Vu les procédures suivantes :
M. A... C... a, en premier lieu, demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 juin 2018 par laquelle le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault a mis à sa charge des indus de 10 364,60 euros de revenu de solidarité active pour la période de juin 2016 à janvier 2018, de 304,90 euros d'aide exceptionnelle de fin d'année pour 2016 et 2017 et de 14,22 euros de prime d'activité pour la période de janvier à mars 2017, ainsi que la décision du 4 octobre 2018 portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1805880 du 18 mars 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
M. C... a, en second lieu, formé opposition devant le tribunal administratif de Montpellier à la contrainte émise à son encontre le 24 décembre 2018 par le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault, d'un montant de 304,90 euros, pour le recouvrement d'un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre des années 2016 et 2017. Par un jugement n° 1900348 du 18 mars 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Par une décision nos 440736, 440737 du 12 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ces jugements et renvoyé les affaires devant le tribunal administratif de Montpellier.
Par un jugement nos 2202187, 2202188 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, renvoyé M. C... devant le président du conseil départemental de l'Hérault et devant la caisse d'allocations familiales de ce même département afin qu'il soit précédé à une nouvelle détermination du montant des indus et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 18 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Hérault et de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Godmez, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. C... et à la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du département de l'Hérault ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'après un contrôle de la situation de M. C..., la caisse d'allocations familiales de l'Hérault a, au motif qu'il n'avait pas déclaré les revenus tirés de la sous-location d'une partie du logement qu'il occupait, décidé, le 14 juin 2018, de récupérer un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 10 364,60 euros pour la période de juin 2016 à janvier 2018, ainsi, en conséquence, qu'un indu de prime d'activité d'un montant de 14,22 euros pour la même période et qu'un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre des années 2016 et 2017 d'un montant de 304,90 euros. Par un courrier du 20 juillet 2018, M. C... a formé un recours administratif contre cette décision et sollicité le bénéfice d'une remise gracieuse de sa dette. D'une part, le président du conseil départemental a implicitement rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur l'indu de revenu de solidarité active. D'autre part, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault a, par un courrier du 4 octobre 2018, rejeté cette demande de remise gracieuse en tant qu'elle portait sur les indus de prime d'activité et d'aide exceptionnelle de fin d'année et doit être regardé comme ayant implicitement rejeté son recours contre ces indus dans cette même mesure. Enfin, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault a émis le 24 décembre 2018 à l'encontre de M. C... une contrainte d'un montant de 304,90 euros pour le recouvrement de l'indu d'aide exceptionnelle de fin d'année. M. C... a demandé l'annulation des décisions du 14 juin et du 4 octobre 2018 au tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté cette demande par un jugement du 18 mars 2020. Il a également formé, devant le même tribunal, opposition à la contrainte émise par la caisse d'allocations familiales de l'Hérault en vue du remboursement de l'indu d'aide exceptionnelle de fin d'année, opposition que le tribunal a rejetée par un jugement du même jour. Par une décision du 12 avril 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ces deux jugements et renvoyé les affaires devant le tribunal administratif de Montpellier. Par un jugement du 24 novembre 2022, contre lequel M. C... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Montpellier a renvoyé M. C... devant le président du conseil départemental de l'Hérault et devant la caisse d'allocations familiales de l'Hérault afin qu'il soit procédé à la détermination du montant des indus qui lui sont réclamés selon les motifs qu'il a énoncés et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
2. Aux termes de l'article L. 262-3 du code l'action sociale et des familles : " L'ensemble des ressources du foyer (...) est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment : / (...) / 2° Les modalités d'évaluation des ressources, y compris les avantages en nature. L'avantage en nature lié à la disposition d'un logement à titre gratuit est déterminé de manière forfaitaire (...) ". Selon l'article R. 262-6 du même code : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, (...) l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) ".
3. Pour l'application de ces dispositions, lorsque l'allocataire sous-loue une partie du bien immobilier qu'il occupe lui-même en qualité de locataire, les ressources devant être prises en compte à ce titre au sens de l'article R. 262-6 du code de l'action sociale et des familles sont constituées des bénéfices qu'il retire le cas échéant de cette sous-location. Ces bénéfices doivent s'entendre, en principe, comme correspondant à la différence entre le sous-loyer perçu et le loyer versé par le locataire, le sous-loyer ne pouvant être regardé comme une ressource au sens de ces dispositions lorsqu'il ne procure pas à l'allocataire un revenu supérieur à la charge du loyer du bien qu'il occupe. Par suite, en jugeant que devait être pris en compte pour le calcul des droits de M. C... la différence entre les sous-loyers qu'il percevait de la sous-location d'une partie du logement qu'il occupait lui-même en qualité de locataire et le prorata du loyer correspondant à la surface effectivement sous-louée, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. C... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler les affaires au fond.
6. Il résulte de l'instruction, d'une part, que M. C... a perçu entre les mois de juin 2016 et novembre 2017 puis en décembre 2017 et janvier 2018 des sous-loyers d'un montant total mensuel de 550 euros puis 1 000 euros en contrepartie de la sous-location d'une annexe et d'une chambre du logement qu'il occupe lui-même en qualité de locataire en acquittant un loyer mensuel de 1 100 euros. Eu égard à ce qui a été dit au point 3, le montant de ces sous-loyers demeurant inférieur au loyer acquitté par M. C..., ils n'avaient pas à être regardés comme des ressources au sens de l'article R. 262-6 du code de l'action sociale et des familles.
7. Par suite, et dès lors qu'il résulte en tout état de cause de l'instruction que l'ensemble des indus réclamés à M. C... l'ont été en considération de ce même et unique motif, M. C... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de ses requêtes, à demander l'annulation des décisions en litige du 14 juin et du 4 octobre 2018, ainsi que, par voie de conséquence, de la contrainte émise le 24 décembre 2018 pour le recouvrement de l'indu d'aide exceptionnelle de fin d'année. Il y a lieu, en conséquence, de le décharger de l'obligation de payer les sommes de 10 364,60 euros au titre de l'indu de revenu de solidarité active mis à sa charge pour la période de juin 2016 à janvier 2018, de 304,90 euros au titre de l'indu d'aide exceptionnelle de fin d'année mis à sa charge pour 2016 et 2017 et de 14,22 euros au titre de l'indu de prime d'activité mis à sa charge pour la période de janvier à mars 2017.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 3 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Les décisions du 14 juin 2018 et du 4 octobre 2018 et la contrainte émise le 24 décembre 2018 sont annulées.
Article 3 : M. C... est déchargé de l'obligation de payer les sommes de 10 364,60 euros au titre de l'indu de revenu de solidarité active mis à sa charge pour la période de juin 2016 à janvier 2018, de 304,90 euros au titre de l'indu d'aide exceptionnelle de fin d'année mis à sa charge pour 2016 et 2017 et de 14,22 euros au titre de l'indu de prime d'activité mis à sa charge pour la période de janvier à mars 2017.
Article 4 : Le département de l'Hérault versera à M. C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par le département de l'Hérault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au département de l'Hérault.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Thomas Godmez, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 1er février 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Thomas Godmez
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber