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05/02/2024 | FRANCE | N°462924

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 05 février 2024, 462924


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 avril 2022, 15 novembre 2022 et 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat mixte du parc naturel régional du Morvan demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a implicitement rejeté sa demande du 21 décembre 2021 tendant à prendre toutes mesures utiles pour assurer, d'une part, l'application de

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 avril 2022, 15 novembre 2022 et 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat mixte du parc naturel régional du Morvan demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a implicitement rejeté sa demande du 21 décembre 2021 tendant à prendre toutes mesures utiles pour assurer, d'une part, l'application des dispositions des articles L. 122-1, L. 414-4, L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement et, d'autre part, la transposition effective des directives 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, s'agissant des coupes rases réalisées dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable ;

2°) d'enjoindre à l'Etat, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, et sous astreinte de 30 000 euros par jour de retard, de prendre lesdites mesures ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de produire les plans de gestion forestière, les documents d'aménagement forestier et les autorisations de coupes ayant donné lieu, sur les années 2020 à 2022, à des évaluations d'incidence Natura 2000, à une dérogation aux régimes de protection des zones Natura 2000, des espèces protégées et de leurs habitats et à une appréciation de l'incidence des coupes et travaux sur les milieux naturels et les espèces protégés par ces réglementations ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- l'arrêt C-329/17 du 7 août 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 21 décembre 2021, reçue le 27 décembre 2021, le syndicat mixte du parc naturel régional du Morvan a demandé au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de prendre toutes mesures utiles pour que les coupes rases réalisées dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable respectent les dispositions des articles L. 122-1, L. 411-1, L. 411-2 et L. 414-4 du code de l'environnement ainsi que celles des directives 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages et 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages. Il demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite qui lui a été opposé, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande.

2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande du requérant de prendre toute mesure utile permettant la complète application de dispositions législatives aux fins de correcte transposition des dispositions d'une directive réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le pouvoir réglementaire, de prendre ces mesures. Il s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation d'un tel refus, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier sa légalité au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

Sur le cadre juridique applicable aux coupes réalisées dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable :

3. Aux termes de l'article L. 124-1 du code forestier : " Présentent des garanties de gestion durable, sous réserve de la mise en œuvre effective du programme de coupes et travaux prévu, les bois et forêts gérés conformément à : / 1° Un document d'aménagement arrêté ; / 2° Un plan simple de gestion agréé ; / 3° Un règlement type de gestion approuvé, à condition que le propriétaire respecte celles des prescriptions mentionnées aux articles L. 122-5 et L. 313-2 qui lui sont applicables. / Présentent également des garanties de gestion durable, dès lors qu'ils disposent du document de gestion spécifique à leur situation, les bois et forêts : / 1° Inclus dans le cœur d'un parc national ou dans une réserve naturelle ; / 2° Classés comme forêt de protection en application de l'article L. 141-1 ; / 3° Gérés principalement en vue de la préservation d'espèces ou de milieux forestiers ; / 4° Appartenant à des personnes publiques sans relever du I de l'article L. 211-1 et gérés conformément à un règlement type de gestion agréé, que le propriétaire s'est engagé à appliquer pour une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ".

4. L'article L. 124-5 du code forestier prévoit que : " Dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable, les coupes d'un seul tenant supérieures ou égales à un seuil fixé par le représentant de l'Etat dans le département et enlevant plus de la moitié du volume des arbres de futaie ne peuvent être réalisées que sur autorisation de cette autorité, après avis, pour les bois et forêts des particuliers, du Centre national de la propriété forestière. / Le seuil mentionné au premier alinéa est déterminé, pour chaque département, après avis du Centre national de la propriété forestière et de l'Office national des forêts. / L'autorisation, éventuellement assortie de conditions particulières de réalisation de la coupe et de travaux complémentaires, est délivrée conformément aux directives ou schémas régionaux dont ces bois et forêts relèvent. / Les coupes effectuées dans les peupleraies, ainsi que celles autorisées au titre d'une autre disposition du présent code ou de l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme, ne relèvent pas des dispositions du présent article ".

