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02/02/2024 | FRANCE | N°473429

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 02 février 2024, 473429


Vu la procédure suivante :



Par une requête et trois mémoires enregistrés les 19 avril, 18 juillet, 26 octobre 2023 et le 11 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association A.L.T. (Alerte LGV sur Thau), Mme M... C..., M. I... H..., Mme B... J..., Mme V... T..., M. D... E..., Mme A... Y..., Mme S... R..., Mme W... Z... X..., M. N... X..., M. F... L..., M. O... U..., Mme P... Q..., l'association Si la Via Domitia m'était contée, la société Nine Eleven Legend et Mme K... G... demandent au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2023

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois mémoires enregistrés les 19 avril, 18 juillet, 26 octobre 2023 et le 11 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association A.L.T. (Alerte LGV sur Thau), Mme M... C..., M. I... H..., Mme B... J..., Mme V... T..., M. D... E..., Mme A... Y..., Mme S... R..., Mme W... Z... X..., M. N... X..., M. F... L..., M. O... U..., Mme P... Q..., l'association Si la Via Domitia m'était contée, la société Nine Eleven Legend et Mme K... G... demandent au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2023-111 du 26 février 2023 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de la ligne ferroviaire nouvelle entre Montpellier et Béziers et portant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Béziers, Villeneuve-lès-Béziers, Cers, Saint-Thibéry, Bessan, Florensac, Pomérols, Pinet, Mèze, Poussan, Villeneuve-lès-Maguelone, Saint-Jean-de-Védas, Lattes et Montpellier, dans le département de l'Hérault.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à l'association A.L.T. (Alerte LGV sur Thau) et autres, et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de SNCF Réseau ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décret du 26 février 2023, la Première ministre a déclaré d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de la ligne ferroviaire nouvelle entre Montpellier et Béziers et portant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Béziers, Villeneuve-lès-Béziers, Cers, Saint-Thibéry, Bessan, Florensac, Pomérols, Pinet, Mèze, Poussan, Villeneuve-lès-Maguelone, Saint-Jean-de-Védas, Lattes et Montpellier, dans le département de l'Hérault. L'association A.L.T. (Alerte LGV sur Thau), Mme C..., M. H..., Mme J..., Mme T..., M. E..., Mme Y..., Mme R..., Mme Z... X..., M. X..., M. L..., M. U..., Mme Q..., l'association Si la Via Domitia m'était contée, la société Nine Eleven Legend et Mme G... demandent l'annulation de ce décret.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

En ce qui concerne le débat public :

2. Le respect du droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, énoncé à l'article 7 de la Charte de l'environnement, s'apprécie au regard des dispositions législatives qui en précisent les conditions et limites, complétées le cas échéant par les mesures d'application de ces dispositions définies par le pouvoir réglementaire. Aux termes de l'article L. 121-9 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Lorsque la Commission nationale du débat public est saisie, elle détermine les modalités de participation du public au processus de décision dans les conditions suivantes : / 1° La commission apprécie, pour chaque projet, plan ou programme si le débat public doit être organisé en fonction de son incidence territoriale, des enjeux socio-économiques qui s'y attachent et de ses impacts sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. / Si la commission estime qu'un débat public est nécessaire, elle l'organise et en confie l'animation à une commission particulière qu'elle constitue. / Si la commission estime qu'un débat public n'est pas nécessaire, elle peut décider de l'organisation d'une concertation préalable. Elle en définit les modalités, en confie l'organisation au maître d'ouvrage ou à la personne publique responsable et désigne un garant. La concertation préalable ainsi menée se déroule dans les conditions définies à la section 4 du présent chapitre. / Lorsqu'un projet a fait l'objet d'un débat public lors de l'élaboration d'un plan ou d'un programme approuvé depuis moins de cinq ans et définissant le cadre dans lequel le projet pourrait être autorisé et mis en œuvre, ce dernier est dispensé de débat public ou de concertation préalable. La commission peut cependant décider, si elle l'estime nécessaire, d'organiser un tel débat ou une telle concertation et motive sa décision (...) ". Aux termes de l'article L. 121-15 du même code : " Aucune irrégularité au regard des dispositions du présent chapitre ne peut être invoquée lorsque l'acte par lequel la Commission nationale du débat public a renoncé à organiser un débat public ou une concertation préalable ou l'acte mentionné à l'article L. 121-13 est devenu définitif ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le débat public relatif à la ligne ferroviaire nouvelle entre Montpellier et Perpignan a eu lieu entre le 3 mars 2009 et le 3 juillet 2009. Par deux décisions du 7 octobre 2015 et du 3 juin 2020 publiées au Journal officiel, la Commission nationale du débat public, saisie de demandes en ce sens par la société SNCF Réseau, a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'organiser un nouveau débat public. Ces décisions étant devenues définitives, les requérants ne peuvent utilement exciper de leur illégalité à l'appui de leur recours tendant à l'annulation du décret déclarant le projet d'utilité publique. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-9 du code de l'environnement doit, par suite, être écarté, ainsi que, par voie de conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance, en l'absence d'organisation d'un nouveau débat public, des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement.

