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16/02/2024 | FRANCE | N°476108

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 16 février 2024, 476108


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision révélée par le courrier du 30 septembre 2019 par laquelle le maire de Saint-Malo a refusé de mettre fin à la suspension dont il faisait l'objet depuis le 4 septembre 2017 ainsi que la décision implicite du 11 novembre 2019 rejetant sa demande de réintégration dans ses fonctions, la décision 14 janvier 2020 par laquelle le maire de Saint-Malo l'a réintégré à titre provisoire sur un poste de gestionnaire du fonds documentaire et de la partothèq

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision révélée par le courrier du 30 septembre 2019 par laquelle le maire de Saint-Malo a refusé de mettre fin à la suspension dont il faisait l'objet depuis le 4 septembre 2017 ainsi que la décision implicite du 11 novembre 2019 rejetant sa demande de réintégration dans ses fonctions, la décision 14 janvier 2020 par laquelle le maire de Saint-Malo l'a réintégré à titre provisoire sur un poste de gestionnaire du fonds documentaire et de la partothèque, l'arrêté du 10 septembre 2020 par lequel le maire de Saint-Malo l'a suspendu de ses fonctions à compter du 14 septembre suivant et la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le maire de Saint-Malo l'a licencié pour motif disciplinaire, sans préavis, ni indemnité, à la date du 1er janvier 2021. Par un jugement nos 1905796, 2000236, 2004038, 2100382 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision révélée le 30 septembre 2019, les décisions des 11 novembre 2019 et 14 janvier 2020 ainsi que l'arrêté du 10 septembre 2020 et rejeté le surplus des conclusions.

Par un arrêt n° 22NT01039 du 20 juin 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M. B..., annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire de Saint-Malo du 17 décembre 2020 prononçant son licenciement sans préavis, ni indemnité, annulé cette décision, enjoint au maire de Saint-Malo de le réintégrer dans ses fonctions de professeur territorial d'enseignement artistique et rejeté le surplus des conclusions.

1° Sous le n° 476108, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juillet, 22 septembre et 18 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Malo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 488254, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 septembre et 18 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Saint-Malo demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le sursis à exécution de l'arrêt du 20 juin 2023 ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Saint-Malo et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 17 décembre 2020, le maire de Saint-Malo a prononcé le licenciement pour motif disciplinaire, sans préavis, ni indemnité, de M. B..., professeur territorial contractuel d'enseignement artistique, chargé d'enseignement de guitare au sein du conservatoire de musique Claude Debussy, en raison d'une proximité physique et de gestes déplacés vis-à-vis de l'une de ses élèves. La commune de Saint-Malo se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2023 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'elle a annulé le jugement du 7 février 2022 du tribunal administratif de Rennes ainsi que la décision du maire de Saint-Malo prononçant le licenciement de M. B... et a enjoint au maire de Saint-Malo de réintégrer ce dernier dans ses fonctions. La commune demande en outre qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt.

2. Le pourvoi et la requête présentés par la commune de Saint-Malo tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi :

3. Aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale (...) d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Si le caractère fautif des faits reprochés est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation, l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans le cadre de cours de musique qu'il donnait à son domicile à une élève de 14 ans, M. B... a pratiqué des massages au niveau des mains et du cou qui ont notamment consisté en des " craquages " au cours desquels cette dernière était assise à califourchon sur les genoux de son professeur, face à lui, ou à la faire assoir sur ses genoux et lever les bras, tout en lui soulevant les épaules. De tels gestes, même accomplis dans le seul but de soulager l'élève de tensions musculaires ou de corriger une posture, étaient manifestement inappropriés au regard de ceux que des considérations pédagogiques auraient justifiés. Il ressort d'ailleurs également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ces agissements ont occasionné à l'enfant des troubles d'ordre psychologique impliquant un suivi psycho-thérapeutique. Dans ces conditions, eu égard à la gravité du manquement commis au devoir d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises par l'intéressé, à la réputation du service public ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du conservatoire, toutes les sanctions moins sévères susceptibles d'être infligées à M. B..., en application de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 mentionné ci-dessus, étaient, en raison de leur caractère insuffisant, hors de proportion avec les fautes commises par ce dernier. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la commune de Saint-Malo est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur la requête n° 488254 :

6. La présente décision se prononçant sur le pourvoi formé par la commune de Saint-Malo contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 20 juin 2023, les conclusions aux fins de sursis à exécution de cet arrêt sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Saint-Malo, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Saint-Malo au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 20 juin 2023 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 488254.

Article 4 : M. B... versera à la commune de Saint-Malo une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. B... sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Malo et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 25 janvier 2024 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 16 février 2024.

Le président :

Signé : M. Philippe Ranquet

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 476108
Date de la décision : 16/02/2024

Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2024, n° 476108
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:476108.20240216
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