Sur la méconnaissance alléguée des exigences de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement et des dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement :

5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 2 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d'autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l'environnement. Ces projets sont définis à l'article 4 ". Aux termes de l'article 4 de cette directive : " 1. (...) les projets énumérés à l'annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. / 2. (...) pour les projets énumérés à l'annexe II, les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres procèdent à cette détermination : / a) sur la base d'un examen cas par cas ; / ou / b) sur la base des seuils ou critères fixés par l'État membre. / Les États membres peuvent décider d'appliquer les deux procédures visées aux points a) et b). / 3. Pour l'examen au cas par cas ou la fixation des seuils ou critères en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l'annexe III. Les États membres peuvent fixer des seuils ou des critères pour déterminer quand les projets n'ont pas à être soumis à la détermination prévue aux paragraphes 4 et 5 ou à une évaluation des incidences sur l'environnement, et/ou des seuils ou des critères pour déterminer quand les projets font l'objet, en tout état de cause, d'une évaluation des incidences sur l'environnement sans être soumis à la détermination prévue aux paragraphes 4 et 5 (...) ". L'annexe I de la directive dresse la liste des différentes catégories de projets soumis à une évaluation environnementale systématique, dont aucune n'inclut la sylviculture ou les coupes forestières. L'annexe II de la directive, qui dresse la liste des projets soumis à une évaluation environnementale au cas par cas ou sur la base de seuils ou critères, comprend, quant à elle, au point d) de son paragraphe 1 une rubrique intitulée : " Premier boisement et déboisement en vue de la reconversion des sols ". Enfin, l'annexe III de la directive définit les critères permettant de déterminer si les projets figurant à l'annexe II doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur l'environnement.

6. Aux termes du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, adopté notamment pour la transposition des articles 2 et 4 de la directive du 13 décembre 2011 précitée : " II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. / Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/ UE (...) ". Aux termes du II de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement : " II. - Lorsqu'un projet soumis à évaluation environnementale relève d'un régime d'autorisation préalable qui ne répond pas aux conditions fixées au I, l'autorité compétente complète l'autorisation afin qu'elle y soit conforme. / Lorsqu'un projet soumis à évaluation environnementale relève d'un régime déclaratif, il est autorisé par une décision de l'autorité compétente pour délivrer le récépissé de déclaration, qui contient les éléments mentionnés au I. / Lorsqu'un projet soumis à évaluation environnementale ne relève d'aucun régime particulier d'autorisation ou de déclaration, il est autorisé par le préfet par une décision qui contient les éléments mentionnés au I ". Aux termes de l'article L. 122-3 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application de la présente section. / II. - Il fixe notamment : / 1° Les catégories de projets qui, en fonction des critères et des seuils déterminés en application de l'article L. 122-1 et, le cas échéant après un examen au cas par cas, font l'objet d'une évaluation environnementale ; (...) ".

7. Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 122-2 du même code dispose que : " Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau (...) ". Le tableau figurant en annexe à cet article R. 122-2 comprend une rubrique n° 47 intitulée " Premiers boisements et déboisements en vue de la reconversion des sols " dont il ressort, d'une part, que doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale systématique, selon un point a), les " défrichements portant sur une superficie totale, même fragmentée, égale ou supérieure à 25 hectares " et d'autre part, que sont soumis à un examen au cas par cas, d'un côté, selon un point a), les " défrichements soumis à autorisation au titre de l'article L. 341-3 du code forestier en vue de la reconversion des sols, portant sur une superficie totale, même fragmentée, de plus de 0,5 hectare " et, de l'autre, selon un point b), les " autres déboisements en vue de la reconversion des sols, portant sur une superficie totale, même fragmentée, de plus de 0,5 hectare ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 341-1 du code forestier : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière ". Enfin, l'article R. 122-2-1 du code de l'environnement prévoit que : " I. - L'autorité compétente soumet à l'examen au cas par cas prévu au IV de l'article L. 122-1 tout projet, y compris de modification ou d'extension, situé en deçà des seuils fixés à l'annexe de l'article R. 122-2 et dont elle est la première saisie, que ce soit dans le cadre d'une procédure d'autorisation ou d'une déclaration, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l'annexe de l'article R. 122-3-1 ". Le II de cet article impose au maître d'ouvrage du projet de saisir l'autorité en charge de l'examen au cas par cas lorsque l'autorité compétente pour la première demande d'autorisation ou de déclaration relative au projet décide de soumettre le projet à cet examen. Enfin, le III du même article permet au maître d'ouvrage de saisir de sa propre initiative l'autorité chargée de l'examen au cas par cas de tout projet situé en deçà des seuils fixés à l'annexe de l'article R. 122-2.

8. Il ressort du point 1, sous d), de l'annexe II de la directive du 13 décembre 2011 que, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt C-329/17, Gerhard Prenninger et autres, du 7 août 2018, ces dispositions visent, non pas tout déboisement, mais uniquement les opérations de déboisement réalisées en vue de conférer aux sols concernés un nouvel usage. Par suite, les coupes de bois, y compris les coupes rases, qui ont pour objet l'exploitation des bois et forêts sans mettre fin à leur destination forestière, ne constituent pas un " déboisement entraînant une reconversion des sols " au sens de l'annexe II de la directive du 13 décembre 2011. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement méconnaîtrait les exigences de cette directive et les dispositions de l'article L. 122-1 du code de l'environnement qui procèdent à leur transposition, pour ne pas soumettre ces coupes à une évaluation environnementale, doit être écarté.