En ce qui concerne le dossier de l'enquête publique :

S'agissant de l'évaluation économique et sociale :

4. L'article L. 1511-1 du code des transports dispose : " Les choix relatifs aux infrastructures, aux équipements et aux matériels de transport dont la réalisation repose, en totalité ou en partie, sur un financement public sont fondés sur l'efficacité économique et sociale de l'opération. / En cas de défaillance du maître d'ouvrage à réaliser un bilan des résultats économiques et sociaux dans le délai fixé à l'article L. 1511-6, sur décision du ministre chargé des transports, ce bilan est réalisé par un tiers, à la charge du maître d'ouvrage. / Ils tiennent compte des besoins des usagers, des impératifs de sécurité et de protection de l'environnement, des objectifs de la politique d'aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l'évolution prévisible des flux de transport nationaux et internationaux, du coût financier et, plus généralement, des coûts économiques réels et des coûts sociaux, notamment de ceux résultant des atteintes à l'environnement ". Aux termes de l'article L. 1511-2 du même code : " Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports sur, notamment, l'environnement, la sécurité et la santé et permettant des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport ainsi qu'entre les modes ou les combinaisons de modes de transport ". En vertu de l'article L. 1511-4 du même code, le dossier de l'évaluation économique et sociale de l'opération est joint au dossier de l'enquête publique à laquelle est soumis le projet. Aux termes de l'article R. 1511-4 du même code : " L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte : / 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; 3° Les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le maître d'ouvrage, le projet présenté a été retenu ; 4° Une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation ". L'article R. 1511-5 du même code prévoit : " L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel, tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers. / Ce bilan comprend l'estimation d'un taux de rentabilité pour la collectivité calculée selon les usages des travaux de planification. Il tient compte des prévisions à court et à long terme qui sont faites, au niveau national ou international, dans les domaines qui touchent au transport, ainsi que des éléments qui ne sont pas inclus dans le coût du transport, tels que la sécurité des personnes, l'utilisation rationnelle de l'énergie, le développement économique et l'aménagement des espaces urbain et rural. / Il est établi sur la base de grandeurs physiques et monétaires ; ces grandeurs peuvent ou non faire l'objet de comptes séparés ". Aux termes de l'article R. 1511-6 du même code : " Les diverses variantes envisagées par le maître d'ouvrage d'un projet font l'objet d'évaluations particulières selon les mêmes critères. L'évaluation indique les motifs pour lesquels le projet présenté est retenu. "

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'évaluation économique et sociale comporte des indicateurs de rentabilité économique et sociale ainsi que la description de la méthode de calcul des différents indicateurs permettant d'estimer cette rentabilité, et notamment du taux de retour sur investissement du projet.

6. En deuxième lieu, les solutions de substitution, notamment celle consistant à aménager la ligne existante, ont été écartées par le maître d'ouvrage et, dès lors, ne constituent pas une variante, au sens des dispositions de l'article R. 1511-6 du code des transports. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'une évaluation économique et sociale de ces solutions de substitution aurait dû être effectuée selon les critères définis à l'article R. 1511-5 du même code.

7. En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'évaluation économique et sociale comporte une analyse des conditions de financement du projet, fournit des indications précises sur la répartition prévue entre l'Etat, l'Union européenne et les collectivités territoriales et renvoie expressément, s'agissant de ces dernières, au protocole d'intention de financement qu'elles ont signé et à leurs délibérations l'approuvant annexées au dossier d'enquête publique.

