Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, d'annuler la décision du 15 novembre 2019 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a déclaré irrecevable sa demande d'asile et, d'autre part, de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par une décision n° 20005474 du 14 mai 2021, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 15 octobre 2021, 10 janvier 2022, 11 juillet, 13 juillet et 5 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B..., et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A... B..., palestinien résidant dans la bande de Gaza, a quitté ce territoire et s'est rendu en Grèce où il a obtenu des autorités grecques l'asile le 21 août 2018. Il s'est ensuite rendu en France le 15 février 2019, sans avoir été préalablement admis à y séjourner. Il a présenté une demande d'asile, le 24 avril 2019, qui a été déclarée irrecevable le 15 novembre 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) au motif qu'il bénéficiait déjà d'une protection effective au titre de l'asile en Grèce. M. B... se pourvoit en cassation contre la décision du 14 mai 2021 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre cette décision.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 33 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " 1. Outre les cas dans lesquels une demande n'est pas examinée en application du règlement (UE) n° 604/2013, les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive 2011/95/UE, lorsqu'une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article. / 2. Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque : / a) une protection internationale a été accordée par un autre État membre ; / b) un pays qui n'est pas un État membre est considéré comme le premier pays d'asile du demandeur en vertu de l'article 35 ; (...) ". Aux termes de l'article 35 de la directive : " Un pays peut être considéré comme le premier pays d'asile d'un demandeur déterminé, si le demandeur : a) s'est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection ; ou / b) jouit, à un autre titre, d'une protection suffisante dans ce pays, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement, / à condition qu'il soit réadmis dans ce pays (...) ". En vertu des articles 24 et 25 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, les Etats membres, dès que possible après qu'une protection internationale a été accordée à un étranger, doivent lui délivrer un titre de séjour, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent, ainsi, sous les mêmes réserves, que des documents de voyage.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 531-32, l'OFPRA " peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : / 1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ; / 2° Lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d'une protection effective dans un État tiers et y est effectivement réadmissible ; (...) ". Aux termes de l'article R. 723-11 du même code, devenu l'article R. 531-30, " lorsque l'Office prend une décision d'irrecevabilité dans le cas prévu aux 1° ou 2° de l'article L. 531-32, il statue dans un délai d'un mois suivant l'introduction de la demande ou, si les motifs d'irrecevabilité sont révélés au cours de l'entretien, dans un délai d'un mois suivant cet entretien ". Aux termes de l'article R. 723-12 du même code, devenu l'article R. 531-31 : " Pour l'application du 2° de l'article L. 723-11, l'office saisit le préfet compétent, en lui communiquant tous les éléments nécessaires aux vérifications, afin de s'assurer que le demandeur est effectivement réadmissible dans le pays où il bénéficie du statut de réfugié. Cette saisine suspend le délai prévu à l'article R. 723-11. A défaut de réponse dans un délai de deux mois, l'office statue au fond ".
4. D'une part, en estimant qu'il ne résulte pas des dispositions citées au point précédent que l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article R. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article R. 531-30, priverait l'Office de la possibilité de prendre une décision d'irrecevabilité à l'endroit d'une personne qui bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne, la Cour national du droit d'asile n'a pas commis d'erreur de droit. D'autre part, la circonstance que serait expiré le délai au-delà duquel la Grèce, en vertu de l'accord de réadmission signé avec la France le 15 décembre 1999, n'est plus tenue de réadmettre, à la demande des autorités françaises, des ressortissants de pays tiers séjournant irrégulièrement en France, étant sans incidence sur la faculté pour l'Office de rejeter comme irrecevable la demande présentée par un étranger titulaire de l'asile en Grèce, la Cour nationale du droit d'asile n'a pas entaché sa décision d'irrégularité en ne répondant pas à ce moyen inopérant.
5. En deuxième lieu, si le dernier alinéa de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 531-34, prévoit que l'Office, alors même qu'il peut prendre une décision d'irrecevabilité lorsque que l'intéressé bénéficie déjà d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne, " conserve la faculté d'examiner la demande présentée par un étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection pour un autre motif ", ces dispositions ne sauraient être interprétées comme faisant obstacle à ce qu'une décision d'irrecevabilité puisse être prise lorsque l'intéressé bénéficie déjà d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne, dans l'hypothèse où celui-ci demanderait à l'Office de lui accorder le bénéfice de cette protection pour un autre motif. Par suite, à supposer que M. B... ait effectivement présenté sa demande d'asile au motif tiré de sa qualité de réfugié palestinien enregistré auprès de l'UNRWA, en application des stipulations du 2 de la section A de l'article 1er de la convention de Genève de 1951, et que l'asile lui ait été octroyé par les autorités grecques pour un motif différent, en application des stipulations du 2 de la section A du même article, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond, cette circonstance était sans incidence sur la faculté pour l'OFPRA de prendre une décision d'irrecevabilité. En ne répondant pas explicitement à un tel moyen inopérant, la Cour nationale du droit d'asile n'a donc pas entaché sa décision d'irrégularité, d'erreur de droit, de dénaturation des pièces du dossier ni de méconnaissance de la portée des écritures du requérant.
6. En dernier lieu, la Cour nationale du droit d'asile, dont l'appréciation souveraine des faits n'est pas entachée de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de qualification juridique ni d'erreur de droit en estimant que les éléments fournis par M. B... n'étaient pas, dans les circonstances de l'espèce, suffisants pour renverser la présomption de protection effective à laquelle il a droit au titre de l'asile sur le territoire grec.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OFPRA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 30 janvier 2024
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Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Chloé-Claudia Sediang