Sur la méconnaissance alléguée des exigences de l'article 6 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et des dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement :

9. Selon le paragraphe 3 de l'article 6 de la directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages : " Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d'affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d'autres plans et projets, fait l'objet d'une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l'évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu'après s'être assurées qu'il ne portera pas atteinte à l'intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l'avis du public ".

10. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, adopté notamment pour la transposition de cet article 6 : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ; / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / 3° Les manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage. (...) / III. - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. / IV. - Tout document de planification, programme ou projet ainsi que toute manifestation ou intervention qui ne relève pas d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 peut être soumis à autorisation en application de la présente section et fait alors l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000. Sans préjudice de l'application du IV bis, une liste locale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations ou interventions concernés est arrêtée par l'autorité administrative compétente parmi ceux figurant sur une liste nationale de référence établie par décret en Conseil d'Etat. / IV bis. - Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative. / (...) / VI. - L'autorité chargée d'autoriser, d'approuver ou de recevoir la déclaration s'oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l'évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 (...) ". Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par les dispositions de l'article L. 414-5 du code de l'environnement qui prévoient l'application des sanctions administratives figurant à " la section 2 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier [du même code] (...) lorsqu'un document de planification, un programme ou un projet d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ou une manifestation ou une intervention est réalisé sans évaluation des incidences Natura 2000, sans l'autorisation ou la déclaration prévue à l'article L. 414-4 ou en méconnaissance de l'autorisation délivrée ou de la déclaration ".

11. Pour l'application des dispositions législatives citées au point 10, l'article R. 414-19 du code de l'environnement dispose que : " I.- La liste nationale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application du 1° du III de l'article L. 414-4 est la suivante : / (...) 7° Les coupes soumises à autorisation en application de l'article L. 312-9 du code forestier, pour les forêts localisées en site Natura 2000 ; / 8° Les coupes soumises à autorisation en application de l'article L. 124-5 du code forestier pour les forêts localisées en site Natura 2000 et les coupes soumises à autorisation en application de l'article L. 141-3 du même code pour les forêts localisées en site Natura 2000, sous réserve de l'application de l'article L. 122-7 de ce code ; / 9° Les coupes de plantes aréneuses soumises à autorisation en application de l'article L. 143-2 du code forestier, lorsqu'elles sont localisées en site Natura 2000 ; / (...) ". Le II du même article R. 414-19 ajoute que : " Sauf mention contraire, les documents de planification, programmes, projets, manifestations ou interventions listés au I sont soumis à l'obligation d'évaluation des incidences Natura 2000, que le territoire qu'ils couvrent ou que leur localisation géographique soient situés ou non dans le périmètre d'un site Natura 2000 ". L'article R. 414-27 du code de l'environnement inscrit quant à lui, dans la liste nationale de référence prévue au IV de l'article L. 414-4 du même code, au sein d'une rubrique 6, les " premiers boisements (...) lorsque la réalisation est prévue en tout ou partie à l'intérieur d'un site Natura 2000, au-dessus d'une superficie de boisement ou de plantation et dans les zones que détermine l'arrêté fixant la liste locale " et, dans une rubrique 24, le " défrichement dans un massif boisé dont la superficie est comprise entre 0,01 ha et le seuil mentionné au 1° de l'article L. 342-1 du code forestier (...) lorsque la réalisation est prévue en tout ou partie à l'intérieur d'un site Natura 2000 ".

12. Enfin, en vertu de l'article R. 122-24 du code forestier : " Lorsque des bois et forêts sont, en totalité ou en partie, situés dans un site Natura 2000 et que leur propriétaire demande le bénéfice de la procédure prévue au 2° de l'article L. 122-7 au titre de la législation propre à ce site, l'autorité chargée de l'approbation ou de l'agrément de son document de gestion vérifie que la réalisation des travaux ou des coupes mentionnés dans ce document n'est pas de nature à affecter ce site de façon notable et qu'elle peut agréer ou approuver le document de gestion. / Dans le cas contraire, elle informe, par décision motivée, le propriétaire ou le gestionnaire de la forêt que la dispense de l'évaluation préalable prévue à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ne lui est pas accordée ".

13. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 414-19 et R. 414-27 du code de l'environnement et R. 122-24 du code forestier citées respectivement aux points 11 et 12 qu'ainsi que le soutient le requérant, celles-ci n'imposent de procéder à une évaluation des incidences Natura 2000 que dans les bois et forêts présentant des garanties de gestion durable ou, dans ceux ne présentant pas de telles garanties, pour les seules coupes soumises à autorisation et lorsque ces coupes portent sur des forêts situées, en tout ou partie, dans le périmètre de sites Natura 2000.