S'agissant de l'évaluation des incidences du projet sur les zones Natura 2000 :

8. Si les requérants soutiennent que le dossier d'évaluation des incidences du projet sur les sites Natura 2000 ne satisfait pas aux dispositions des articles L. 414-4 et R. 414-23 du code de l'environnement, ils n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.

S'agissant de l'étude d'impact :

9. Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sans préjudice de la responsabilité du maître d'ouvrage quant à la qualité et au contenu de l'étude d'impact, celui-ci peut demander à l'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution du projet de rendre un avis sur le champ et le degré de précision des informations à fournir dans l'étude d'impact, conformément à l'article L. 122-2 (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / Ce contenu tient compte, le cas échéant, de l'avis rendu en application de l'article R. 122-4 et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : / (...) / b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l'eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ; / c) De l'émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets ; / d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ; / e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées (...) / III. Pour les infrastructures de transport visées aux 5° à 9° du tableau annexé à l'article R. 122-2, l'étude d'impact comprend, en outre : / - une analyse des conséquences prévisibles du projet sur le développement éventuel de l'urbanisation ; / - une analyse des enjeux écologiques et des risques potentiels liés aux aménagements fonciers, agricoles et forestiers portant notamment sur la consommation des espaces agricoles, naturels ou forestiers induits par le projet, en fonction de l'ampleur des travaux prévisibles et de la sensibilité des milieux concernés ; / - une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité. Cette analyse comprendra les principaux résultats commentés de l'analyse socio-économique lorsqu'elle est requise par l'article L. 1511-2 du code des transports ; / - une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter ; / - une description des hypothèses de trafic, des conditions de circulation et des méthodes de calcul utilisées pour les évaluer et en étudier les conséquences. / Elle indique également les principes des mesures de protection contre les nuisances sonores qui seront mis en œuvre en application des dispositions des articles R. 571-44 à R. 571-52. "

10. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

11. Il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact présentée dans le cadre du dossier de déclaration d'utilité publique était complète et suffisamment précise sur les incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement, notamment au titre des b), c) , d) et e) du 5° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement et comportait l'ensemble des éléments prévus par le III du même article au regard des caractéristiques du projet. Si l'autorité environnementale a dans son avis du 22 septembre 2021 fait état d'un certain nombre de recommandations concernant notamment l'étude d'impact du projet, la société SNCF Réseau a produit, en réponse à cet avis, un mémoire complémentaire de cinquante pages, qui a été joint au dossier d'enquête publique et qui apporte des éléments et compléments répondant à ces recommandations. Enfin, si l'étude d'impact indique que des études complémentaires concernant la source et la nappe du champ captant d'Issanka, servant à l'alimentation en eau de la ville de Sète, sont en cours, elle fournit cependant sur ce point des informations détaillées permettant une information complète de la population sur les enjeux qui s'y attachent.

12. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité de l'enquête publique :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-12 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'ouverture de l'enquête publique prévue à l'article L. 123-1 ou de la participation du public prévue à l'article L. 123-19 relative à un projet, plan ou programme relevant de l'article L. 121-8 ne peut être décidée qu'à compter, soit de la date à partir de laquelle un débat public ou la concertation préalable prévus à l'article L. 121-8 ne peut plus être organisé (e), soit de la date de publication du bilan ou à l'expiration du délai imparti au président de la commission pour procéder à cette publication et au plus tard dans le délai de huit ans qui suit ces dates. Au-delà de ce délai, la commission ne peut décider de relancer la participation du public que si les circonstances de fait ou de droit justifiant le projet, plan ou programme ont subi des modifications substantielles ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité dont elles sont issues, que l'enquête publique relative à un projet ne peut être ouverte plus de huit ans après l'une des trois dates de référence qu'elles mentionnent sans une nouvelle consultation de la Commission nationale du débat public, laquelle ne peut alors décider de relancer la concertation avec le public que si les circonstances de fait ou de droit justifiant le projet ont connu des modifications substantielles depuis cette date.

