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14/02/2024 | FRANCE | N°471197

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 14 février 2024, 471197


Vu la procédure suivante :



L'association France Nature Environnement Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète de l'Ain a refusé de mettre en demeure la société IF Allondon de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées en vue de la réalisation d'un centre commercial autorisé par un permis de construire délivré le 22 décembre 2017.



Par un jugement n° 2101203 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a

annulé la décision attaquée et enjoint à la préfète de l'Ain de mettre en demeure la socié...

Vu la procédure suivante :

L'association France Nature Environnement Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète de l'Ain a refusé de mettre en demeure la société IF Allondon de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées en vue de la réalisation d'un centre commercial autorisé par un permis de construire délivré le 22 décembre 2017.

Par un jugement n° 2101203 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision attaquée et enjoint à la préfète de l'Ain de mettre en demeure la société IF Allondon, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de déposer un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et, dans l'attente, de suspendre les travaux de réalisation du centre commercial projeté jusqu'à l'obtention de la dérogation.

Par une ordonnance n° 22LY03726 du 25 janvier 2023, la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête de la société IF Allondon tendant à ce qu'elle ordonne le sursis à exécution du jugement du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Lyon.

Par un pourvoi et deux mémoires en réplique, enregistrés les 8 février, 18 août et 9 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société IF Allondon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de sursis à exécution du jugement, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'association France Nature Environnement Ain la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société IF Allondon et à la SAS Hannotin Avocats, avocat de l'association France Nature Environnement Ain ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 22 décembre 2017, le maire de la commune de Saint-Genis-Pouilly (Ain) a délivré à la société IF Allondon un permis de construire un ensemble commercial d'une surface de plancher de 55 324 m². Par un jugement du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus implicite opposé par la préfète de l'Ain à la demande de l'association France Nature Environnement Ain de mettre en demeure la société IF Allondon de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et d'habitats d'espèces protégées, et a enjoint à la préfète de mettre en demeure cette société, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de déposer une telle demande et, dans l'attente, de suspendre les travaux de réalisation du centre commercial projeté jusqu'à l'obtention de la dérogation demandée. Par une ordonnance du 25 janvier 2023, contre laquelle la société IF Allondon se pourvoit en cassation, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la demande de cette société tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Lyon.

2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

3. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, cette décision ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Elle ne prive pas davantage d'objet les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement présentées sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative cité ci-dessus.

4. Dans l'hypothèse où la juridiction d'appel ordonne le sursis à exécution d'un jugement d'annulation, son arrêt a pour effet de rendre la décision annulée à nouveau exécutoire jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur les conclusions dirigées contre le jugement. Le sursis octroyé prive d'effet, pendant ce temps, la décision prise en exécution du jugement d'annulation. La décision du juge d'appel statuant au fond a pour effet, si elle annule le jugement d'annulation, de rétablir la décision initiale dans l'ordonnancement juridique et entraîne, ce faisant, la sortie de vigueur de la décision qui n'avait été prise que pour l'exécution du jugement annulé. Si, en revanche, la juridiction d'appel rejette les conclusions dirigées contre le jugement d'annulation, celui-ci redevient exécutoire et la décision prise pour son exécution produit à nouveau ses effets.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que, pour assurer l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon, la préfète de l'Ain a mis en demeure la société IF Allondon de déposer, dans un délai de huit mois, une demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, en application de l'article L. 411-2 du même code, et a suspendu la réalisation des travaux d'aménagement du centre commercial en projet jusqu'à l'obtention de cette dérogation. Il résulte de ce qui a été dit au point 4, qu'une telle mise en demeure ne prive d'objet ni l'appel dirigé contre le jugement d'annulation, ni les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution. Il s'ensuit qu'en jugeant que la demande de sursis à exécution devait être rejetée au motif que le jugement du tribunal administratif avait été entièrement exécuté, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de sursis à exécution engagée.

8. Le moyen soulevé par la société IF Allondon à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Lyon, tiré de l'erreur de droit commise par ce tribunal en estimant que les mesures de réduction, proposées par la société pétitionnaire pour ramener de moyen à faible l'impact résiduel du projet de centre commercial sur les espèces protégées identifiées dans l'emprise de ce projet, n'avaient pas à être prises en compte pour l'appréciation des atteintes portées à ces espèces et à leurs habitats justifiant le dépôt d'une demande de dérogation sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier, outre l'annulation de ce jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation qu'il a accueillies. Par suite, il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association France Nature Environnement Ain une somme de 3 000 euros à verser à la société IF Allondon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que demande l'association France Nature Environnement Ain soit mise à la charge de la société IF Allondon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 25 janvier 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulée.

Article 2 : Jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel formé par la société IF Allondon contre ce jugement, il est sursis à l'exécution du jugement n° 2101203 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : L'association France Nature Environnement Ain versera une somme de 3 000 euros à la société IF Allondon. Ses conclusions présentées au titre des mêmes dispositions sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société IF Allondon, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association France Nature Environnement Ain.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 janvier 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 14 février 2024.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. David Gaudillère

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 471197
Date de la décision : 14/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 2024, n° 471197
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SAS HANNOTIN AVOCATS ; SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471197.20240214
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