14. Toutefois, en vertu des dispositions du IV bis et du VI de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative de soumettre d'office, par décision motivée, les coupes d'arbres dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable, que ces coupes soient ou non soumises à autorisation, à une évaluation de leurs incidences sur un site Natura 2000 si elles sont susceptibles d'affecter de manière significative un tel site, quand bien même elles ne figurent pas sur les listes mentionnées aux III et IV du même article et indépendamment du fait qu'elles portent ou non sur des bois et forêts situés dans un tel site. A cet effet, il ressort de l'article R. 414-29 du code de l'environnement, pris pour l'application du IV bis de l'article L. 414-4 précité, que lorsque ces coupes ne relèvent pas d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 et qu'elles sont susceptibles d'affecter de manière significative un tel site, leur mise en œuvre est suspendue et soumise à l'accord du préfet de département, qui instruit le dossier après réception de l'évaluation des incidences sur le site, la méconnaissance de ces règles étant susceptible d'être sanctionnée conformément à l'article L.414-15 du code de l'environnement. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions du code de l'environnement méconnaissent les obligations résultant du paragraphe 3 de l'article 6 de la directive " Habitats ", en ce qui concerne les coupes d'arbres dans les bois et forêts ne présentant pas de garanties de gestion durable, doit être écarté.

Sur la méconnaissance alléguée des exigences de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages et des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement :

15. L'article L. 411-1 du code de l'environnement, pris notamment pour la transposition des dispositions de l'article 12 de la directive du 21 mai 1992 précitée et de l'article 5 de la directive du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Toutefois, les dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2 du même code, notamment pris pour la transposition de l'article 16 de la directive du 21 mai 1992 et de l'article 9 de la directive du 30 novembre 2009, permettent de déroger à ces interdictions dans les strictes conditions qu'elles précisent parmi lesquelles figurent, dans tous les cas, celles qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par l'article L. 415-3 du code de l'environnement qui punit " de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende : / 1° Le fait, en violation des interdictions ou des prescriptions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 et par les règlements ou les décisions individuelles pris en application de l'article L. 411-2 : / a) De porter atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques, à l'exception des perturbations intentionnelles ; / b) De porter atteinte à la conservation d'espèces végétales non cultivées ; / c) De porter atteinte à la conservation d'habitats naturels ; / d) De détruire, altérer ou dégrader des sites d'intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que de prélever, détruire ou dégrader des fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites ".

16. Le requérant soutient que les dispositions du code forestier applicables aux projets de coupes rases dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable méconnaissent les objectifs et exigences des directives du 21 mai 1992 et du 30 novembre 2009 précitées, ainsi que les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, en ce qu'elles ne prévoient ni que ces coupes ne peuvent mises en œuvre et, le cas échéant, autorisées, avant l'éventuelle délivrance d'une dérogation au titre du 4° du I de cet article L. 411-2, ni que le dossier de demande doit préciser, s'il y a lieu, que les coupes doivent faire l'objet d'une telle dérogation.

17. Toutefois, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas contesté que les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement assurent une correcte transposition des directives du 21 mai 1992 et du 30 novembre 2009 précitées, en particulier de l'article 16 de la première et de l'article 9 de la seconde qui encadrent les modalités selon lesquelles il peut, le cas échéant, être dérogé au principe général posé par ces directives d'interdiction des destructions et perturbations des espèces protégées et de leurs habitats, d'autre part, qu'aucune des dispositions du code forestier ou du code de l'environnement applicable aux projets de coupes n'a pour objet ou pour effet de dispenser un projet relevant de ces dispositions de l'obligation d'obtenir le cas échéant une dérogation au titre du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement en cas d'incidences sur des espèces protégées ou leurs habitats, aucune méconnaissance des exigences de ces deux directives ne saurait être tirée de l'absence d'articulation explicite entre ces deux législations indépendantes.

18. Il suit de là que les dispositions réglementaires du code forestier applicables aux coupes d'arbres dans les bois et forêts ne présentant pas de garantie de gestion durable ne méconnaissent ni les objectifs et exigences de la directive du 21 mai 1992 et de la directive du 30 mai 2009 précitées, ni les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement prises pour leur transposition.

19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner à l'Etat de produire les plans de gestion forestière, les documents d'aménagement forestier et les autorisations de coupes demandés par le requérant, que ce dernier n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite qu'il attaque. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat mixte du parc naturel régional du Morvan est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte du parc naturel régional du Morvan, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat ; M. David Gaudillère, maître des requêtes et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 5 février 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 462924
Date de la décision : 05/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2024, n° 462924
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:462924.20240205
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