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16/02/2024 | FRANCE | N°473815

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 16 février 2024, 473815


Vu la procédure suivante :



La société par actions simplifiée (SAS) Diagast a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Loos (Nord), au titre des années 2016, 2017 et 2018, à raison de locaux situés au 251 avenue Eugène Avinée ainsi que de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison de ces mêmes locaux. Par un jugement nos 2004949, 2

004950, 2102052 du 3 mars 2023, ce tribunal, après avoir joint ses demandes et const...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Diagast a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Loos (Nord), au titre des années 2016, 2017 et 2018, à raison de locaux situés au 251 avenue Eugène Avinée ainsi que de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison de ces mêmes locaux. Par un jugement nos 2004949, 2004950, 2102052 du 3 mars 2023, ce tribunal, après avoir joint ses demandes et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a décidé que la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 2018 à raison de ces locaux devait être calculée en tenant compte d'une valeur locative minimale applicable du fait de la levée d'option d'un crédit-bail en 2010 et d'agencements réalisés de 2011 à 2016 et a rejeté le surplus de ses demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 3 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Diagast demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il ne lui a pas donné satisfaction ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la société Diagast ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société par actions simplifiée (SAS) Diagast est devenue propriétaire, en 2010, des locaux qu'elle exploite à Loos (Nord) après avoir exercé l'option d'achat prévue au contrat de crédit-bail, portant sur ces locaux, qu'elle avait conclu en 1995. Par un jugement du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement partiel de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'année 2017, d'une part, a décidé que la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties due par cette société au titre de l'année 2018 à raison de ces locaux devait être calculée sur la base de la valeur locative retenue pour l'imposition due par le crédit bailleur au titre de l'année 2010, augmentée de la valeur locative des agencements réalisés dans ces locaux par la société Diagast en 2011, 2012, 2013 et 2016, et, d'autre part, a rejeté les conclusions de cette société tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 et du surplus des conclusions relatives aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2016, 2017 et 2018. Eu égard aux moyens qu'elle soulève, la société Diagast doit être regardée comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement en tant qu'ils statuent sur la cotisation foncière des entreprises et la taxe foncière sur les propriétés bâties dues au titre de 2018.

Sur la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2018 :

2. Il résulte des dispositions du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative que, si, hors les cas prévus à l'avant-dernier alinéa de ce même article, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs à la taxe foncière sur les propriétés bâties, les jugements relatifs à la cotisation foncière des entreprises demeurent susceptibles d'un appel devant la cour administrative d'appel.

3. Il résulte de ce qui précède que les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il a statué sur cette dernière imposition doivent être attribuées à la cour administrative d'appel de Douai, seule compétente pour statuer.

Sur la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 2018 :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 1499 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que, pour contester la qualification d'établissement industriel de l'immeuble en litige et, par suite, le mode de détermination de sa valeur locative en vue de l'établissement de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties due à raison de cet immeuble, la société requérante se bornait à soutenir qu'elle exerçait, dans ce bâtiment, une activité de coopérative agricole nécessitant une intervention humaine importante. Le tribunal administratif a écarté cette argumentation au motif, non contesté en cassation, qu'elle était en réalité une filiale de l'Etablissement français du sang et qu'elle exerçait dans les locaux litigieux une activité de développement et commercialisation de réactifs et systèmes d'immuno-hématologie. Si la société soutient que le tribunal aurait, en statuant de la sorte, entaché son jugement d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits dès lors que son activité de développement et de commercialisation de réactifs et de systèmes automatisés pour la détermination des groupes sanguins ne mettait pas en œuvre de manière prépondérante des moyens techniques, cette argumentation est nouvelle en cassation et par suite inopérante.

6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 1499-0 A du même code : " Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l'article 1499 pris en crédit-bail sont acquis par le crédit-preneur, la valeur locative de ces biens ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l'année d'acquisition ".

7. Il résulte de ces dispositions que la valeur locative minimale applicable, à compter de 2009, à l'acquéreur de biens immobiliers industriels auprès d'un crédit-bailleur, au sens et pour l'application de l'article 1499-0 A du code général des impôts, est la valeur locative qui devait être effectivement retenue l'année de l'acquisition pour l'imposition du crédit-bailleur, y compris dans le cas où ce précédent propriétaire relevait, lors de l'acquisition, des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, et telle que définitivement établie après exercice, le cas échéant, du droit de reprise de l'administration ou du droit de réclamation du crédit-bailleur. Les biens immobiliers dont la valeur locative est ainsi fixée, de manière dérogatoire, par ces dispositions s'entendent uniquement de ceux acquis en exercice de l'option figurant dans le contrat de crédit-bail, à l'exclusion notamment de toute immobilisation créée ou acquise par la société preneuse et inscrite à l'actif de son bilan postérieurement à cette acquisition. Enfin, les dispositions de l'article 1499-0 A du code général des impôts ne trouvent à s'appliquer que dans l'hypothèse où la valeur locative plancher qu'elles instituent est supérieure à la valeur locative des immobilisations industrielles acquises en exercice de cette option, déterminée dans les conditions de droit commun prévues à l'article 1499.