14. Il ressort des pièces du dossier que le bilan du débat public concernant le projet ferroviaire de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan organisé du 3 mars 2009 au 3 juillet 2009 a été publié le 25 août 2009. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la Commission nationale du débat public a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'organiser un nouveau débat public, par deux décisions du 7 octobre 2015 et du 3 juin 2020, publiées au Journal officiel, rendues dans le cadre de nouvelles consultations de la Commission saisie par SNCF Réseau. Il en résulte que l'ouverture de l'enquête publique le 14 décembre 2021, bien qu'intervenue plus de huit ans après la publication du bilan du débat public organisé en 2009, ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-12 du code de l'environnement.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-10 du code de l'environnement : " Les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter gratuitement l'exemplaire du dossier et présenter ses observations et propositions sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. Ils comprennent au minimum les jours et heures habituels d'ouverture au public de chacun des lieux où est déposé le dossier ; ils peuvent en outre comprendre des heures en soirée ainsi que plusieurs demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés. / Lorsqu'un registre dématérialisé est mis en place, il est accessible sur internet durant toute la durée de l'enquête. "

16. Si les requérants font valoir que les horaires prévus pour la consultation du dossier par le public, fixés de 9 heures à 12 heures et de 13 heures 30 à 18 heures exclusivement les jours de semaine, n'auraient pas respecté ces dispositions, il ressort des pièces du dossier que les horaires retenus correspondent aux horaires habituels d'ouverture au public des lieux en cause, que le dossier était également consultable par voie électronique sur le site internet dédié à l'enquête publique ainsi que sur le site internet des services de l'Etat dans le département de l'Hérault tandis que les observations et propositions pouvaient être transmises par courriel. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la participation du public à l'enquête a été importante, en particulier la participation par voie électronique, plus de 1 000 observations ayant été déposées sur le registre électronique, et 102 personnes ont, en outre, été reçues par la commission d'enquête, 4 ont échangé téléphoniquement avec celle-ci et 96 observations ont été enregistrées sur les registres d'enquête. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'enquête publique au regard de l'article R. 123-10 du code de l'environnement doit être écarté, ainsi que, par voie de conséquence, celui tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement.

En ce qui concerne la consultation de l'Institut national de l'origine et de la qualité :

17. L'article L 643-4 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " Tout organisme de défense et de gestion d'une appellation d'origine peut saisir l'autorité administrative compétente s'il estime que le contenu d'un document d'aménagement ou d'urbanisme en cours d'élaboration, un projet d'équipement, de construction, d'exploitation du sol ou du sous-sol, d'implantation d'activités économiques est de nature à porter atteinte à l'aire ou aux conditions de production, à la qualité ou à l'image du produit d'appellation. / Préalablement à toute décision, cette autorité administrative doit recueillir l'avis du ministre chargé de l'agriculture, pris après consultation de l'Institut national de l'origine et de la qualité. / Le ministre chargé de l'agriculture dispose, pour donner son avis, d'un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il est saisi par l'autorité administrative. / Lorsqu'elle décide de ne pas suivre l'avis du ministre, l'autorité administrative en précise les motifs dans sa décision. "

18. Si les requérants soutiennent que le ministre chargé de l'agriculture ne pouvait émettre son avis sur le projet sans avoir au préalable consulté l'Institut national de l'origine et de la qualité, ils ne peuvent utilement invoquer les dispositions citées ci-dessus en l'absence de saisine par un organisme de défense et de gestion d'une appellation d'origine de l'auteur du projet de décret litigieux et, par suite, d'application à cet acte de ces dispositions.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

19. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

20. En premier lieu, les travaux déclarés d'utilité publique par le décret attaqué ont pour objet la création d'une ligne ferroviaire nouvelle entre Montpellier et Béziers, qui constitue la première phase d'une ligne ferroviaire nouvelle entre Montpellier et Perpignan. Si, ainsi que le font valoir les requérants, la réalisation de l'ensemble de la ligne ne doit permettre un gain de temps que de 38 minutes sur le trajet Paris-Barcelone, la réalisation de cette ligne doit permettre, en décongestionnant l'unique axe ferroviaire existant de la façade méditerranéenne, une amélioration de l'offre de service ferroviaire aux voyageurs de nature à faciliter le report sur ce mode de transport et un renforcement de la capacité de transport de fret. Elle doit également permettre d'améliorer le cadre de vie des habitants en éloignant le trafic lié au fret des zones fortement urbanisées traversées par la ligne existante. Le tracé retenu, moins exposé aux aléas climatiques que celui de la ligne existante, doit également permettre d'améliorer la fiabilité du réseau ferré dans cette zone.

