enclavé, ne disposant pas d'accès sur une voie publique ou privée, est inconstructible sauf si le propriétaire produit une servitude de passage suffisante (...) / Pour les nouvelles constructions : (...) - Les voies en impasse doivent être aménagées dans la partie finale afin de permettre aux véhicules privés et à ceux des services publics de faire demi-tour. "

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a jugé que le projet litigieux contrevenait aux exigences de cet article au motif que son terrain d'assiette était desservi par un chemin rural en impasse ne comprenant dans sa partie terminale aucun aménagement permettant aux véhicules, privés et publics, de faire demi-tour. En faisant application de ces dispositions, qui n'étaient plus en vigueur à la date du 14 février 2020, à laquelle a été délivré le permis litigieux, l'article A 3 du règlement du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 15 septembre 2011 se bornant désormais à disposer que : " Tout terrain enclavé, ne disposant pas d'accès sur une voie publique ou privée, est inconstructible " et le règlement ne comportant plus de disposition imposant l'aménagement sur l'absence duquel elle s'est fondée, la cour a commis une erreur de droit.

4. D'autre part, l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " Aux termes de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'aspect extérieur des constructions et aux aménagements de leurs abords : " Le permis de construire sera refusé si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. / (...) Aspect : / L'aspect des constructions devra aller dans le sens d'une bonne intégration dans le paysage, et le cas échéant, être en harmonie avec le patrimoine bâti existant. (...) " Ces dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport à ces dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que la cour devait, comme elle l'a d'ailleurs fait, apprécier la légalité du permis de construire attaqué.

5. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient au juge d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.

6. Pour juger que la réalisation du projet litigieux était, compte tenu de sa situation, de son architecture et de ses dimensions, de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, la cour a relevé que le projet était situé à proximité immédiate du domaine du château de Chantore, dont elle a détaillé l'intérêt patrimonial, en raison en particulier de la qualité architecturale et de conservation du château ainsi que de son parc, dont elle a observé que la commune de Bacilly n'en contestait pas le caractère remarquable à l'échelle régionale, d'un point de vue historique, patrimonial et paysager. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en ne tenant pas compte, pour porter son appréciation, après avoir pourtant précisé que ce parc s'étendait sur une superficie d'environ 19 hectares, de la circonstance, invoquée en défense, selon laquelle il n'existe aucune covisibilité entre le projet de poulailler litigieux et le château, qui s'en trouve à une distance d'environ 500 mètres et en est séparé par une partie boisée du parc et une parcelle agricole, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Champagne et la commune de Bacilly sont fondées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs pourvois, à demander pour ces motifs l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

8. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Bandi une somme de 1 000 euros à verser, d'une part, à la commune de Bacilly et, d'autre part, à la société La Champagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la société Bandi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 17 mars 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : La société Bandi versera à la commune de Bacilly et à la société La Champagne une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Bandi présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bacilly, à l'exploitation agricole à responsabilité limitée La Champagne et à la société civile immobilière Bandi.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 474269
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 2024, n° 474269
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:474269.20240223
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award