8. Le tribunal administratif a jugé que la valeur locative à retenir pour déterminer le montant de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties due à raison des locaux en cause au titre de l'année 2018 était la somme de la valeur locative de l'immeuble acquis par la société Diagast telle que résultant de la règle fixée à l'article 1499-0 A du code général des impôts et de la valeur locative des aménagements réalisés postérieurement à l'acquisition de cet immeuble, calculée à partir de leur prix de revient selon les règles fixées à l'article 1499 du même code. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la valeur locative des immobilisations acquises par la société Diagast par l'exercice de l'option d'achat stipulée au contrat de crédit-bail, déterminée dans les conditions de droit commun prévues à l'article 1499 à partir du prix de revient pour lequel ces immobilisations ont été inscrite à l'actif du bilan de cette société, était inférieure à la valeur locative plancher résultant, pour ces mêmes immobilisations, de l'application de l'article 1499-0 A du code général des impôts, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En troisième lieu, en décidant, par l'article 2 de son jugement, que la valeur locative à prendre en compte pour déterminer le montant de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties due par la société Diagast au titre de l'année 2018 devait être fixée conformément aux motifs du point 18 de ce même jugement, dont la teneur est rappelée au point 8 ci-dessus, le tribunal administratif a entièrement déterminé cette cotisation et n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, méconnu son office.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Diagast n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 2018.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les conclusions de la société Diagast dirigées contre le jugement du 3 mars 2023 du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a statué sur la cotisation foncière des entreprises due au titre de 2018, sont attribuées à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 2 : Le pourvoi formé par la société Diagast contre les articles 2 à 4 de ce même jugement, en tant qu'ils ont statué sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 2018 est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Diagast et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Nathalie Escaut, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 16 février 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Marc Vié

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473815
Date de la décision : 16/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - QUESTIONS COMMUNES - VALEUR LOCATIVE DES BIENS - BIENS IMMOBILIERS INDUSTRIELS ACQUIS À LA SUITE D'UN CRÉDIT-BAIL – VALEUR MINIMALE (ART - 1499-0 A DU CGI) – 1) DÉTERMINATION – VALEUR À RETENIR - L’ANNÉE DE L’ACQUISITION - POUR L’IMPOSITION DU CRÉDIT-BAILLEUR – 2) CHAMP – BIENS ACQUIS EN EXERCICE DE L’OPTION FIGURANT DANS LE CONTRAT – 3) APPLICATION – CONDITION – VALEUR SUPÉRIEURE À CELLE DÉTERMINÉE DANS LES CONDITIONS DE DROIT COMMUN.

19-03-01-02 1) Il résulte du premier alinéa de l’article 1499-0 A du code général des impôts (CGI) que la valeur locative minimale applicable, à compter de 2009, à l’acquéreur de biens immobiliers industriels auprès d’un crédit-bailleur, au sens et pour l’application de cet article, est la valeur locative qui devait être effectivement retenue l’année de l’acquisition pour l’imposition du crédit-bailleur, y compris dans le cas où ce précédent propriétaire relevait, lors de l’acquisition, de l’article 1498 du CGI, et telle que définitivement établie après exercice, le cas échéant, du droit de reprise de l'administration ou du droit de réclamation du crédit-bailleur. ...2) Les biens immobiliers dont la valeur locative est ainsi fixée, de manière dérogatoire, par ces dispositions s’entendent uniquement de ceux acquis en exercice de l’option figurant dans le contrat de crédit-bail, à l’exclusion notamment de toute immobilisation créée ou acquise par la société preneuse et inscrite à l’actif de son bilan postérieurement à cette acquisition. ...3) L’article 1499-0 A du CGI ne trouve à s’appliquer que dans l’hypothèse où la valeur locative plancher qu’il institue est supérieure à la valeur locative des immobilisations industrielles acquises en exercice de cette option, déterminée dans les conditions de droit commun prévues à l’article 1499 du CGI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXES FONCIÈRES - TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES - BIENS IMMOBILIERS INDUSTRIELS ACQUIS À LA SUITE D'UN CRÉDIT-BAIL – VALEUR MINIMALE (ART - 1499-0 A DU CGI) – 1) DÉTERMINATION – VALEUR À RETENIR - L’ANNÉE DE L’ACQUISITION - POUR L’IMPOSITION DU CRÉDIT-BAILLEUR – 2) CHAMP – BIENS ACQUIS EN EXERCICE DE L’OPTION FIGURANT DANS LE CONTRAT – 3) APPLICATION – CONDITION – VALEUR SUPÉRIEURE À CELLE DÉTERMINÉE DANS LES CONDITIONS DE DROIT COMMUN.

19-03-03-01-03 1) Il résulte du premier alinéa de l’article 1499-0 A du code général des impôts (CGI) que la valeur locative minimale applicable, à compter de 2009, à l’acquéreur de biens immobiliers industriels auprès d’un crédit-bailleur, au sens et pour l’application de cet article, est la valeur locative qui devait être effectivement retenue l’année de l’acquisition pour l’imposition du crédit-bailleur, y compris dans le cas où ce précédent propriétaire relevait, lors de l’acquisition, de l’article 1498 du CGI, et telle que définitivement établie après exercice, le cas échéant, du droit de reprise de l'administration ou du droit de réclamation du crédit-bailleur. ...2) Les biens immobiliers dont la valeur locative est ainsi fixée, de manière dérogatoire, par ces dispositions s’entendent uniquement de ceux acquis en exercice de l’option figurant dans le contrat de crédit-bail, à l’exclusion notamment de toute immobilisation créée ou acquise par la société preneuse et inscrite à l’actif de son bilan postérieurement à cette acquisition. ...3) L’article 1499-0 A du CGI ne trouve à s’appliquer que dans l’hypothèse où la valeur locative plancher qu’il institue est supérieure à la valeur locative des immobilisations industrielles acquises en exercice de cette option, déterminée dans les conditions de droit commun prévues à l’article 1499 du CGI.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2024, n° 473815
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473815.20240216
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