21. En deuxième lieu, si le projet de ligne ferroviaire nouvelle entre Montpellier et Béziers a des incidences sur la faune et la flore, les zones humides dont notamment l'étang de Thau, les surfaces agricoles ainsi que sur le paysage, notamment au niveau du viaduc de Poussan, le maître d'ouvrage a prévu des mesures destinées à les prévenir, les réduire ou les compenser dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles seraient insuffisantes.

22. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la rentabilité socio-économique de l'opération est, malgré son coût de 2,04 milliards d'euros, évalué au mois de janvier 2020, nettement positive. Si la commission d'enquête a assorti son avis d'une recommandation visant à ce que la clé de financement soit, sans faire appel aux collectivités territoriales, complétée avant la déclaration de l'utilité publique, cette simple recommandation n'est pas de nature à remettre en cause l'utilité du projet alors que la répartition envisagée des financements entre l'Etat, l'Union européenne et les collectivités territoriales était, ainsi qu'indiqué au point 7, déjà connue.

23. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard à l'intérêt public que présente le projet, à son importance et aux mesures qui l'accompagnent pour éviter, réduire ou compenser ses effets sur la faune, la flore, les zones humides, les surfaces agricoles et le paysage, les inconvénients qu'il présente, notamment en termes de coût et de conséquences pour l'environnement ne présentent pas un caractère excessif de nature à retirer au projet son caractère d'utilité publique.

24. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants une somme à verser à la société SNCF Réseau au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association A.L.T. (Alerte LGV sur Thau) et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société SNCF Réseau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association A.L.T. (Alerte LGV sur Thau), premier requérant dénommé, à la société SNCF Réseau, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 janvier 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, Mme Anne Courrèges, M. Jean-Yves Ollier, M. Benoît Delaunay, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 2 février 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Jérôme Goldenberg

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473429
Date de la décision : 02/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - EFFETS DU DÉBAT PUBLIC OU DE LA CONCERTATION PRÉALABLE SUR L’ENQUÊTE PUBLIQUE – DÉLAI DE HUIT ANS POUR OUVRIR L’ENQUÊTE PUBLIQUE - À COMPTER DE LA FIN DU DÉBAT PUBLIC OU DE LA CONCERTATION PRÉALABLE - OU DE LA POSSIBILITÉ DE L’ORGANISER (ART - L - 121-12 DU C - ENV - ) – 1) CONDITION – CONSULTATION PRÉALABLE DE LA CNDP – 2) RELANCE DE LA CONCERTATION PAR LA CNDP – CONDITION – MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES DES CIRCONSTANCES DE FAIT OU DE DROIT.

44-006-01 Il résulte de l’article L. 121-12 du code de l’environnement (c. env.), éclairé par les travaux parlementaires de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 dont il est issu, que 1) l’enquête publique relative à un projet relevant de la Commission nationale du débat public (CNDP) ne peut être ouverte plus de huit ans après l’une des trois dates de référence qu’il mentionne sans une nouvelle consultation de la CNDP, 2) laquelle ne peut alors décider de relancer la concertation avec le public que si les circonstances de fait ou de droit justifiant le projet ont connu des modifications substantielles depuis cette date.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROJETS - PLANS OU PROGRAMMES RELEVANT DE LA CNDP – OUVERTURE DE L’ENQUÊTE PUBLIQUE PLUS DE HUIT ANS APRÈS LA FIN DU DÉBAT PUBLIC OU DE LA CONCERTATION PRÉALABLE - OU DE LA POSSIBILITÉ DE L’ORGANISER (ART - L - 121-12 DU C - ENV - ) – 1) CONDITION – CONSULTATION PRÉALABLE DE LA CNDP – 2) RELANCE DE LA CONCERTATION PAR LA CNDP – CONDITION – MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES DES CIRCONSTANCES DE FAIT OU DE DROIT.

44-006-05 Il résulte de l’article L. 121-12 du code de l’environnement (c. env.), éclairé par les travaux parlementaires de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 dont il est issu, que 1) l’enquête publique relative à un projet relevant de la Commission nationale du débat public (CNDP) ne peut être ouverte plus de huit ans après l’une des trois dates de référence qu’il mentionne sans une nouvelle consultation de la CNDP, 2) laquelle ne peut alors décider de relancer la concertation avec le public que si les circonstances de fait ou de droit justifiant le projet ont connu des modifications substantielles depuis cette date.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2024, n° 473429
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jérôme Goldenberg
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473429.20240202
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